Tout est bon pour s’assurer le buzz. Retour sur une technique aussi vieille que le marché du disque…
Mais pour quelles raisons les maisons de disques rachèteraient elles-mêmes leurs propres stocks ? Tout simplement histoire de créer une dynamique positive à la sortie d’un album. Lorsqu’un artiste accomplit un gros démarrage dans les charts cela provoque une vague de publicité gratuite dont les effets se font ressentir à tous les étages, le succès entraînant le succès.
- les rotations radio sont boostées
- tout comme les commandes des magasins ou les demandes de concerts
- en interne les exécutifs sont félicités pour leurs chiffres
- et les artistes se retrouve auréolés de la réputation d’être bankable
Avant et après 1991
Cela peut paraître complètement fou aujourd’hui, mais avant cette date, les ventes étaient comptabilisées en appelant directement les magasins de disques pour leur demander combien d’albums ils avaient vendus (!).
Inutile de préciser qu’avec un tel système la fraude était monnaie courante. Pour fausser les chiffres, les employés se voyaient en effet offir des albums gratuits, des places de concert, des vacances, et même comme c’est arrivé à plusieurs reprises, des machines à laver !
L’avènement de Soundscan
Pour pallier à ces manquements, l’industrie du disque a mis en place un système informatisé offrant plus de précisions : Soundscan. 18 000 magasins de disques en sont ainsi équipés aux États-Unis. Les ventes sont compilées via les codes-barres placés sur les albums. Les données sont ensuite extrapolées à l’échelle du pays et publiées tous les mercredis matins.
Malgré cela, les infractions continuent de perdurer. À titre d’exemple, avant les années 90, aucun single ne s’est jamais classé numéro 1 en première semaine. En 1995, on n’en dénombrait pas moins de quatre ! (You Are Not Alone de Michael Jackson, Exhale (Shoop Shoop) de Whitney Houston, Fantasy et One Sweet Day de Mariah Carey).
Le marché des singles était-il devenu d’un coup plus important ? Pas du tout, les maisons de disques avaient simplement trouvé le moyen d’influencer les charts. Voici comment :
- offrir à des prix réduits ou gratuitement des copies d’album
- sortir des doubles albums (voir des triples), peu importe leur prix ou le nombre de titres, ils équivalent à deux ventes
- concentrer ses efforts sur les magasins de disques indépendants (sans renter dans le détails, avec Soundscan un CD vendu dans ces magasins équivaut à 3 CD vendus dans un grande chaîne)
- intervertir les codes-barres
- acheter soi-même moult exemplaires du même album, ou comme Prince, offrir un album en échange de l’achat d’une place de concert (des pratiques prohibées depuis)
Lil Wayne, 50 Cent, Tommy Boy…
Les accusations de manipulation des chiffres resurgissent fréquemment. Ces dernières années, l’un des cas qui a fait le plus de bruit a été les 964 000 exemplaires vendus (soit quasiment un disque de platine) du Carter IV de Lil Wayne après une semaine d’exploitation seulement et ce sans aucun single porteur. En deuxième semaine, les chiffres avaient chuté de plus de 72%…
50 Cent lors de son clash avec Kanye West avait accusé ce dernier d’avoir eu recours à de telles méthodes – on peut aussi suspecter Fiddy d’être un mauvais perdant.
Plus grave, récemment, Tom Silverman, le fondateur du défunt label Tommy Boy Records (qui a écoulé des millions d’albums grâce aux signatures Coolio, De La Soul, House of Pain et autres Naughty By Nature) a confirmé ouvertement que ces pratiques ont toujours cours dans le business de la musique – mais aussi dans le monde de l’édition et du cinéma Ndlr.
Sources : New-York Times, Cracked, Hip Hop DX, LA Times