Et c’est peu dire qu’il y avait du boulot…
Dès le départ, ce qui distingue peut-être le plus le Wu-Tang Clan de l’immense majorité des autres groupes de rap, c’est le caractère immédiatement reconnaissable de chacun de ses membres.
Loin d’être une mince affaire à réaliser quand on est neuf, ce petit exploit a évidemment été rendu possible grâce aux qualités des principaux concernés au micro, mais aussi grâce à toute l’imagerie qui les entoure.
Conçue comme une marque, la maison Shaolin a en effet très vite compris tout son intérêt à ne pas uniquement se promouvoir en tant que collectif et à faire de tous ses RZA, GZA, Ol’ Dirty Bastard, Inspectah Deck, Raekwon, U-God, Ghostface Killah et Method Man (et Cappadonna) des porte-drapeaux à part entière.
Tous à la tête de leur propre spin-off du Wu universe, ils vont ainsi adopter des noms et des surnoms reflétant le patchwork d’influences que brassent en permanence le Clan (la rue, les films de kung-fu, les délires mafieux, la Nation des Dieux et des Terres…).
Le problème c’est qu’en cours de route les choses se sont quelque peu enflammées et qu’à force d’empiler les pseudos jusqu’au plafond vingt-cinq ans durant, il est devenu très difficile de suivre, y compris pour les esprits les plus initiés.
Pas de panique, ce petit précis devrait vous aider à y voir plus clair.
Oh, et avant de commencer, si vous vous demandez pourquoi le Wu-Tang s’appelle le Wu-Tang, sachez qu’il s’agit d’une référence au film Shaolin and Wu Tang dans lequel deux écoles d’arts martiaux s’affrontent – plus sur le sujet ici.
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RZA – Au R de son prénom se rajoutent deux lettres de « l’Alphabet Suprême » de la secte des 5% : le A de « Allah » (qui n’est pas exactement le Allah de l’Islam, mais l’homme original asiatique, celui qui connaît tout des autres hommes et de l’univers) et le Z de « Zig-Zag-Zig » (« du savoir à la Sagesse à la Compréhension »).
Le RZArector – Son pseudo avec son groupe Gravediggaz, celui qu’il utilise pour ramener à la vie celles et ceux tombés dans « le coma mental ».
Prince Rakeem – L’alias sous lequel il a débuté en solo et qu’il mettra régulièrement à jour à suivant ses humeurs (Prince Delight, Prince Dynamite…).
Bobby Digital – L’alias utilisé pour son album solo Bobby Digital in Stereo dans lequel il se met en scène façon super-héros de comic book.
« J’avais fumé une très bonne weed. J’étais en studio, et d’un coup, je me suis senti créativement parlant dans un état d’esprit digital. Tout était à vitesse accélérée, tout était fait de nombre, de mathématiques. Là, je me suis imaginé devenir Bobby Digital. »
Bobby Digi ou Bobby Steels – Des variations de Bobby Digital, tout comme Bobby Boulders, son alter ego inspiré du patronyme de la série The Flintstones lorsque le Wu a tourné le clip Gravel Pit qui se déroulait en l’an moins 20 000.
The Abbot – Un surnom donné à ses débuts par ses comparses du Clan, une marque de reconnaissance de son leadership.
« Au sein du temple Shaolin, si deux parties rentrent en conflit, elles doivent en référer à l’abbé. Au sein du Wu-Tang, l’abbé c’est moi. »
Gary Grice
GZA – Même principe qu’avec son cousin RZA, ce dernier étant à l’origine de ce nouveau nom tout en spiritualité. Autre interprétation : comme « Rizza », « Jizza » serait la transcription du son produit par une platine en scratchant son prénom.
The Genius – Là aussi son tout premier pseudo avant le Wu. Membre le plus âgé du groupe, il est très vite considéré comme le meilleur rappeur des neuf et comme la seconde tête pensante. Un alias à prendre à un degré 1 donc.
The Scientist – Passionné de sciences et notamment d’astronomie, GZA n’hésite pas à incorporer un maximum de chiffres dans ses rimes.
Allah Justice – Le nom qui lui a été donné par les Five Percenters. Bon attention, contrairement aux apparences l’ami Gary n’est pas pour autant musulman, la doctrine des 5% ne faisant que reprendre dans les grandes lignes le folklore de l’islam tout en y incorporant une bonne dose de profane (genre Dieu qui se serait réincarné sous la forme d’un être humain dans les années 30).
Maximilian – Du nom de Maximilian ‘Max’ Bercovicz, le personnage joué par James Wood dans le magnifique Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, un gangster juif reconnu pour son intelligence au-dessus du lot inspiré de Meyer Lansky (un gangster juif reconnu lui aussi dans la vraie vie pour son intelligence au-dessus du lot).
Corey Woods
Raekwon – L’intéressé n’a officiellement jamais donné la moindre explication quant à ce choix. Si l’on croit certaines interprétations, il s’agirait d’un prénom d’origine nigériane qui signifierait « celui qui est doué avec les mots ».
Fun fact : en 1994 39 enfants ont été prénommés ainsi aux US, puis 445 en 1996 alors que la Wumania connaissait son apogée. En 2017, le chiffre est retombé à 9.
Shallah Raekwon – Le poto de Ghostface s’étant pour le coup réellement converti à l’islam, l’influence coranique n’est ici pas à écarter.
The Chef – Un surnom qui lui initialement été attribué en raison de ses talents tout particulier pour cuisiner le crack en mélangeant cocaïne et bicarbonate de soude. Assumant de moins en moins ce passé sulfureux, Raekwon préfère désormais justifier son alias en arguant qu’il est celui qui apporte toute sa saveur sur le beat.
Lex Diamonds – Le gangstérisme mafieux étant le thème principal de son premier album solo Only Built 4 Cuban Linx sorti en 1996, chacun des membres du Wu adopte pour l’occasion un patronyme revisité à la sauce Wu-Gambino. Le maître des lieux décline depuis son surnom à l’infini (Louis Rich Diamonds, Lou Diamonds, Louis Diamonds, Rick Diamonds…).
Dennis Coles
Ghostface Killah – Le grand méchant du film de kung-fu Mystery Of Chessboxing sorti en 1979, celui-là même qui décorait parfois son visage d’une assiette en métal rouge avant d’exécuter ses adversaires grâce à sa technique des cinq éléments.
Ghost Deini – Supposément un diminutif de Ghostface Killer, même si rien n’est certain, l’homme étant réputé pour inventer son propre argot sans forcément toujours se souvenir par la suite de ce qu’il voulait dire.
Tony Starks/Iron Man – Ayant souffert de problèmes cardiaques lors de sa petite enfance, le jeune Dennis s’identifie très vite à l’homme d’acier. Il poussera d’ailleurs le délire tellement loin (premier album intitulé Iron Man, feu son label Starks Enterprises…) qu’il finira par tourner une scène (coupée au montage) dans le film de 2008 au côté de Robert Downey, Jr.
Wally Champ – Question : qui dans l’histoire de l’humanité peut se vanter d’avoir le plus fait rimer les chaussures Clarks Wallabees avec Killa Bees ? Hein qui ?
Pretty Toney – Le nom de l’un des pimps du classique de blaxpoitation The Mack dont la philosophie de vie ne va pas sans rappeler celle en cours dans l’industrie du disque.
Titre de son quatrième solo dans lequel il se présente pour la seule fois de sa carrière comme Ghostface uniquement.
Eglin Turner
Masta Killa – Nom tiré du film La 36ème Chambre de Shaolin qui fut d’abord connu sur le sol américain comme The Master Killer puis Shaolin Master Killer. Classique du genre, ce métrage a en partie inspiré le titre du premier album du Clan.
Petit point culture générale : a contrario des 35 autres chambres d’entraînement du monastère Shaolin qui toutes sont réservées aux bouddhistes, la 36ème chambre est celle qui offre aux laïcs d’apprendre le kung-fu.
Jamel Arief – Pour une raison inconnue, le patronyme par lequel ses proches l’appellent dans le privé.
Noodles High Chief – Son alias gambino qui emprunte au surnom du personnage principal joué par Robert de Niro dans Il était une fois en Amérique, un film qu’il faut vraiment avoir vu dans sa vie (bis).
Clifford Smith
Method Man – Vient d’une part du film The Fearless Young Boxer sorti en 1979, et de l’autre de son amour pour les stupéfiants, « meth » étant un diminutif de « methode », l’argot qui désignait à l’époque le PCP. Impressionné par sa consommation personnelle, c’est RZA qui le baptisera ainsi.
Tical – Un blunt trempé dans du syzzurp avant d’être séché puis fumé. Pas une drogue douce donc, mais là encore un plaisir coupable de ses jeunes années. Plus tard le rappeur en fera l’acronyme de « Take Into Consideration All Lives ».
Iron Lung – Évidemment avec un tel style de vie, mieux vaut avoir des « poumons d’acier ».
Johnny Blaze – Son personnage de comic favori à qui il arrivé également d’emprunter son alias Ghost Rider. Créé en 1972 par la maison Marvel, il met en scène un cascadeur moto ayant passé un pacte avec le diable. Bon après il y aussi eu un duo de films avec Nicolas Cage, mais vu le résultat faisons comme si rien ne s’était passé.
Johnny Blaze fut aussi le nom de sa marque de fringues dans les années 2000.
The Panty Raider – Beau gosse de la bande, l’homme de la méthode signifie là tout en finesse son amour de la gent féminine. Petit bémol cependant pour « le prédateur de culottes » (alerte #MeToo déclenchée), la divine Julia Channel n’a pas succombé à son charme légendaire.
Lamont Hawkins
U-God – Dans le Supreme Alphabet des 5%, la lettre U représente à la fois la réalité de la personne et celle de l’Univers. Ces dernières ne font en effet qu’un car la création des êtres et des astres est liée.
Universal God of Law, Baby U, U-Godzilla – Des déclinaisons de U-God.
Golden Arms – En réalité son tout premier pseudo quand il a rejoint la Clan et qui sans surprise est inspiré par un film, Kid With The Golden Arm (bras étant ici au singulier) dans lequel le héros fait équipe avec un sympathique crew composé de Silver Spear (« Lance d’Argent »), Iron Robe (« Robe de fer ») et Brasse Head (« Tête de Cuivre »).
Jason Hunter
Inspectah Deck – « Inspectah Deck, il est du genre… il est du genre à être ce type à être assis et à te regarder te mentir à toi-même et tout le tralala ! Et il te regarde là comme ça en train de mentir, et après ça, il t’emmène au tribunal. » Voilà en substance comment Method Man justifie son blaze dans l’interlude placée à la fin de Can’t It Be All So Simple.
Sinon Deck viendrait du nom qu’il taguait sur les murs avant de se lancer dans le rap.
Rebel INS – Une manière d’atténuer la consonance policière d’INS-pectah ?
Rollie Fingers – Un joueur de baseball hall of famer en activité dans les années 70 connu non seulement pour avoir été l’un des meilleurs à son poste, mais aussi pour sa moustache en guidon des plus iconiques.
Russell Jones
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Ol’Dirty Bastard – Des 28 surnoms dont il s’est affublé un jour ou l’autre dans sa carrière (!), clairement le plus déglingué, mais pas nécessairement celui qui fait le moins sens : l’idée étant de proclamer le caractère unique de son style, un style dont personne ne pouvait se prétendre être le daron.
Joe Bananas – Dans la famille Wu-Gambino, je demande le surnom du parrain de la famille Bonanno dans les années 60 – l’une des Cinq familles mafieuses de New-York, la seule qui a aujourd’hui encore conservé son appellation. Décédé en 2002, Giuseppe Carlo Bonanno a toujours haï ce sobriquet qui laissait entendre qu’il était fou.
Osirus – Le dieu de l’au-delà dans la mythologie égyptienne, celui qui retrouva la vie après une mort brutale. S’il utilisait ce pseudo funeste bien avant son décès par overdose à 35 ans, ce dernier prendra alors tout son sens lorsqu’il servira de titre à sa mixtape posthume sortie en 2005.
Big Baby Jesus – En 1998, le Sal’Vieux Bâtard annonce à la cantonade « ODB c’est fini » et qu’il répond désormais au nom de Big Baby Jesus (!?). Pourquoi ? Lui seul le sait.
Dirt McGirt – En 2003, nouveau revirement. Tout juste signé chez le Roc-A-Fella de Jay-Z et Damon Dash, le rappeur change à nouveau de pseudo. On peut toutefois supposer que des raisons d’ordre contractuelles sont ici à prendre en compte.
Darryl Hill
Cappadonna – Une sorte de variation de l’expression « Capo di tutti i capi » ou « Capo dei capi » qui signifie « le boss de tous les boss » au sein de la Cosa Nostra.
Dans le documentaire Wu-Tang Saga de 2010, le dixième membre officieux révèle qu’il peut vouloir dire aussi « Consider All Poor People Acceptable Don’t Oppress Nor Neglect Anyone ».
Cappachino – Son « pacinesque » alias lorsqu’il joue au mafioso.
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Bon point, il fonctionne et en anglais et en français, l’auteur de ses lignes répondant désormais au blaze de Phantom Wanderer ou de Connard incompris.