Après près de deux décennies dans le rap français, Pit Baccardi poursuit sa carrière au sein d’Universal Music Africa…
Récemment promu à la position de Directeur du Label et du Publishing chez Universal Music Africa, Guillaume N’Goumou porte avec lui quinze ans de carrière en tant qu’artiste en France et sept ans en tant que producteur indépendant au Cameroun. Membre du groupe ATK et du collectif Time Bomb, il participe à la création et au développement du label Première Classe à la fin des années 1990. En solo, son single Si loin de toi fait partie des plus gros succès du rap français de la fin des années 1990 et ses albums Pit Baccardi et Le poids des maux sont considérés comme des classiques du genre.
En 2013, quand il pose ses valises dans son pays d’origine, Guillaume N’Goumou ne compte pas prendre sa retraite : il fonde Empire Company, label indépendant qui ne tarde pas à se constituer un roster de poids. Parmi les artistes de renom qui passent par Empire on peut citer, notamment, le groupe X Maleya, les chanteurs Duc-Z, Magasco et Mimie. C’est donc fort d’une double expérience en tant qu’artiste et producteur que l’ancienne gloire du rap français entre en poste, alors que la major africaine renouvelle son effectif pour insuffler une nouvelle dynamique à ses projets. Vision d’un avenir pas si lointain par le principal intéressé…
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Que devient Pit Baccardi ?
Un modèle centré sur les concerts et les partenariats
En 2018, le Marché international du disque et de l’édition musicale, qui réunit chaque année les professionnels de la musique du monde entier au Palais des Congrès de Cannes le temps de quelques jours de conférences, présentait l’Afrique comme la nouvelle frontière de l’industrie. Universal Music Group, numéro un mondial de la production musicale en termes de parts de marché, ne s’y est pas trompé et a ouvert la même année un bureau à Abidjan pour se rapprocher du marché d’Afrique de l’Ouest. Mais ces nouvelles opportunités de développement sont assorties de nouveaux défis. Parmi les derniers, la question des droits d’auteur est centrale pour assurer une rémunération aux artistes et labels.
Entre temps, Universal Music Africa a développé un modèle centré sur les concerts et les partenariats avec les marques : « Le mécanisme, c’est que le record crée du contenu qu’il propose au live pour qu’il développe une logique d’organisation de concerts, de tournées et de booking. Il va aussi réfléchir au positionnement de nos artistes auprès marques. C’est une sorte de système à 360 degrés qui nous permet d’avoir une économie stable parce que le streaming n’est pas encore notre source de revenus première. Le live est au coeur de l’activité d’une entité comme la nôtre. » Dans ce domaine, Guillaume N’Goumou peut s’appuyer sur l’expérience acquise avec son projet Empire Company, producteur de concerts à Yaoundé pour des artistes comme Dadju, MHD, Fally Ipupa, Booba et Dosseh. Confrontée à la crise du coronavirus, l’équipe d’Universal Music Africa a adapté sa communication en organisant un Digital Talent Show sur les réseaux sociaux : « Il y a deux aspects sur lesquels un artiste peut gagner : l’économie ou l’impact image, qui peut te ramener du business. Dans ce contexte, il faut créer une dynamique qui montre que ta marque continue d’être force de proposition. »
Rap africain, la clé d’un nouvel eldorado du streaming ?
« Quand une boîte comme Apple Music s’installe chez nous et propose des offres d’essais de 6 mois gratuits, on sait tous ce que ça veut dire », commente Guillaume N’Goumou. Selon les récentes projections des Nations Unies, la population du continent africain devrait plus que doubler à l’horizon 2050, passant d’un milliard à 2,4 milliards. En Afrique de l’Ouest, les chiffres suivent une logique similaire : la population devrait approcher des 800 millions d’habitants d’ici trente ans, contre 391 millions l’année dernière. Pour les géants du streaming audio en recherche de nouveaux marchés capables de soutenir leur croissance explosive, cela fait de cette zone jusqu’alors mise à l’écart de l’industrie musicale un objectif stratégique à ne manquer sous aucun prétexte.
Pour les artistes locaux, cette ouverture vient avec autant d’opportunités, que ce soit sur le continent ou, selon Guillaume N’Goumou, à l’international : « Pour la région et la sous-région, on va forcément en ressentir l’impact. Mais au-delà de ça, je pense que ça pourrait créer un pont entre l’Afrique et l’Europe. C’est la même logique que quand le marché nigérian s’est ouvert vers les États-Unis. Aujourd’hui, ça s’est concrétisé par l’explosion d’un Burna Boy, d’un Wizkid… » Parmi les registres à fort potentiel à l’export, l’afro-pop figure en bonne position, ainsi que le rap et les musiques urbaines. Afin d’accompagner les talents locaux, Universal Music Group a annoncé fin mai le lancement de la branche africaine de sa marque légendaire, Def Jam. Un nouveau levier à disposition de la major pour créer une communauté d’artistes et repousser les frontières du rap africain pour atteindre de nouveaux publics à l’échelle mondiale. De son côté, Guillaume N’Goumou a d’ores et déjà commencé le travail avec des artistes comme Tenor et Locko…
Une major avec une réflexion d’indépendant
Après quelques mois consacrés au développement de l’image de ses artistes sur les réseaux sociaux, Guillaume N’Goumou entend bien revenir à la rentrée avec une cargaison d’albums, aussi bien de la part de têtes d’affiches que d’artistes en développement : « Il y a cette volonté du label d’autant développer une Yémi Aladé, une Charlotte, un Singuila ou encore un Sidiki qui sont des marques déjà imposées, que des nouvelles marques. On est une major avec une réflexion d’indépendant, parce que tu ne charges pas la nature des hommes. Moi, je suis issu de là, donc j’ai toujours ce challenge de breaker des artistes. »
Parmi les projets les plus ambitieux du moment, le lancement de Def Jam Africa en Afrique francophone, avec trois premières signatures particulièrement prometteuses : Suspect 95 (Cote d’Ivoire), Omzo Dollar (Sénégal) et Tenor (Cameroun). Un défi de taille au travers duquel la major ambitionne de construire un marché local des musiques urbaines en misant sur des artistes talentueux, créatifs et capables de mobiliser des publics enthousiastes. Parmi les autres projets qui seront portés par Universal Music Africa dès la rentrée, un album du chanteur camerounais Locko, qui avait marqué la période du confinement avec une série de titres intitulée Locked Up réunie dans un EP éponyme, mais aussi des projets de l’icone camerounaise Charlotte Dipanda et de la prometteuse Mimie.