Rap et cinéma vont généralement bien ensemble, mais il arrive parfois qu’ils aillent très bien ensemble…
Dans les années 70, la blaxploitation mit à l’honneur la soul au cinéma avec une série de bandes originales cultes devenues plus importantes que les films eux-mêmes (Shaft, Pusherman, Superfly…).
Du début des années 90 jusqu’à l’orée des années 2 000, ce fut ensuite au tour du rap de goûter aux joies du septième art, notamment grâce à la vague dite de la hoodploitation, ces longs métrages prenant pour toile de fond les ghettos US.
Si tous ne sont pas de grande qualité loin s’en faut (quand ils ne flirtent pas dangereusement avec le nanard), certains offrent néanmoins de beaux moments de musique – ainsi qu’une très belle illustration de cross marketing (le disque promotionne le film, le film promotionne le disque).
Le rap se faisant de plus en plus mainstream, la formule sera ensuite reprise non sans succès à plus grande échelle.
Appât du gain oblige, ces bandes originales donnent fréquemment dans un opportunisme bas de plafond (typiquement quand le titre phare est entendu seulement quand le générique défile, ou lorsque l’entièreté du disque est dénué du moindre rapport avec le scénario), mais après tout qu’importe ? Un bon album est un bon album.
En voici 12.
12. Dangerous Mind
Sorti le 11 juillet 1995 sur MCA
Très certainement le premier nom qui vient à l’esprit lorsque l’on parle hip hop et cinéma tant Gangsta Paradise a marqué son temps – Esprits Rebelles ou le Bodyguard du rap ?
Il est d’ailleurs fort à parier que si pour une raison étrange vous pensez au film (certes on a vu pire, mais pas de beaucoup), la première scène qui vous vienne à l’esprit soit celle (présente dans le clip uniquement) où Michelle Pfeiffer s’assoit à l’envers sur une chaise et demande façon blue steel à Coolio : « You wanna tell me what this is all about ? »
Écoulée à 3 millions d’exemplaires, la BO doit cependant aussi ce score à sa collection de titres urbains nineties à souhait dont les interprètes ont tous été depuis oubliés, à commencer par le sous-estimé Rappin’ 4-Tay qui délivre les solides Problems et A Message for Your Mind.
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11. Belly
Sorti le 3 novembre 1998 sur Dej Jam
Si Hype Williams appartient au panthéon des réalisateurs de clips rap, sa première et dernière incursion dans le monde du septième art (featuring DMX, Nas, Method Man et T-Boz des TLC) n’aura pas particulièrement marqué les esprits – ou alors si, mais pas de la manière escomptée tant le film se confond d’un bout à l’autre avec un concours de clichés.
Fort heureusement, niveau musique le résultat se situe à l’opposé du spectre. Bien que metteur en images d’un hip hop clinquant (genre les clips de Bad Boy), Williams fait ici ironiquement la part belle au son new yorkais tendance dure, à l’image du single Grand Finale où DMX, Method Man, Nas et Ja Rule s’en donnent à cœur joie.
Les fans du Wu-Tang, de Roc-A-Fella ou encore Ruff Ryders y trouveront sans problème leur compte, chaque crew se voyant attribué une piste.
Les morceaux r&b sont eux aussi au diapason, avec notamment l’envoutant Devil’s Pie de D’Angelo produit par un DJ Premier au sommet de son art.
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10. Men In Black: The Album
Sorti le 1er juillet 1997 sur Columbia Records
« Here come the men in black… » Si 20 ans après la sortie du film vous fredonnez toujours cet air dans votre tête, c’est que cette soundtrack mérite sans l’ombre d’un doute de figurer dans cette liste.
Conçu pour dévaster les charts, l’album ne se limite pas à l’immense carton de son titre phare qui inaugure la carrière solo de Will Smith. Ce dernier (qui remet le couvert avec Just Cruisin, sorte de Summertime réactualisé pour tourner dans les caisses) est ainsi accompagné de Nas, A Tribe Called Quest, Jermaine Dupri, mais aussi des crooners Ginuwine et D’Angelo.
Autres faits de gloire : les jeunes Alicia Keys et Destiny’s Child font ici leur première apparition discographique.
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9. How High
Sorti le 11 décembre 2001 sur Def Jam
Deux ans après leur très réussi album commun Blackout!, les frères pétard Red’ & Meth’ font à nouveau tourner le calumet de la paix à coup de singles et remix parfaitement calibrés pour leur public.
Erik Sermon met à jour leur hymne How High avec Part II qui sample allégrement Toni Braxton au refrain, Def Jam vient caser les bangers de ses artistes maison DMX (Party Up) et Ludacris (What’s Your Fantasy). Cypress Hill et Rockwilder passent également faire un tour.
De son côté Method Man se plie à l’exercice du duo rnb avec Jonell, tandis que Redman fait du Redman (How To Roll A Blunt).
Une mixture sans surprise donc (sont mêmes insérés sans pression les déjà connus You’re All I Need et Da Rockwilder), mais qui fonctionne à plein régime.
8. The Wash
Sorti le 6 novembre 2001 sur Aftermath, Doggystyle & Interscope Records
Crédité comme producteur exécutif, producteur de quatre titres et rappeur sur trois, Dr Dre signe en réalité ici une sorte de troisième album officieux.
Toujours aussi altruiste, le bon docteur Young invite au micro une bonne partie des acteurs du film, ce qui tombe plutôt bien, ces derniers se nommant Eminem, Snoop ou encore Xzibit. Il en profite également pour faire poser les nouvelles signatures de son Aftermath de label que sont Truth Hurts, Shaunta et Knoc-Turn’al.
L’ambiance est donc à l’hédonisme Ouest Côte, à l’image de lead single éponyme qui tant par ses paroles que par sa prod’ s’écoute comme une suite teintée de malice de l’archi-classique Nuthin’ but a ‘G’ Thang.
Dommage que certains titres fassent tâche (ceux de D12 et Bubba Sparxxx notamment), non pas que la qualité ne soit pas au rendez-vous, mais parce qu’ils tranchent beaucoup trop avec l’homogénéité du projet.
7. Menace II Society
Sorti le 26 mai 1993 sur Jive
Le film des frères Hugues se déroulant dans les profondeurs de South Central Los Angeles, la bande originale convie tout naturellement une ribambelle des Cali emcees dont la simple évocation pétrit de nostalgie tous ceux qui ont un jour porté sur la tête une casquette des Raiders (Too Short, Spice 1, Da Lench Mob, DJ Quick, Cold 187 um, Kokane…).
Point d’orgue de cette orgie gangsta, le Straiht Up Menace de MC Eiht (également présent à l’écran sous les traits d’A-Wax) qui résume le scénario en 3 minutes 30.
La Côte Est n’est cependant pas absente des débats puisque que l’on retrouve parmi ses plus fidèles ambassadeurs, de Boogie Down Productions à Pete Rock & CL Smooth.
Petite déception, aucune des pépites soul old school entendues dans le métrage n’est inclue (Got to Give It Up de Marvin Gaye, Love and Happiness d’Al Green, Atomic Dog de George Clinton, Computer Love de Zapp & Roger…), il y avait pourtant là de quoi sortir un second volet de haut standing.
6. Get Rich or Die Tryin’
Sorti le 8 novembre 2005 sur G-Unit & Interscope Records
Brillant encore de mille feux au moment des faits, Fiddy profite de ce disque pour en faire le porte étendard des ambitions nouvelles de son crew fraichement étoffé (Mase, M.O.P., Mobb Deep, Spider Loc).
Si les usual suspects Banks et Buck tirent habilement leur épingle du jeu sur leur solo, tous les convives ne se mélangent cependant pas avec la même aisance.
La formule se révèle cependant ultra efficace, notamment grâce au boss du Unit qui, présent sur 16 des 18 titres, délivre ici parmi ses meilleurs singles, dont son préféré Hustler’s Ambition, mais aussi l’iconique Window Shopper et le sirupeux-mais-juste-ce-qu’il-faut Best Friend en duo avec Olivia.
On peut toutefois regretter le relatif manque de profondeur de l’ensemble, la direction artistique préférant s’en tenir aux facilités d’une mixtape de luxe plutôt que de chercher un fil directeur en lien avec les thèmes du film.
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5. Juice
Sorti le 31 décembre 1991 sur RCA
Comment ça un film de 2Pac sans chanson de 2Pac ?! L’album réussit néanmoins à faire oublier cette gageure.
Là où la bande annonce de Belly résume un certain rap à la fin des années 90, celle de Juice propose ce qui se fait de mieux au début de la décennie, que ce soit via les Naughty By Nature avec leur très bon Uptown Anthem (dont le clip compte une apparition de ‘Pac), Big Daddy Kane, Salt-n-Pepa ou encore Eric B. & Rakim et leur féroce Juice (Know the Ledge).
Une bande annonce de qualité donc, mais qui une fois n’est pas coutume ne doit pas faire oublier le métrage tant 2Pac dans le rôle de l’aspirant gangster Bishop livre là sa meilleure performance d’acteur.
À (ré)écouter donc, et à (re)voir.
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4. Ghost Dog: The Way of the Samurai
Sorti le 11 avril 1999 sur Razor Sharp, Epic & SME
Pour cette première incursion pleine et entière en terres cinématographiques, RZA concocte non pas un, mais deux albums distincts.
Si le premier ne s’avère pas absolument indispensable (parce que trop d’affiliés du Clan pour remplir les trous, parce que pas assez de morceaux entendus dans le film), le second sorti exclusivement au Japon (à une époque où il fallait vendre un rein pour se payer un cd en import) bénéficie très rapidement d’une réputation flatteuse.
Réputation peut-être légèrement exagérée alors, mais néanmoins justifiée tant la tracklist composée essentiellement des instrus qui rythment le métrage alterne magnétisme et moments de grâce, à l’image du personnage interprété par Forest Whitaker.
À ceux nés après l’âge d’or du Wu-Tang, voilà une excellente introduction à toute la virtuosité de RZA.
Notez que cinq plus tard ce dernier retrouvera face caméra le réalisateur Jim Jarmush pour tourner une scène culte aux côtés de GZA et de Bill ‘moz*rfucking’ Murray dans Coffee and Cigarettes.
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3. Bad Boys II
Sorti le 15 juillet 2003 sur Bad Boy & Universal Records
Quoi de plus logique pour le chef de file de l’écurie Bad Boy que d’inaugurer son nouveau deal de distribution avec Universal en prenant en charge la bande originale du film Bad Boys II ?
Aussi porté sur la sobriété que Michael Bay, P.Diddy concocte 18 titres durant un festival d’effets pyrotechniques et sonores en conviant en studio ses comparses de label, mais aussi et surtout absolument TOUTE la crème de la scène rap et r&b mainstream.
Nelly s’associe ainsi au maître pour le single blockbuster Shake Ya Tailfeather, le duo posthume 50 Cent x Notorious B.I.G. connaît enfin une sortie officielle, Jay Z remixe sans fioriture son La-La-La, Justin Timberlake remporte le titre de la meilleure imitation de D’Angelo avec Love Don’t Love Me, et puis Beyoncé, et puis Lenny Kravitz, et puis les Neptunes….
Bref, un casting certifié platine où étonnamment chacun trouve sa place, et dont le rendu se révèle moins bourratif que les péripéties de Mike Lowrey et Marcus Burnett.
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2. 8 Mile
Sorti le 29 octobre 2002 sur Shady & Interscope Records
Candidat au titre de meilleur film rap de tous les temps, ce Rocky de la musique l’est également pour le titre de meilleur BO de tous les temps.
Outre le carton Lose Yourself et ses presque 7 millions d’exemplaire vendus, Eminem dont c’est là le plus gros succès en carrière apparait sur 3 autres des 15 titres de l’album – ainsi qu’une prod.
Autre morceau passé à la postérité en initiant un jeune rappeur originaire du Queens aux joies du maintsream : Wanksta de 50 Cent.
Fiddy n’est cependant pas le seul poids lourds new yorkais présent au casting puisque Nas, et Jay Z sont de la partie – et ce à une période où ils se clashaient à tout va.
Héros du panthéon personnel du Slim Shady, Gang Starr et Rakim concluent les débats.
La sortie de 8 Mile sera suivie par celle de More Music from 8 Mile, une compilation des morceaux entendus dans le film, qui outre le fait d’être des monuments des 90’s (Runnin’, C.R.E.A.M., Shook Ones…) sont tous contemporains de l’histoire racontée dans le long métrage.
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1. Above the Rim
Sorti le 22 mars 1994 sur Death Row & Interscope Records
Après les cartons pleins de The Chronic et Doggystyle, Suge Knight décide contre toute attente d’atteler l’écurie du Couloir de la Mort alors en pleine bourre à la production de la bande originale d’un obscur film de basketball.
Tandis que les grincheux pointeront qu’en « intimant » l’ordre à Dr Dre de coordonner le projet il prive le monde de la sortie de A New World Odor: Papa’s got a Brand New Funk (The Chronic 2 quoi), les autres souligneront le succès commercial (2 millions d’exemplaires vendus en douze mois) ET artistique remporté.
Le mélange inédit de gansgta rap et r&b proposé accouche en effet d’une tripotée de bangers qui encore aujourd’hui défendent particulièrement bien leur rang, à commencer par l’éternel Regulate de Warren G et Nate Dogg.
Si les franchise players d’alors (2Pac, Snoop, les Dogg Pound…) affichent une forme étincelante, plus surprenant, chacun des seconds couteaux conviés livrent également une performance de haute volée.
Enfin de manière plus anecdotique, ATR est peut-être le dernier album de l’histoire de la musique qu’il se fallait de posséder en cassette : faute de place le CD ne pouvait inclure les trois bonus tracks – dont le sublime Pain de ‘Pac.
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Ils auraient pu faire partie de la liste, mais non (les mentions honorables) : la BO de Friday qui vaut surtout pour le Keep Their Heads Ringin de Dr Dre (et Nanci Fletcher) ; celles de Baller Blockin et Street is Watching, les « films » made in Cash Money et Roc-A-Fella ; The Man with the Iron Fists où RZA réunit les pirates de son clan (mais pas que) ; Hustle & Flow qui après 8 Mile a offert son second Oscar au rap grâce à la Three 6 Mafia ; Training Day pour le #1 de Nelly et Put It On Me, un titre coproduit par Dr Dre ET DJ Quik (!)… et Murder Was the Case qui n’a évidemment pas été oublié, mais qui n’a pas été classé car il s’agit d’un court métrage.