Rencontre avec Zikxo à l’occasion de la sortie de sa première mixtape « Temps ».
Dans la caste des jeunes talents estampillés 9-3, Zikxo ressort clairement du lot. Toujours là pour kicker salement, il aura pris le « Temps » de se découvrir au fil des années pour aujourd’hui arriver à maturité, déjà. Doté d’une plume incisive, le jeune homme d’origine guyanaise est du genre à voguer sur une foule de sentiments sans jamais perdre son cap : un rap qui pue le vécu autant que le goudron. Rencontre avec un passionné, capable de citer les Sages Po comme Jul.
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La première chose qui marque chez toi, c’est ce kick à l’ancienne… Pourtant tu es un membre de la nouvelle génération. D’où ça te vient ?
J’ai commencé le rap vraiment jeune. Mes trucs à moi, quand j’étais petit, c’était les Sages Poètes de la rue, Zoxea… Je savais que je voulais faire du rap. J’ai commencé à aller en studio à 15 ans, puis il y a eu des haut et des bas ! A un moment j’arrive à bosser avec Daymolition et Fianso, puis mon buzz redescent jusqu’à ce que je me retrouve seul. Je devais payer mes séances studio, j’étais passé par tous les états et tous les styles ! Depuis mes débuts, j’ai vu passer la trap, l’époque 1995, le rap autotuné, tout un bagage ! Du coup, je me suis dit qu’il fallait montrer mon rap, ne faire que ce que je sais faire et voir où cela allait me mener. Si ça ne marchait pas, j’étais prêt à aller chercher un boulot. Là où je suis à l’aise, c’est l’écriture. Kicker, c’est ce que je sais faire depuis petit. Donc voilà, j’ai raffalé en faisant mes petits clips de mon côté… Ca a donné ma série de freestyles (rires) ! Pareil pour les sapes à l’ancienne, c’était juste ma petite garde-robe perso (rires) !
Cela donne l’impression que plus tu restes toi-même, mieux ça fonctionne…
Dans ma vie, j’ai essayé plein de choses et c’est pour cela que j’ai eu des hauts et des bas. Jusqu’ici, ça n’avait pas fonctionné car c’était parfois trop calculé. Au bout d’un moment, il ne fallait plus se prendre la tête et y aller complétement, raffaler une fois par semaine et regarder si l’engouement pouvait prendre. Kicker, c’est mon truc, alors quand tu bosses ça une fois par semaine, ça reste, ça s’imprègne… Tu commences même à avoir une vraie vision de ton travail. Ecouter des instrus toutes les semaines, je ne le faisais pas avant. Travailler avec les freestyles m’a fait prendre conscience de mon potentiel, ça m’a fait grandir.
Alors que tu rappes depuis tout jeune, t’as eu comme un déclic récemment. D’un coup t’es devenu plus mature. Puis tu as la signature chez REC 118, la sélection dans notre liste des 11 rappeurs à suivre…
En 2017, j’avais mes galères et j’avais envie de débarquer en 2018 pour vraiment me lancer. Je me suis dit que l’année de 23 ans allait être celle pendant laquelle j’allais tout envoyer. C’est ça mon véritable déclic et ça a marché. La validation médiatique, la signature en maison de disques… Tout ça, sans être prétentieux, je le vis comme quelque chose de normal. Car mon but à la base, avec ma série de freestyles Temps, c’était d’atteindre tout ça. Je suis refait d’être là, c’est une petite fierté, c’est ce que j’ai visé. J’ai travaillé pour en arriver là. J’ai compris qu’il fallait bosser pour arriver à ses fins.
J’ai l’impression que t’as la même mentalité que le footballeur qui demande à ce qu’on les juge sur le terrain.
C’est exactement ça, je suis dans cette logique. Même si aujourd’hui, on doit aussi apprendre à bosser en dehors du terrain, car il n’y a pas seulement le studio qui compte quand tu es rappeur. Il faut tout regrouper, mais aussi se concentrer sur la musique.
Tu parlais d’écoutes de beats. On note le travail du Katrina Squad sur ton projet.
Pour l’anecdote, à l’occasion de mon troisième freestyle qui n’avait pas fait plus de 10 000 vues, Guilty m’a contacté. Il voulait qu’on bosse ensemble. Et moi, les réseaux sociaux, ce n’était pas tellement mon truc. Je ne calculais pas tout. C’est une fois signé chez Warner qu’on se croise et qu’il me dit en face, « mec, faut qu’on travaille » (rires). J’étais très chaud, on s’est rendu plusieurs fois à Toulouse pour le voir bosser, Guilty, c’est un beatmaker dans sa matrice (rires). C’est quelqu’un qui se met à 300 % sur ses projets, il sait ce qu’il te faut, même quand toi tu n’y penses même pas.
Justement, dans ta tape, tu gardes ton identité tout en allant vers plusieurs styles.
Il y a toujours une part de moi, peu importe le style. Comme quand j’étais petit et que je touchais à tout. Ce projet, c’est l’accomplissement de toutes ces années de rap, ça regroupe tous mes univers, même si c’est un style en particulier, le kick, qui m’a vraiment fait connaître. En soi, je kiffe la musique, je suis passionné. J’aime l’écriture, me prendre la tête, construire de vrais morceaux. Là, ça va surprendre même si je garde mon identité et que je peux mettre un coup d’accélérateur dans beaucoup de titres… Je suis passé de freestyles sans refrains et l’utilisation de toplines, un truc que je ne connaissais pas (rires) ! Avant je grattais dans ma cave pour tenir 5 minutes, car la prod durait 5 minutes (rires) ! Au final, je suis fier d’avoit abordé plein de variations.
Le gros bonus de 10 minutes, c’est une manière de te faire plaisir. Cela peut rappeler les albums à l’ancienne, avec les morceaux cachés, etc.
Maintenant, je veux faire ça : construire un album carré et débarquer avec une petite surprise à l’ancienne. Avant, on se cassait la tête pour faire de vraies oeuvres, des albums qui restent dans la tête. Cela te donne des idées et t’aide à te projeter vers l’avenir. Avoir des petites choses qui font penser aux classiques, remettre un délire à l’ancienne au goût du jour, c’est peut-être ça la musique de 2020.
Comment tu te décides à aborder certains thèmes ? Il y a ceux de la famille ou de la rue qui reviennent souvent.
Je fonctionne à l’instru, à l’inspiration qui me vient quand j’écoute des prods. Si je choisis une production, c’est qu’elle m’attrape, alors je dois écouter ce qu’elle a à me dire. Des fois, ça peut venir d’une note ou d’un instrument. Par exemple, dès qu’il y a du piano, ça va me donner envie d’écrire sur ma mère. La famille, c’est un thème qui revient souvent d’ailleurs. Puis ma mère, je lui ai tellement fait la misère qu’on pourrait en parler des heures. Dès qu’une instru est plus nerveuse, je vais kicker Bondy. Avec du Old School, je vais partir sur des textes sur Paris. J’ai aussi beaucoup ridé paname, avec les gens de la capitale, j’ai été au cours Florent… J’ai vécu tellement de choses que je pense avoir beaucoup de cordes à mon arc. Donc là, je me devais de tout essayer.
Ce qui caractérise le projet, c’est ta curiosité. Tu l’expliques avec le morceau « 93 »…
J’aime trop voir ce qu’il se cache derrière les choses. C’est impossible que je reste enfermé dans mon truc, depuis que je suis petit, j’ai cette obligation d’aller voir ailleurs. Je le dis en effet dans 93, c’est le premier titre que j’ai réalisé pour le projet. Je trouve qu’il rend bien en intro. Le 93, c’est la base. Je me suis toujours demandé pourquoi la nouvelle génération n’avait pas repris à fond le concept d’un Rohff avec le 94 par exemple. Même moi, je n’y suis pas allé à fond !
En dehors du 93, il y a par exemple Jul qui a compté pour toi.
C’était un moment dans ma vie où il n’y avait rien qui marchait, j’étais au cours Florent… C’est Fianso qui me met au courant en m’envoyant un message : « Y’a Jul qui te cherche ». Je n’ai même pas compris ce qui m’arrivait. Quand je l’ai rencontré, j’ai capté qu’on avait le même délire. Jul, c’est un passionné, un mec humble… J’ai terminé chez Skyrock, il y avait Fred, lui et moi… Alors que deux jours avant j’étais à Bondy (rires) ! Il m’a donné un coup de boost de fou, en plus j’écoute ses morceaux tous les jours. Je me suis dit une chose, si ma musique peut toucher Jul, elle pourra toucher encore plus de monde par la suite.
Est-ce que tu peux en dire plus sur tes feats en compagnie d’Hornet La Frappe, Diddi Trix et DA Uzi ? On a l’impression qu’ils rentrent dans ton délire tout en ramenant leurs identités.
Ce sont des featurings qui restent très 9-3 (rires) ! Sinon, Diddi me disait la même chose, pour lui, tout le monde s’est bien trouvé sur chacun des trois titres. Avec DA Uzi, je sens qu’on a le même délire. Avec Diddi, on ne fait pas le même rap, mais on kiffe le délire des states, je savais qu’on allait forcément se retrouver sur un son West Coast. Puis Hornet, il est entre les deux, il est capable de tout faire. Que ce soit sous autotune ou dans le kick, il arrive à tout faire. Le kick, il vient de là, mais il sait également faire des tubes. Hornet, il a une matrice qui est propre à lui, une grosse maturité, il est plein de bons conseils… En fait, je suis fier de mes feats.
Quels sont tes prochains challenges ?
Dès que je termine un morceau, je me concentre sur autre chose. Aujourd’hui, il y a la scène qui est un de mes objectifs à court terme. Faire un son avec une fille également, c’est dans ma liste. Un petit « Booba – Kayna Samet », un « Rohff – Wallen », quelque chose dans le genre, comme je l’avais dit dans le Wesh. Il y a aussi l’idée d’un son bien dancehall, en Guyane, chez moi… J’ai envie de tout faire (rires) !
Présenter tes origines guyanaises, ce serait une manière de boucler la boucle ?
Arriver avec cette touche, c’est un passage obligé. Je cris Cayenne tous les jours, mais il faut que je ramène ça dans ma musique, pour que les gens comprennent mon délire à fond.