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Ce jour où… Warren G a sauvé Def Jam de la faillite

Ce jour où… Warren G a sauvé Def Jam de la faillite

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où l’un des plus grands labels du rap est passé à un tube de fermer définitivement ses portes…

Les livres d’histoire ont souvent tendance à l’oublier, mais Warren Griffin III alias Warren G est l’un de ceux qui, dans l’ombre, a le plus influencé le mouvement G-funk.

Initié dans les années 80 aux joies du djing par son demi-frère Dr. Dre, il apparait pour la première fois sur disque en mai 1991 sur l’interlude 1-900-2-Compton de l’album Niggaz4Life des N.W.A.

Un an plus tard, alors qu’il croise Dre dans une soirée de Los Angeles, il lui fait écouter quelques sons du groupe dans lequel il rappe avec deux de ses potes : ce groupe ce sont les 213 (un nom inspiré par le code postal de Long Beach), ses potes ce sont Snoop Doggy Dogg et Nate Dogg.

Immédiatement conquis, le producteur convoque tout ce petit monde en studio dès le lundi suivant pour prendre part aux sessions d’enregistrement de son premier solo à venir sur le tout nouveau label Death Row, le pharaonique The Chronic.

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Sans lui « The Chronic » n’aurait jamais sonné pareil

Présent sur treize des seize titres, Snoop est clairement la star du projet. Plus discret, Warren G ne se fait entendre que très brièvement sur Deeez Nuuuts et apparaît tout aussi brièvement dans les clips de Nuthin’ But A ‘G’ Thang (où pour l’anecdote son caméo est totalement improvisé) et Let Me Ride.

Homme de l’ombre, son rôle n’en a pas moins été capital puisqu’il a grandement collaboré en amont avec Dr. Dre dans le choix des samples.

Grand amateur de sons soul et r&b des années 60 et 70 ainsi que des bandes originales de films de Blaxploitation, il est celui qui fait découvrir à son demi frangin les morceaux Swing Down, Sweet Chariot des Parliament et Do Your Thing d’Isaac Hayes qui deviendront respectivement Let Me Ride et Stranded on Death Row.

Mieux, il a créé avec son acolyte Mista Grimm le beat de Little Ghetto Boy, avant que Dre ne décide de se l’approprier.

Lorsque Snoop commence à enregistrer Doggystyle, Warren G est encore de la partie et pose sur le single Ain’t No Fun.

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Le rebond

Reste qu’il a beau toujours être fourré avec les lascars du Couloir de la Mort, aucun contrat ne lui est offert de près ou de loin – ni aucun pendentif, ni aucune royauté.

Pire, quand au milieu de l’année 1993, toute l’équipe part en tournée pour défendre The Chronic, Warren G découvre médusé à l’aéroport qu’aucun billet d’avion n’a été réservé à son nom. Passablement déprimé, il rentre alors chez sa sœur où il dort sur un matelas à même le sol.

Décidé à rebondir, il compose alors le titre Indo Smoke pour Mista Grimm où il rappe en guest avec Nate Dogg. G-funk en diable, le morceau qui se veut un hymne à la fumette (Indo étant le diminutif d’Indonesian, une herbe originaire d’Indonésie donc) attire l’attention des cadres de Def Jam, et notamment celle de Chris Lighty qui repère immédiatement tout le potentiel du G child.

Directeur artistique du label, Paul Stewart se souvient que Lighty n’a pas réfléchi à deux fois avant de l’approcher : « Il a vu un type qui passait bien, un type de la West Coast qui avait du flow, de la personnalité, qui pouvait produire, qui était affilié à Dre et Snoop… c’était plutôt clair non ? »

Stewart qui travaillait à l’époque sur la bande originale du film Poetic Justice avec 2Pac et Janet Jackson décide alors d’ajouter Indo Smoke à la tracklist, mais aussi Definition of a Thug Nigga, une prod’ de Warren G sur laquelle pose 2Pac.

L’heure du choix

Un contrat lui est ensuite offert par la prestigieuse maison qui depuis 1983 a accueilli dans ses rangs les LL Cool J, Beastie Boys, Public Enemy et autres Slick Rick.

Outre l’historique du label, ce qui a poussé Warren G à s’éloigner de sa Californie natale est le fait que même s’il avait signé chez Death Row il n’aurait jamais constitué une priorité.

« Ils avaient un paquet d’artistes. Ils avaient Snoop, et les Dogg Pound, et Lady of Rage, et tant d’autres… La liste d’attente était trop longue. Je ne voulais pas attendre si longtemps. »

Si de ce point de vue la décision du rappeur fait sens, ce qu’il ne sait pas c’est qu’en 1994 Def Jam est au bord du gouffre – et s’il l’avait su comme il le déclarera longtemps après, il ne se serait jamais engagé avec eux.

La comptabilité affiche un déficit de 33 millions de dollars, notamment à cause du plantage de la branche Def Jam West née pour capitaliser sur la vague G-funk (Boss ? South Central Cartel ? Quelqu’un ?).

La débandade est telle que pour garder le navire à flots, le fondateur Russell Simmons a du revendre la moitié des parts à PolyGram Records.

« Regulators!!! Mount up »

Si Warren G n’est absolument pas attendu comme le sauveur, il est pourtant celui qui va permettre à l’aventure de se poursuivre grâce à son premier album Regulate…G Funk Era, et notamment son single Regulate qui va s’imposer comme l’un des plus grand tubes de la décennie.

Reprenant une boucle du I Keep Forgettin’ de Michael McDonald que ses parents écoutaient en boucle quand il était enfant, Warren G tient là une mélodie qui reste dans la tête, mais qui surtout « sonne tellement différemment ».

Sur ce il invite Nate Dogg à écrire des paroles où, sur fond de car jacking dans les rues de L.A., chacun se répond à tour de rôle.

« Nous voulions rapper comme Snoop and Dre sur ‘Nuthin’ But a G Thang’. J’ai donc écrit les quatre premières mesures, et ensuite Nate a écrit les quatre suivantes, et ainsi de suite. À la fin nous n’avions même pas de refrain mais le sample était une telle balle que nous n’en avions en fait même pas besoin. »

Autre originalité, le titre démarre sur un dialogue du western Young Guns sur lequel Warren G flashe complètement le jour où il regarde la cassette posée chez lui.

« Quand j’ai entendu ça je suis devenu fou. Je me suis dit ‘Oh mon Dieu, je dois ajouter ça ! Peu importe qu’ils me donnent les droits ou pas, je vais le faire.’ »

Il copie alors dans la foulée le son de la VHS sur sa console MPC.

« And if your ass is a buster, 213 will regulate… »

Avant de sortir officiellement dans les bacs, Regulate doit cependant être réenregistré, les trop nombreux « motherfucker » qui rythment le texte empêchent tout passage radio.

Placé sur la bande originale du film Above the Rim, le morceau rencontre immédiatement le succès, à tel point que Def Jam souhaite le clipper.

Problème : Nate Dogg a entretemps signé chez Death Row et Suge Knight (qui produit en sus la BO d’Above the Rim) entend bien réclamer la paternité du titre, quitte à empêcher son artiste de participer au clip.

Un accord financier est finalement conclu, et Regulate finit par être commercialisé sous deux formats : comme single d’Above the Rim, puis un peu plus tard comme lead single de Regulate…G Funk Era.

Classé numéro 2 des charts et clip le plus joué sur MTV, le morceau permet à l’album du californien de s’écouler à 176 000 exemplaires en première semaine, puis d’être certifié l’année suivante trois fois platine.

À eux seuls les revenus générés permettent alors à Def Jam de sortir la tête de l’eau et même à dégager des profits dès 1995 !

Sauvé de la faillite, le label retrouve une seconde jeunesse en engageant des poids lourds comme Jay Z et DMX. Résultat, en avril 1999 Russell Simmons et Lyor Cohen finalisent la vente de leurs dernières parts à Universal Music pour la modique somme de 135 millions de dollars !

Un deal d’une ampleur inédite dans l’histoire du rap… un deal qui n’aurait jamais vu le jour sans Warren G.

Si malheureusement pour lui la suite de sa carrière ne connaitra jamais plus un tel point d’orgue (dès 1997 son second essai Take A Look Over Your Shoulder peine à décrocher une certification or), Regulate continue de lui survivre : en 2017 le clip a dépassé les 100 millions de vues sur YouTube tandis que grâce aux services de musique en ligne les ventes ont dépassé les deux millions d’exemplaires.

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