Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où celui qui fut longtemps considéré comme un gadget s’est imposé comme le numéro un du game…
Signé à l’âge de onze ans sur le label des frères Williams, Lil Wayne (ou plutôt Shrimp Daddy comme il se faisait appeler à l’époque) n’était pas loin s’en faut la star du roster lorsque Cash money conclut en 1998 son fameux deal à 30 millions de dollars avec Universal records.
Second couteau de luxe, il officie dans l’ombre de B.G. (le petit préféré de Birdman à l’époque), Manny Fresh (le beatmaker maison) et Juvenile (dont l’album 400 Degreez s’est écoulé à 4 millions d’exemplaires).
Quelques années plus tard, la donne change pourtant drastiquement, et pour cause : toutes les têtes d’affiche ou presque ont quitté le navire, principalement pour des raisons contractuelles.
Seul rescapé, Lil Wayne se retrouve de facto propulsé sur le devant de la scène et voit peser sur ses frêles épaules l’avenir de Cash Money. C’est ainsi que quand se profile à l’horizon la sortie de son quatrième album solo en juin 2004, la pression se fait forte.
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Bien que Tha Carter soit alors le plus gros succès commercial du rappeur, sa performance n’est pas à la hauteur des enjeux. Dépourvu de single majeur (Go D.J. peine à dépasser les frontières de La Nouvelle Orléans), leaké deux semaines avant sa sortie, l’opus met plus d’une année à décrocher la certification or.
Tandis que nombreux sont ceux qui prédisent à Lil Wayne une lente fin de carrière avec en bout de course une place au cimetière des ‘Lil’ (Lil Romeo, Lil Keke, Lil Bow Wow, Lil Caesar…), ce dernier entreprend sa mutation.
Petit Dwayne devient grand
Côté look, il laisse pousser ses dreadlocks et commencent à recouvrir son corps de tatouages tous plus excentriques les uns que les autres. Niveau musique, entre sa consommation interrompue d’herbe et son addiction nouvelle à la codéine, sa voix se fait plus éraillée, plus granuleuse.
Outre le fait qu’il s’approprie de plus en plus l’autotune, Wayne laisse aller son rap à des tournures plus expérimentales, plus psychédéliques. Sa plume se libère, ses paroles oscillant désormais entre le marrant, le bizarre, le profane, le tout sans jamais se départir d’une bonne grosse dose de fun.
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Autre évolution, et c’est peut-être la plus importante de toutes : Lil Wayne bouleverse complètement le rythme de ses sorties.
Là où les plus gros noms du game comme Jay Z ou Eminem déplorent publiquement les conséquences du téléchargement illégal, Weezy retourne la situation à son avantage en profitant des opportunités qu’offre l’avènement de la musique en ligne.
Quand jusque-là les mixtapes servaient traditionnellement de démo afin d’être repéré par une maison de disques, comme 50 Cent avant lui, le rappeur utilise ce format pour sans cesse occuper le marché.
Survival of the fittest
10 000 Bars, Da Drought, The Drought is Over 2, The Prefix, The Suffix, Blow… Tunechi lâche désormais dans la nature en moyenne trois nouveaux projets par an.
Si tout ce travail ne lui rapporte rien (notamment pour des questions de samples) et ne lui assure aucun passage radio, il lui permet de faire parler de lui dans la blogosphère et dans la presse maintsream.
Invité à la chaîne par ses congénères (sans compter ses albums et mixtapes, il apparaît au total sur près de 200 titres entre 2006 et 2008 !), il est de tous les plus gros hits de l’époque (Destiny’s Child, Bobby Valentino, Outkast, Lloyd, Akon…)
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Point d’orgue de cette stratégie axée sur la gratuité de la musique, fin 2005 Wayne s’associe avec DJ Drama pour réaliser Dedication, un projet qui lui vaut un succès critique et public d’un genre nouveau – et qui vaut accessoirement à Drama une arrestation et un raid de la police dans ses studios pour suspicion de contrebande, malgré les autocollants « For Promotional Use Only » les autorités ne comprennent pas pourquoi tous ces CD sont distribués à l’œil.
Autre illustration de l’attitude de Wayne face à la redistribution des cartes sur le marché du disque : quand son très attendu Tha Carter III fuite en partie plusieurs mois en avance en 2008, plutôt que de précipiter la sortie de l’album, Wayne compile simplement les morceaux rendus publics et sort la mixtape The Leak.
Quand la version finale de C3 arrive enfin dans les bacs le 10 juin de la même année, les résultats sont à la hauteur des espérances. Porté par le single Lollipop, le projet s’écoule à 1 006 000 exemplaires en première semaine, avant de terminer album le plus vendu de l’année tout genre confondu.
Seul bémol : en 2000 un album vendu à trois millions de copies aurait échoué à intégrer le top 10 des meilleures ventes de l’année…
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