« Virgil was here »
C’est ainsi que Louis Vuitton a élégamment intitulé l’ultime défilé de Virgil Abloh à Miami.
Parti à la surprise générale à 41 ans après deux années à lutter contre le cancer, le designer est en effet de ceux dont l’œuvre a laissé une trace. Talentueux dans tous les domaines, son héritage ne se limite pas seulement à la mode. Loin de là.
Retour sur 10 moments où il a su bousculer les mentalités et les habitudes.
R.E.P.
Cette photo lors de la fashion week parisienne en 2009
Dans le genre culte, elle se pose là.
À une époque où les réseaux sociaux, influenceurs et hashtags n’existaient pas, et où personne ne prenait la pose en dehors des défilés, Kanye West décide d’emmener sa bande de potes d’alors en terres parisiennes – de gauche à droite : Don C, Taz Arnold du groupe Sa-ra Creative Partners, Chris Julian, Fonzworth Bentley et Virgil Abloh.
Plus encore que l’extravagance des outfits, ce qui a rendu le cliché viral (il a même été parodié dans un épisode de South Park), c’est l’énergie qui se dégage du groupe.
« Nous faisions partie de cette génération passionnée par la mode. Nous n’étions pas supposés être là, mais nous y étions quand même. C’était notre chance de nous agréger au mouvement. Paradoxalement, notre enthousiasme était tel que l’excitation autour de nous dépassait celle de l’événement. »
L’artwork de Watch The Throne en 2011
Déjà à la manœuvre sur 808s and Heartbreak (2008) et My Beautiful Dark Twisted Fantasy (2010), avec l’album commun de Kanye West et Jay Z, Virgil Abloh se voit confier la lourde tâche de donner corps à ce genre naissant qu’est le « luxury rap ».
Pour ce faire, il est allé débaucher Riccardo Tisci, alors directeur de la création de Givenchy. Bien lui en a pris, le rendu final lui a valu à de décrocher une nomination aux Grammy Awards dans la catégorie Meilleure pochette.
Le lancement de Pyrex Vision en 2012
L’acte de naissance de Virgil Abloh le designer.
Avec cette toute première marque, il customise des chemises en flanelle Ralph Lauren à coup de lettrages et de numéro 23 de Michael Jordan.
« Je voulais sous-entendre une émotion, et c’est devenu une métaphore de ce que qui se passait au sein de cette nouvelle génération en train de réinventer la mode – s’approprier les vêtements d’un créateur en allant au-delà de ce qu’il avait en tête ».
Les hypebeasts du début de la décennie ne s’en sont toujours pas remis.
Le merch de The Life of Pablo en 2016
Avant le septième album de Kanye West, les t-shirts et textiles vendus à la sortie des concerts tenaient essentiellement de l’attrape-cash facile et ennuyeux. Simples souvenirs, personne n’aurait imaginé les porter en outfit ou alimenter le marché du resell avec.
Virgil Abloh s’en est mêlé, puis le monde entier s’est pris pour Pablo (21 pop-up stores ont été ouverts aux quatre coins du globe)… quand bien même hier comme aujourd’hui la question de savoir qui est ce fameux Pablo se pose toujours.
La collection The Ten en 2017
Ou lorsque Nike lui propose de revisiter dix de ses modèles les plus cultes (Air Jordan 1, Chuck Taylor, Presto, Air Force 1, VaporMax…).
Armé de son cutter, il restructure alors chaque silhouette dans un style qui n’appartient qu’à lui (les citations, le zip, les matériaux translucides, les patchs orange…). Reconnaissables au premier coup d’œil, les paires déchaînent les enfers chez les sneakerheads en un rien de temps.
Pas dit que l’on revoit une collab’ de cette ampleur de sitôt.
Le clip de XO TOUR Llif3 de Lil Uzi Vert en 2017
Six mois après la sortie du morceau, le P’tit Uzi a retrouvé Virgil Abloh dans le dixième arrondissement de Paris pour tourner le clip.
Coiffé de la casquette de coréalisateur (oui il sait tout faire), Abloh filme la capitale à mille lieux des clichés de cartes postales : éclairs dans le ciel, ambiances violacées et sang qui coule dans la baignoire…
Et tant pis si les sous-titres en arabe n’ont rien à voir avec le texte, c’est l’esthétisme qui prime ici.
La collaboration avec Ikea en 2017
Après que plus tôt dans l’année Balenciaga a donné le ton en copiant-collant officieusement les fameux sacs bleus du vendeur de meubles suédois, Off- White franchit le pas en produisant directement une capsule siglée Ikea.
Composée de 14 pièces (lit, paillasson, trousse à outils, sac en papier…), elle se voulait « un alliage du minimalisme de l’enseigne et de la subversion artistique d’Abloh ».
Bien que destinées « aux millennials débutant dans la vie et désireux de bâtir leur propre foyer », lesdites pièces se sont toutefois très vite retrouvées négociées à prix d’or sur le marché de la revente.
Sa nomination au poste de directeur artistique chez Louis Vuitton en 2018
Au-delà de l’incroyable trajectoire personnelle de Virgil Abloh, c’est toute la culture streetwear qui est enfin reconnue à sa juste valeur par une industrie du luxe qui s’est longtemps montrée ingrate à son égard, piochant pendant des années quantité de ses idées sans renvoyer l’ascenseur.
D’ailleurs, pour son premier défilé, Abloh met un point d’honneur à inviter parmi ses proches sur le podium (Kanye, Kid Cudi, Kim Kardashian…) histoire de montrer que les lignes sont réellement en train de bouger.
Bon attention, sous son règne Louis Vuitton ne s’est pas non plus transformé en Balmain ou en Philipp Plein, les collections se faisant au fil des saisons plus traditionnelles, même si toujours audacieuses.
L’exposition avec Takashi Murakami en 2018
Plus de dix après leur première rencontre sur Graduation de Kanye West, Virgil Abloh et « le Andy Warhol japonais » ont joint leur force pour une collaboration d’un nouveau genre : une exposition au très sélect musée Gagosian de Londres.
Baptisée future history, elle se voulait un trait d’union entre leurs univers qui sur le papier ne partagent pas nécessairement grand-chose encommun – le trait enfantin et coloré des œuvres de Murakami, les inspirations industrielles d’Abloh.
Finalement, « ce dialogue entre leurs arts » a été un tel succès que les deux lascars ont ensuite renouvelé l’expérience avec TECHNICOLOR 2 à Paris, puis AMERICA TOO à Los Angeles.
La veste de PNL dans Au DD en 2019
Clip évènement s’il en est, Au DD voyait les frangins des Tarterêts arborer différentes pièces signées Virgil Abloh, dont une veste noire et blanche ornée du logo flèche de la marque de Off-White mélangé au cœur repris à la pochette de Que la famille.
Plus tard, N.O.S. sera notamment vu porter à la ville un survêtement noir brodé de quelques touches de bleu. Ce dernier n’a malheureusement jamais été commercialisé.
Visiblement touchés par la disparition du décès du créateur, les deux rappeurs sont sortis de leur silence en publiant en story Instagram un texte lui rendant hommage.