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Ces rappeurs adeptes des théories du complot [DOSSIER]

Ces rappeurs adeptes des théories du complot [DOSSIER]

Bienvenue dans un monde parallèle…

Ce qu’il y a de bien avec le complotisme, ou la manie de tout expliquer tout le temps avec des théories fumeuses, c’est qu’au fond la posture est assez confortable : d’un coup d’un seul les évènements apparaissent parfaitement compréhensibles, et qui plus est des plus palpitants.

Mieux, qu’importe son niveau d’expertise dans un domaine, élaborer ou soutenir ce genre de fantaisies s’accompagne d’un sentiment d’extra lucidité (pour ne pas dire de supériorité intellectuelle) loin d’être désagréable.

Rappeurs ou pas rappeurs, personne n’échappe à la règle, à ce léger bémol près qu’un maître de cérémonie digne de ce nom bénéfice d’une d’audience et d’un statut auprès de cette audience qui devraient l’inciter à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de prendre la parole sur les sujets les plus sensibles.

Malheureusement ce n’est pas toujours le cas.

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Jadakiss qui accuse Georges W. Bush d’avoir orchestré le 11 septembre

Pas franchement connu pour être le rappeur le plus conscient qui soit, ‘Kiss surprend en 2004 en sortant le morceau Why? où, en duo avec le chanteur Anthony Hamilton, il s’interroge plutôt malicieusement sur l’état de la société américaine« Pourquoi l’industrie s’évertue à garder les artistes endettés ? », « Pourquoi si c’est de l’amour tu te pointes avec un 9mm ? », « Pourquoi Halle Berry a dû coucher avec un blanc pour avoir l’Oscar ? », etc.

Et puis ni une, ni deux, à l’entame du deuxième couplet, il se demande « Pourquoi Bush a fait tomber les tours ? »Why did Bush knock down the towers? »), reprenant là la thèse de l’inside job.

Trois ans à peine après la plus grande attaque étrangère perpétrée sur le sol US, la ligne fait scandale, au point que radios et chaînes de télévisions prennent l’initiative de censurer le nom du 43ème président des États-Unis lorsqu’il est prononcé.

Le rappeur réplique alors dans le clip en faisant porter par un manifestant une pancarte « BUCK FUSH » (une contrepèterie pour « FUCK BUSH »), tandis que dans la presse il semble plutôt ravi de son effet (« C’est une bonne chose, j’ai réussi à capter l’attention de l’Amérique blanche »).

En filigrane Jadakiss admet cependant ne pas vraiment croire que ‘Dubya’, Cheney, Rumsfeld & Co. ont perpétré cet attentat, à ceci près qu’ils auraient dû faire plus pour le prévenir.

Dont acte ? Pas vraiment, puisque l’année suivante les Immortal Techniques en featuring avec Yasiin Bey/Mos Def et DJ Green Lantern samplent l’ancien Lox au refrain de leur pamphlet Bin Laden.

Extrait : « Ben Laden n’a pas fait exploser les tours, c’était toi renoi (sic)/Dis-nous la vérité renoi ! (Bush knocked down the towers) »

Si à ce jour aucun de nos larrons n’est revenu sur ses propos, personne n’a entretemps apporté la moindre preuve allant dans ce sens.

B.o.B qui clame que la terre est plate

Sur le toit du monde en 2010 après avoir écoulé plus de deux millions de copies de son premier album B.o.B Presents: The Adventures of Bobby Ray, six ans plus tard, c’est le calme plat dans les charts pour l’auteur des tubes Airplanes et Nothin’ On You.

Ainsi lorsqu’au mois de janvier il se met à tweeter haut et fort ses doutes sur l’aspect sphérique de la Terre, nombreux sont ceux qui croient qu’il essaye de se payer un coup de pub à moindre frais.

Sauf que non, le gentil B.o.B pense vraiment que le pôle Nord trône au centre de la carte et que l’Antarctique nous encercle, empêchant là l’eau de tomber dans l’univers.

D’ailleurs c’est bien simple, pour s’en convaincre il suffit de fixer la ligne d’horizon et constater qu’elle n’est jamais courbée.

Clashé sur la place publique par l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson (les détails ici), il n’en démord pas, qu’importe les éclipses, les marées, la gravité, le déplacement des étoiles, les voyages dans l’espace et les photos prises au cours de ces voyages dans l’espace.

Le monde se divisant en deux catégories, B.o.B accepte dans la foulée de rejoindre les rangs de la Flat Earth Society, un groupuscule de « platistes » dont les membres sont pour rappel disséminés « tout autour du globe » (soupir), puis a ouvert il y a peu un OnlyFan où pour 25 balles par mois il disserte à volonté sur ses dernières « découvertes » en matière de science et d’histoire.

Libre à vous de remater pour moins cher Le Dîner de cons.

Le Wu-Tang Clan et les « diables blancs »

En 1993, U-God rappait sur le classique Da Mystery of Chessboxin « I’m makin’ devils cower to the Caucasus Mountains », soit dans la langue de Molière : « Je fais battre les diables en retraite dans les montagnes du Caucase ».

Comme beaucoup de rimes du Clan, cette dernière demande une petite explication de texte pour être comprise.

Pour cela il faut remonter quelques 6 600 ans en arrière, quelque part entre le détroit de Kertch et la péninsule d’Apchéron (quelque part dans le Caucase quoi), quand un sorcier du nom de Yakub a créé suite à différentes expérimentations une race maudite : la race blanche.

Aussi perverse que malfaisante, cette dernière a réussi à asservir l’homme noir présent avant elle sur Terre.

Absolument pas tiré d’un scénario de bande-dessinée, ce déroulement de l’histoire est prôné le plus sérieusement du monde par la Nation of Islam (celle-là même dont sont issus Mohamed Ali et Malcom X) et ses cousins les Five Percenters.

Très influentes au sein du rap, ces organisations comptent de nombreux sympathisants dans les rues de New-York (Rakim, Nas, Jay Z, Busta Rhymes, Jay Electronica, Big Daddy Kane…), dont le Wu-Tang qui les référence à tout-va.

Bien souvent cela tient du folklore, mais pas toujours, comme lorsqu’ici l’Universal God exprime son ardent désir de faire regagner leurs pénates dans les plus brefs délais aux « blancs, white et blancos ».

Pas très Charlie tout ça.

Jay Z qui blâme Reagan pour avoir fait de lui un dealeur

Président des États-Unis d’Amérique de 1980 à 1988, Ronald Reagan demeure dans la culture rap associé à la propagation record du crack dans les ghettos noirs.

Rebaptisée la « Reagan era », sa mandature en en effet vu exploser le trafic et la consommation sans qu’à l’époque l’on ne sache très bien pourquoi.

Aujourd’hui en revanche, on sait très bien pourquoi.

Souhaitant empêcher par tous les moyens l’avènement du communisme au Nicaragua, un petit pays d’Amérique Centrale, la CIA a soutenu sans réserve leurs opposants, les Contras.

Problème, à force d’assassiner femmes et enfants ce groupe paramilitaire a vu ses financements couper par le Congrès en 1986.

Persuadé d’œuvrer pour la bonne cause, sous l’impulsion du directeur des affaires politiques et militaires Oliver North, la CIA a sciemment violé l’amendement passé en ce sens, d’une part, en continuant de soutenir les Contras via des circuits de financement occultes (comme le trafic d’armes avec l’Iran), et de l’autre, en fermant les yeux sur leurs exportations de cocaïne à destination des grandes métropoles de la côte ouest.

Conséquences, en quelques années à peine, outre la dégradation sans précédent des conditions de vie dans les ghettos situés à la périphérie de ces grandes villes, c’est toute une tout un pan de la jeunesse qui s’est retrouvé emprisonné ou au cimetière.

Issu de cette génération, en 2007, Jay Z résume la situation de son point de vue dans Blue Magic, le track bonus de son album inspiré du film American Gangster, avec la ligne « Blame Reagan for making me into a monster/Blame Oliver North and Iran-Contra/I ran contraband that they sponsored ».

[Désolé pour les non-anglophones, mais l’homonymie « Iran-Contra »/«I ran contra(band) » est juste géniale.]

Rien de complotiste donc pour qui s’en tient aux faits, à ceci-près que quand Jay-Jay rappe « qu’il vendait ce qu’ils sponsorisaient », il semble faire sienne la thèse soutenue par certains leaders noirs comme Louis Farrakhan de la Nation of Islam (lire précédemment) pour qui le gouvernement avait délibérément empoisonné les ghettos afin de casser la naissance d’une classe moyenne afro-américaine.

Hum… ce n’est pas comme si entretemps Jigga était devenu milliardaire

Nas qui se fait ambassadeur des anti-vaccins

Réputé pour être du genre cérébral, Esco connaît pourtant toutes les peines à comprendre que sans la vaccination pour tous la population mondiale n’aurait probablement jamais dépassé le milliard d’habitants, et que malgré leurs pseudos remèdes (genre « se contenter de prendre sa vitamine C » comme le suggère Lil Jon), les anti-vaccins ne doivent leur santé qu’à la vaccination des autres.

Certes Big Pharma n’est en aucun cas pas exempt de tout reproche, mais de là à asséner au refrain What Goes Around en 2001 que « les docteurs injectent du poison dans les veines des enfants », peut-être est-ce un chouia exagéré, ne serait que parce que 20 ans après les faits le poison en question n’a provoqué aucun début d’hécatombe ?

Droit dans ses bottes, Nas n’a pas hésité à réitérer sa thèse en 2018 sur Everything, extrait de l’album NASIR… produit par Kanye West, autre militant anti-vaccins notoire.

Adoptant là le point de vue d’un enfant qui en veut à ses parents de l’avoir piqué sans son consentement, il lâche un très aigre « Je croyais que vous vouliez me protéger ?/Pourquoi laissez-les vous m’injecter ?/Qui peut me dire ce que produiront les effets secondaires ? »

Rendez-vous en 2038 pour (re)faire les comptes ?

Nipsey Hussle et le docteur Sebi

Peu avant sa disparition, Nipsey Hussle travaillait sur un documentaire dédié à l’homme qui a dans les années 80 prétendait pouvoir guérir le Sida avec des plantes, à une époque où les victimes du virus tombaient comme des mouches.

Sûr de son fait, Alfredo Darrington Bowman de son vrai nom (1933-2016) a beau n’avoir jamais dévoilé les secrets de son fameux traitement à 500 dollars (environ 2 500 dollars actuels), il n’en avait pas moins acheté plusieurs encarts publicitaires dans différents quotidiens comme le New York Post, le Amsterdam News ou le Village Voice pour vanter ses exploits.

Ce battage médiatique avait alors attiré l’attention de la justice fédérale qui l’avait poursuivi pour exercice illégal de la médecine.

De là, sa légende est née.

Jugée non-coupable, il s’empresse d’utiliser ce verdict comme la preuve triomphante de l’efficacité de ses méthodes, non sans fanfaronner à qui veut l’entendre avoir mis en échec le gouvernement et les lobbys pharmaceutiques.

En réalité, Sebi s’en est sorti, non pas en apportant le moindre début de résultat quant à ses élucubrations (appeler à la barre 72 de ses patients pour qu’ils se déclarent d’eux-mêmes soignés ne présente aucune valeur scientifique), mais en se dédouant de l’accusation de délivrance de faux diagnostics médicaux qui lui avait été faite.

Au-delà des débats sans fin avec ses partisans qui défendent bec et ongles son héritage, bornons-nous de regretter que le Professeur Raoult le Dr. Sebi ait fait preuve de tant de modestie, lui qui s’il avait daigné partager la recette de son potage aurait pu sauver les vies de dizaines de millions d’êtres humains à travers le monde.

Professor Griff qui accable les juifs de tous les maux

Héros du rap militant, les Public Enemy sont frappés par la foudre quand le 22 mai 1989 leur « ministre de l’information » Richard Griffin assène dans un entretien accordé au Washington Times que « les juifs sont en grande partie responsables de la cruauté dans le monde ».

Viré du groupe dans la foulée par un Chuck D pourtant pas blanc bleu dans l’affaire mais soucieux de continuer de mener la révolution en Nike, Griff est toutefois réintégré quelques semaines plus tard en tant que « Supreme Allied Chief of Community Relations » (hein ?), avant d’être de nouveau mis à la porte devant le tollé suscité.

Il faut dire que ce n’était pas la première fois que Griff se laissait aller à ce genre de considération, lui qui un an plus tôt avait estimé dans les colonnes de l’hebdomadaire musical britannique Melody Maker qu’il ne verrait aucun inconvénient à ce que « les palestiniens tuent les juifs jusqu’au dernier ».

Loin de faire profil bas, Griff reviendra à plusieurs reprises sur cette polémique au fil du temps que ce soit en 2009 dans son livre Analytixz où il nie avoir tenu de tels propos en arguant que « pour dire cela des juifs cela, il m’aurait fallu avoir traversé le monde entier, prendre connaissance de toute la cruauté du monde présente et passée, ce qui est impossible » (à sa décharge le papier du Washington Times n’est plus consultable nulle part depuis des années), ou en 2017, quand chez DjVlad il prétend que lesdits propos ont été cités hors contexte… avant de se demander à voix haute « qui a financé Hitler ? », « qui est responsable de la Seconde Guerre mondiale ? », « qui possédait les bateaux qui ont amené les noirs en Amérique ? », le tout en citant la Nation of Islam, dont il est membre, et Henry Ford, l’industriel américain soutien enthousiaste du IIIème Reich et auteur du brûlot antisémite Le Juif international.

Prodigy qui dénonce les Illuminatis et les extraterrestres

Non content de rapper la rue comme personne, la moitié des Mobb Deep peut s’enorgueillir d’avoir été le premier emcee à avoir name droppé la société secrète bavaroise fondée au 18ème siècle quand en 1995 il a balancé « Illuminati want my mind, soul and my body/Secret society, trying to keep they eye on me » sur le remix de I Shot Ya de LL Cool J.

La référence ne tombait pas de nulle part, puisque de son propre aveux elle était tirée de Behold a Pale Horse, un livre publié en 1991 par Milton William Cooper.

Particulièrement friand des thèses développées par l’auteur, P est allé jusqu’à déclarer : « Dire de moi que j’ai lu Behold a Pale Horse est inexact. Je l’ai lu six fois au total afin de comprendre précisément ce qui se passe là dehors. »

Et que se passe-t-il dehors à en lire Cooper ? Et bien tout simplement que les petits hommes verts sont parmi nous et qu’ils contrôlent nos faits et gestes.

Jugez plutôt : les gouvernements vont prendre ordres chez les Illuminatis et les fraternités universitaires qui s’évertuent du mieux qu’ils peuvent à masquer les vrais problèmes à la population mondiale (l’invasion extraterrestre donc) en les dissimulant sous quantité de prétextes comme la Guerre froide ou le Sida (une invention des laboratoires pharmaceutiques pour freiner l’expansion démographique des populations noires, hispaniques et homosexuelles).

Bref, les délires complotistes avant l’internet ça ressemblait à ce genre de dingueries.

Ces rappeurs qui ont leur avis bien à eux sur le Covid

Impossible de conclure cet article sans faire mention de l’actualité des derniers mois.

Dans le désordre on a eu le droit à Cardi B, alias la Kim Glow du Queens, qui s’est fendue d’une théorie bien à elle : les célébrités prétendraient avoir été testées positives au virus chinois en échange d’un chèque.

À en croire YG c’est somme toute logique puisqu’il s’agirait de vider les rues pour installer pépère des tours 5G, celles-là même qui selon l’éminente chercheuse la chanteuse rnb Keri Hilson seraient à l’origine de l’épidémie.

Ne vous inquiétez pas trop non plus. T.I., qui apparemment suit depuis toutes ces années incognito un cursus en médecine, a la solution : boire du thé.

« Le COVID démarre dans la gorge. Si vous l’attrapez alors qu’il se trouve encore dans votre gorge et que vous buvez un liquide chaud, ce même liquide chaud va l’envoyer dans votre estomac, où les acides la tueront. »

Tout est une affaire de timing quoi.

[BONUS] Le gangsta rap est-il l’instrument du lobby carcéral ?

Dans le genre légende urbaine, celle-là en tient une couche.

En 1991, une réunion se serait tenue entre différents cadres de l’industrie musicale après qu’ils soient devenus actionnaires du complexe pénitentiaire. Ces derniers auraient conclu un pacte secret pour promouvoir du mieux qu’ils le peuvent le gangsta rap, un style de musique servant doublement leur intérêt.

Doublement, parce qu’en sus de remplir les caisses des maisons de disques en nourrissant les fantasmes des classes moyennes et supérieures blanches (cf. les millions de copies vendues par les Death Row, Ice Cube, Ice-T & Co.), à l’opposé du spectre, le gangsta rap permettait de remplir les prisons (pour rappel aux États-Unis, les détenus constituent une main d’œuvre très profitable) en poussant la jeunesse des ghettos à frayer toujours un peu plus avec l’illégalité (éloge du deal et du gangbanging, refus de l’instruction, défiance envers les forces de police…).

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PS : évidement, à l’exception du fait que les céréales se versent dans un bol avant de verser le lait, il n’existe pas de vérité absolue et la contradiction est la bienvenue dans les commentaires.

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