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Les plus grands « ET SI ? » du rap US [DOSSIER]

Les plus grands « ET SI ? » du rap US [DOSSIER]

Ou quand le cours des événements aurait pu être mille fois différent…

Qui a dit que l’histoire était écrite d’avance ? À modifier certains détails qui n’en sont pas, ce sont des pans entiers du hip hop universe qui se seraient retrouvés chamboulés, voire carrément passés sous le tapis.

Intéressons-nous donc mon cher Marty à ce à quoi qu’aurait pu ressembler le présent en modifiant le passé.

Résurrections, choix artistiques, prises de décisions… voici l’effet papillon décliné en une dizaine de cas de figure.

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Et si 2Pac et Biggie étaient toujours parmi nous ?

Et si les deux meilleurs rappeurs de tous les temps n’étaient pas tombés sous les balles à quelques mois d’intervalle au sommet de leur gloire ?

À trop écouter les fanatiques des deux bords, dans une telle hypothèse 90% de leurs contemporains tafferaient au McDonald’s plutôt que de tenter de rivaliser – tout cela sans compter que Big aurait entretemps reçu le prix Nobel de littérature et que ‘Pac aurait été élu gouverneur de Californie.

On est toutefois en droit d’en douter.

De un, parce qu’il n’est pas dit qu’ils ne se soient pas fait assassiner quand même puisque ce sont leurs disparitions qui avaient scellé la fin de la guerre des côtes entre les Death Row et Bad Boy.

De deux, parce qu’à quelques très rares exceptions près, l’adage qui veut que l’on vieillisse très mal dans le rap se vérifie très bien.

Bientôt cinquantenaires en 2019, il est à parier que Christopher Wallace et Tupac Shakur la joueraient « le rap c’était mieux avant » pour justifier la modestie de leurs chiffres en première semaine.

Ou pire, essayant tant bien que mal de s’accrocher au wagon de la hype, le premier serait à l’affiche du casting d’une télé-réalité dans laquelle les candidats cherchant l’amour se font poser un anneau gastrique, tandis que le second ferait l’actu pour la fuite de sa sextape et le tournage de séries Z serbo-monténégrines au côté de Steven Seagal et Hulk Hogan.

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Et si Eminem avait été noir ?

Et si le white boy préféré du rap avait grandi de l’autre côté de la 8 Mile Road, dans les ghettos afro-américains de Detroit ?

Unanimement considéré pour ses qualités derrière le micro, Eminem aurait assurément tout aussi bien fini par percer, le talent n’ayant rien à voir avec une quelconque couleur de peau – ou pour citer son mentor Dr. Dre : « Un type peut bien être violet, s’il sait kicker, je taffe avec lui ».

Mieux, il aurait en tout état de cause rencontré le succès avant ses 27 ans (année de sortie de son Slim Shady LP), lui qui n’aurait pas été confronté à ce plafond de verre sans nom qu’était être caucasien dans le milieu rap des années 90.

Reste que de son propre aveu, à en croire sa rime sur White America, l’équation aurait été fort différente : « Let’s do the math: if I was black, I woulda sold half ».

À sa décharge, rappelons-nous qu’à cette époque le rap était loin d’être le genre musical dominant et que nombreuses étaient les radios à ne pas en jouer (pour ne pas dire toutes les radios sauf celles spécialisées dans le rap).

Hasard de la vie (ou pas), Shady-le-blondinet figurait lui en bonne place dans toutes les playlists et touchait ainsi tous les publics – il a d’ailleurs été classé à quatre reprises dans les tops rock/alternatif.

Outre cette exposition moindre et outre le fait que s’il avait été un renoi il aurait très certainement pris du ferme en 2000 après pour avoir tabassé un videur à coup de crosse de pistolet, Eminem n’aurait jamais pu connecter à ce point avec les classes moyennes et prolétaires blanches.

Loin de se limiter à son personnage et ses clashs, souvenons-nous que dans les années 2000 il était avant tout cet enfant des trailers parks dont les chansons dépeignaient en filigrane toute la colère et la frustration d’une frange de la population qui, se sentant oublié de la représentation politique et médiatique, voyait en lui une sorte de porte-voix.

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Et si Jay Z avait pris sa retraite pour de vrai en 2003 ?

Et si à compter du 22 octobre 2003, Shawn Corey Carter n’avait non seulement plus jamais rappé de sa vie, mais s’était également complètement retiré du monde des affaires ?

Déjà très sérieux prétendant au titre de meilleur rappeur de l’histoire, gageons que la très bonne qualité de son Black Album n’aurait fait que consolider ses prétentions en la matière, son départ soudain renforçant même sur ce coup son aura.

Certes, ce faisant, il aurait amputé sa discographie de très bons crus à venir comme American Gangster (bye, bye le ‘Roc Boy salute’) ou 4:44, mais avec huit albums au compteur il aurait tout de même laissé un héritage conséquent aux générations à venir (pour rappel Biggie n’a sorti que deux solos de son vivant, 2Pac quatre).

Si l’on peut douter que son bon pote Memphis Bleek l’ait remplacé au pied levé en tant que nouveau franchise player new-yorkais, les principales répercussions de son absence se seraient toutefois faites sentir à une autre échelle.

Nommé président de Def Jam Records fin 2004, Jay Z est en effet responsable d’avoir lancé les carrières de rap star du calibre de Rick Ross et Young Jeezy, mais aussi et surtout de la très pop et très internationale Rihanna.

Dans le même registre, sans lui Kanye West serait très probablement resté un producteur ultra talentueux à la Bink ou à la Just Blaze, mais absolument pas le personnage public tout en flamboyance qu’il est devenu.

Après avoir connu toutes les peines pour décrocher un contrat en tant que rappeur chez Roc-A-Fella (et encore Dame Dash n’avait daigné le signer en tant que tel que parce qu’il craignait qu’il ne s’en aille produire des beats ailleurs), il doit essentiellement à son « big brother » la reconnaissance de ses talents micro en main, lui qui l’a poussé à dépasser son complexe d’infériorité.

Sans Kanye et sans Riri, c’est donc une bonne partie du paysage de la musique mondiale qui aurait été bouleversé au début des années 10 (plus d’EDM et moins d’urbain pour aller vite).

Bon point cependant, il paraît plausible d’imaginer Beyoncé célibataire, elle qui n’aurait sûrement pas été emballée plus que ça par l’idée de se marier avec un type, aussi riche soit-il, dont la seule ambition à 36 ans à peine aurait été de passer le restant de ses jours à siroter des piña coladas et regarder des matchs des Knicks.

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Et si LL Cool J n’avait jamais sauvé Def Jam ?

Et si cette hydre de la musique mondiale fondée par Rick Rubin et Russell Simmons en 1983 avait disparu de la circulation sitôt créée ?

Candidat au titre de best rapper alive dans la seconde partie des années 80, Cool James a débuté dans le son en enregistrant une démo grâce à l’équipement acheté par son grand-père. Après avoir trouvé les coordonnées de Def Jam en scrutant le dos de la pochette du vinyle It’s Yours de T La Rock, il envoie par courrier une copie de son travail au siège du label… situé dans un dortoir de l’université de New York.

Conquis par son potentiel, Rubin et Simmons réunissent quelques centaines de dollars pour produire en 1984 son tout premier single, I Need a Beat. 100 000 exemplaires vendus plus tard (un score alors mirifique), CBS leur offre un deal de distribution.

Et c’est ainsi que le rap à qui beaucoup prédisaient une disparition imminente s’est établi comme une force en présence, tant musicalement (beat dépouillé et lyrics scandés) que commercialement (sans Def Jam le sillon tracé pour tous les Bad Boy, Cash Money et Top Dawg Entertainment serait resté vierge).

Merci LL donc, même si à la revoyure pas dit que toute la génération 90/2000 n’ait eu à s’habiller en baggys jeans criards et autres fringues quatre fois trop grandes si sa démo s’était égarée dans le bureau du doyen.

Sans son coup de vice pour booster les ventes de FUBU en piratant une publicité Gap, peut-être en effet aurions-nous évité ces crimes contre la mode qu’ont été les Rocawaear, Enyce et tous les Ecko de la terre.

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Et si 50 Cent ne s’était jamais fait tirer dessus ?

Et si Curtis Jackson n’avait ni frôlé la mort, ni bâti sa légende à partir de ce fait d’armes ?

Alors qu’il vient tout juste de se choper de la visibilité sur le marché en clashant un max de têtes d’affiche sur son How to Rob de 1999, quelques mois plus tard c’est la tuile : 50 s’en prend neuf dans le buffet.

Effrayée, sa maison de disques Columbia Records coupe les ponts avec lui, bloquant au passage la sortie de son premier album.

Personne ne le sait encore, mais il s’agit là de la chance de sa vie.

Dans un rap jeu où l’image compte tout autant que les capacités artistiques, Fiddy acquiert là le statut de super-héros des ghettos et se fait signer par Eminem et Dr. Dre, alléchés par les retombées qu’ils vont pouvoir tirer de ce storytelling d’exception.

Du tout bon donc, et ce d’autant plus que la balle que le futur auteur de Get Rich’ a pris dans la joue lui donne désormais ce flow lancinant si caractéristique qui va beaucoup accentuer l’aspect mélodique de ses refrains – et qui va lui permettre accessoirement d’aller draguer le public sudiste.

Sans cet incident, 50 Cent aurait sorti l’air de rien Power of The Dollar (un opus correct, mais sans plus), sans bénéficier du moindre single à succès, avant de poursuivre sa carrière par vent calme (ou d’aller retourner dealer du crack) sans parler des deux seuls thèmes qui l’on jamais intéressé depuis, le flouze et les guns.

Tant pis pour Lloyd Banks et Tony Yayo (gageons que Young Buck aurait lui fini par atterrir chez Cash Money), mais tant mieux pour Ja Rule qui aurait continué de faire illusion encore un peu.

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Et si Suge Knight était allé en prison dès le départ ?

Et si celui que l’on a surnommé « l’homme le plus dangereux du monde de la musique » avait pris du ferme dès 1987 pour avoir coupé au ciseau la queue-de-cheval de sa petite amie devant la maison de sa mère puis pour avoir deux semaines après tiré deux fois sur un type à Las Vegas ?

Laissé par on ne sait quel miracle en liberté après ces deux affaires, Knight s’était alors fait engager comme garde du corps du rappeur The D.O.C. avant de commencer à tisser sa toile dans le monde du rap.

Résultat, peu de temps après il réussissait à semer une zizanie sans nom au sein de Ruthless Records afin de fonder Death Row et d’instaurer par là même un règne de terreur sur la scène californienne.

Si l’épopée du label est considérée comme mythique, il n’en reste pas moins qu’elle n’a duré en tout et pour tout que quatre petites années (de la sortie de The Chronic en 1992 à la disparition de 2Pac en 1996) et s’est faite au détriment de l’embryon d’empire créé par Eazy-E.

Loin de se limiter aux N.W.A., Ruthless était en effet une véritable usine à disques d’or. Pas le plus doué des rappeurs, le « little big man » de la côté ouest pouvait en revanche se targuer d’une oreille sans pareille pour dénicher de nouveaux talents (dans le désordre : J.J. Fad, Above The Law, Michel’le, Bone Thugs-n-Harmony, Jimmy Z, Will.i.am…).

Ajoutez à cela les productions d’un Dr. Dre montant en régime, les renforts de rappeurs évoluant dans son giron (Snoop, les Dogg Pound et Nate Dogg dans les années 90, Eminem et 50 Cent dans les années 00…), un petit effort de la part de Jerry Heller pour ne pas trop arnaquer ses artistes à la signature, et des rapports sexuels protégés (Eazy décédera du SIDA en 1995), et c’est à se demander si Ruthless ne serait pas devenu une nouvelle Motown.

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Et si T-Pain n’avait jamais utilisé l’Auto-Tune ?

Et si le Nappy Boy ne s’était jamais inspiré du Believe de Cher, ce titre pop de 1998 qui le premier popularisa ce logiciel mis au point par l’industrie pétrolière permettant de corriger les fausses notes et d’accentuer certains effets de la voix ?

Longtemps resté un secret d’initiés dans le petit monde des studios d’enregistrement, le bon pote d’Akon décide en 2005 de colorer à visage découvert tout son premier album Rappa Ternt Sanga avec ce Photoshop pour la voix.

Tandis que les puristes lèvent sans surprise les yeux au ciel, après quelques hésitations ses camarades rappeurs finissent par lui emboiter le pas.

Désormais en mesure de poser les refrains qu’ils ont en tête, ils enterrent définitivement le son boom bap et le gangsta rap de papa, et s’en vont piquer des parts de marché à la pop.

Et c’est ainsi que vit le jour l’un des albums les plus influents de notre ère : 808s and Heartbreak de Kanye West.

Largement influencé par l’ami Teddy Pain (crédité d’ailleurs en tant que collaborateur sous le pseudonyme RoboCop), Ye’ ne se contente cependant pas de donner une tonalité robotique à ses refrains. Porté par les possibilités nouvelles qu’offre cet instrument, il s’en va explorer toute une palette d’émotions nouvelles (deuil, mélancolie, tristesse, mal de vivre….).

D’une pierre deux coups, 808s décomplexe ainsi les rappeurs quant à l’utilisation de ce logiciel (typiquement Lil Wayne qui, dans un premier temps sceptique face au choix de Kanye, va ensuite autotuner sa musique du sol au plafond), tout en ouvrant la voie à toute cette vague emo de nos jours prédominante.

Pour résumer donc : pas de T-Pain, pas de brouillage des frontières entre le chant et le rap, pas de Kanye triste, pas de Kid Cudi/Future/Young Thug, pas de rappeurs Souncloud, pas de nombrilisme à tout-va, pas de drogues médicinales… et pas de hip hop au sommet de charts dans les années 10.

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Et si Drake n’était pas Canadien ?

Et si, quand ses parents se sont séparés lorsqu’il avait 5 ans, plutôt que d’être élevé par sa mère institutrice dans la banlieue de Toronto, Aubrey Graham s’en était allé vivre avec son musicien de père à Memphis, Tennessee ?

Fils à maman certifié, entre le regain d’autorité paternelle et l’âpreté des rues de « la ville du bluff », il se serait très certainement forgé une personnalité bien différente de celle qui est la sienne aujourd’hui, une personnalité lui interdisant dans ses textes les élans introspectifs qui plus tard feront sa marque de fabrique.

Question influence musicale, sa rencontre avec l’architecte sonore Noah ’40’ Shebib n’ayant jamais eu lieu, Drake, ou plutôt le pseudo qu’il se serait choisi en lieu et place de rapper avec son prénom, serait sans doute allé lorgner du côté des gloires locales de la Three 6 Mafia.

Et oui, sans avoir été façonné par son Canada natal, l’actuelle plus grande superstar de la musique mondiale n’aurait sûrement été qu’un emcee lambda ayant un jour rêvé de percer comme il existe tant d’autres dans chaque ville des États-Unis.

Ou alors pas du tout.

Reprenons. Coincé à trois heures de route de St. Louis et quatre heures de Nashville, Memphis n’est pas exactement ce que l’on peut appeler un centre névralgique du rap. Pour émerger, Drake aurait très vite compris qu’il se devait de proposer une identité nouvelle.

Baignant grâce aux fréquentations de son père dans un environnement fortement empreint de blues et de rnb, il aurait trouvé là matière à élaborer un son frais et novateur – et ce d’autant plus le dogme voulant qu’un rappeur se doive d’adopter le style de rap du lieu dans lequel il vit commençait à l’époque sérieusement à battre de l’aile.

Pour ce qui est de l’image au sens large enfin, toujours aussi habile pour promouvoir un style de vie qui n’est pas le sien, le nouveau King se serait également très bien débrouillé pour continuer de vendre aux masses l’idée d’être lui par procuration.

Du coup, Canada ou pas Canada, Degrassi ou pas Degrassi, il y a fort à parier que Drake aurait quand même fini par pécho Rihanna.

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Et si les rappeurs n’avaient jamais vu Scarface ?

Et si depuis plus de 35 ans Tony Montana ne fascinait pas autant les esprits ?

Immigré parti de rien pour ensuite vivre son rêve américain dans la fureur et les larmes, le prince des autodidactes a inspiré un nombre incalculable de rimes à son sujet, mais pas que.

Allant jusqu’à se confondre avec le manuel du parfait petit entrepreneur de la drogue (comment tisser son réseau, comment négocier un deal, comment blanchir son argent, etc.), son parcours a modelé les comportements tant dans les studios qu’en-dehors.

Sans Scarface, c’est en premier lieu toute la frange mafioso rap (quand bien même Tony n’est pas un mafieux) qui n’aurait pas vu le jour (de Raekwon à AZ jusqu’à Rick Ross), mais c’est aussi tout cet état d’esprit du do it yourself qui en aurait pris un coup, nombreux sont les emcees ayant admis ouvertement le rôle de modèle que Tony a joué auprès d’eux avant de se lancer dans le game – voir le documentaire Def Jam Presents Scarface: Origins of a Hip Hop Classic.

Côté cinéma, sans les rappeurs pour lui faire un triomphe dans les vidéos clubs quelques années après une sortie en salle pas franchement retentissante, Scarface ne serait resté dans les mémoires que pour la performance jugée complètement délirante d’Al Pacino.

Conséquences : pas de débat pour déterminer qui de ce dernier ou de Robert De Niro est le GOAT, pas de « Say ello to ma leetle frien!!! » référencé jusqu’à plus soif dans la culture pop, pas de Don Eladio (Steven Bauer) dans Breaking Bad/Better Call Saul, et pas de match retour avec L’Impasse.

Dur.

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