Fausses bonnes idées, collaboration douteuses, égarements artistiques… rare sont les légendes du Hip Hop à n’avoir jamais connu la défaite au cours de leur carrière…
Une carrière musicale est faite de hauts et de bas.Pour certains les hauts sont très hauts, ce qui rend fatalement leurs sorties de route encore plus spectaculaires.
Retour en huit points sur ces intouchables du rap jeu qui ont tous un jour dû faire face à un échec cuisant.
Jay Z s’associe avec R.Kelly
En 2002 les deux artistes trônent au sommet de leur art, chacun ayant délivré l’un de ses meilleurs albums (ce qui au vu de leur pédigrée n’est pas rien) : le Blueprint pour Shawn Carter, TP-2.com pour Robert Kelly. Après deux collaborations qui ont marqué les esprits (Fiesta (Remix) et Guilty Until Proven Innocent), quoi de plus logique que de réunir les deux superstars pour un album judicieusement intitulé The Best of Both Worlds ?
Au final, c’est peu dire que les 14 pistes présentées ont déçu. Conçu sans âme, le projet est un fiasco artistique, mais aussi commercial. La faute à une fuite de l’album plusieurs mois avant sa sortie mais surtout aux accusations de pédophilie envers R.Kelly – une vidéo avait fait surface le montrant en action avec une mineure (il sera innocenté plus tard). Jigga refuse alors d’être associé de près ou de loin avec le chanteur. La campagne de promotion et la tournée prévue sont annulées, aucune vidéo n’est filmée.
L’histoire n’en reste malheureusement pas là. Deux ans plus tard, sort Unfinished Business, un album qui compile les chutes de l’album précédents. Le résultat est évidemment (encore plus) calamiteux. Pire, lors d’un concert commun, un proche de Jay vide une bombe lacrymogène sur Kell’s. S’en suit une annulation de la tournée en cours, des procédures judiciaires à gogo et une rupture cette fois définitive entre les deux stars.
Lil Wayne enregistre un album rock, Rebirth (2010)
Carter III est sans conteste l’un des albums les plus marquants de la décennie 00. Précédé par deux années au cours desquelles Weezy a enchaîné les mixtapes dévastatrices, l’attente autour du projet atteignit des sommets rarement égalés. Lorsque l’album sort enfin et s’écoule à un million de copies en première semaine, personne ne peut contester son statut de « best rapper alive ».
À ce point de sa carrière, le P’tit Dwayne est en mesure d’imposer n’importe lequel de ses désidératas à l’industrie du disque. Et c’est exactement ce qu’il va faire : n’importe quoi ! Alors qu’il ne sait ni chanter, ni jouer de la guitare, il se lance dans la production d’un album rock. Si l’annonce rend sceptique jusqu’à ses fans les plus fervents, Weezy persiste, clamant un amour pour Nirvana qu’on le lui connaissait pas jusqu’alors et arborant un look à mi-chemin entre Keith Richards et un étudiant en fin de semestre.
Rare sont ceux qui ont réussi à écouter de la première à la dernière chanson ce disque qui sonne au mieux comme la copie de la copie d’une reprise de mauvais titres de rock FM. Et pour couronner le tout, Rebirth fuitera avant sa sortie à cause d’une erreur de livraison d’Amazon.
À LIRE AUSSI
Les 10 albums de rap US les plus vendus en première semaine [DOSSIER]
Nas lance le super-groupe The Firm (1997)
Illmatic a beau être l’un des classiques du Hip Hop les plus respecté, il est cependant loin d’être l’un des plus vendus. Nas, très certainement envieux de la réussite matérielle de ses confrères*, décide alors de changer son fusil d’épaule et de s’attaquer au grand public. Le résultat sera It Was Written, un deuxième album qui réussira le tour de force de ravir la critique et le public, sans avoir à (trop) rougir de son prédécesseur.
Confiant dans sa nouvelle direction artistique, Nasir Jones poursuit sur sa lancée. Il réunit alors les rappeurs invités sur le très bon Affirmative Action (morceau qui sera remixé plus tard avec les NTM), pour partir à l’assaut des charts. Foxy Brown, AZ, Cormega et Nas formeront ainsi The Firm.
Un casting quatre étoiles donc, sachant qu’à l’époque les premiers albums d’AZ et Brown ont mis tout le monde d’accord, tandis que Cormega est fréquemment cité comme le prochain poids lourds du rap new-yorkais. Sans compter que s’ajoutent à la production Dr Dre et les Trackmasters (Jay-Z, Cam’ron, Mariah Carey, Biggie…).
Contre toute attente ce sera un désastre (en même temps, si ce n’était pas le cas il ne serait pas présent dans cette liste). La faute notamment à un Cormega remplacé peu de temps avant l’enregistrement par un Nature qui ne lui arrive pas à la cheville (marquant ainsi le début d’un clash trop long avec Nas) et à des instrus qui sonnent étonnamment pop, en complet décalage avec la tonalité mafiosi des lyrics.
En sus, Foxy Brown n’apparaît que sur 6 titres sur 18. Idem pour Nas, qui se perd de plus en plus dans un trip gangsta surjoué (prenant désormais comme alias Nasty Nas ou Nas Escobar) et dont il payera longtemps les conséquences.
* Pour l’anecdote lors des Sources Awards de 1995, il se verra obligé d’emprunter une chemise à l’un des Mobb Deep pour assister à la cérémonie…
Dre Dre et sa compilation Dr. Dre Presents the Aftermath (1996)
Après avoir quitté Death Row en fanfare (et accessoirement avoir reçu la visite de Suge Knight armé d’une batte de baseball), le docteur créa son propre label, Aftermath. Déjà auréolé d’une réputation de génie de la musique, il décréta vouloir dénicher les talents de demain en vue de bâtir le prochain mastodonte du rap jeu.
Quelques mois plus tard il accouchait d’un album dont la réputation de médiocrité n’a pas faibli avec les années.
Le titre en lui-même est déjà une carotte. Non seulement il ne pose que sur une petite moitié des titres, mais en plus il n’en produit même pas la majorité. Pire, aucun des artistes « présentés » n’accomplira le moindre début de carrière – Kim Summerson, Stu-B-Doo, Jheryl Lockhart quelqu’un ?
Alors certes, même s’il en écoulera un million d’exemplaires (autre époque) et que quelques titres ne sont pas si dégueu, Dre est passé à deux doigts de la mort musicale. Pragmatique, il reviendra trois ans plus tard au gangsta rap de ses origines avec 2001 et rencontrera à nouveau le succès que l’on sait.
Pharrell et Timbaland se vautrent en allant produire Madonna (2008)
Question longévité Madonna en connait un rayon. Cultivant comme personne l’art du renouvellement permanent, pour son onzième album studio elle pense flairer le bon coup en allant s’acoquiner avec les producteurs rap responsables du jackpot Justin Timberlake, Timbo et Skateboard P. Les deux hommes vont ainsi produire chacun en alternance l’intégralité du nouveau disque de la madone, rebaptisée pour l’occasion M’Dolla.
Sur le papier, là encore la formule a tout pour être explosive, nos deux usines à beats possédant un don tout particulier pour s’émanciper des frontières musicales tout en conservant leur touche reconnaissable entre mille.
Si le rendu n’est pas catastrophique (quoique), il n’est clairement pas à la hauteur des capacités du trio. Les fans de deux bords ne se retrouvent pas dans ce mauvais compromis. Il faut dire que les 12 pistes proposées sur Hard Candy alternent sans discontinuer la guimauve et le fade, bien loin des saveurs sucrées promises.
Une déception d’autant plus grande que l’occasion était belle (unique ?) de ramener dans le giron du rap toute une partie du public pop maintstream.
50 Cent se prend une tannée par Kanye West (2007)
Curtis Jackson ou l’homme persuadé que la qualité se juge à l’aune de la quantité. Après presque quatre années de règne ininterrompu sur les charts, Fiddy décide de s’attaquer à l’un des derniers rappeurs à qui il n’avait pas encore cherché des noises : Kanye West.
Profitant de la concomitance des sorties de leurs troisièmes albums solo respectifs, le général du G-Unit s’engage alors dans une guerre médiatique en clamant sur tous les toits qu’il sera numéro un des ventes de disques à l’issu de la première semaine d’exploitation.
Sûr de son fait, 50 ira même jusqu’à s’engager publiquement àmettre un terme sa carrière musicale en cas de défaite. Non seulement Y’e va snober son challenger avec dédain tout au long de la campagne de promotion, mais il va en plus nettement s’imposer : Graduation s’écoulera à 957 exemplaires contre 691 000 pour Curtis.
Un sérieux revers pour 50 cent qui sonne comme le glas de sa stratégie de beef à tout va et le début de son lent déclin. « Qui vit par l’épée, meurt par l’épée ».
À LIRE AUSSI
Les 10 albums de rap US les plus vendus en première semaine [DOSSIER]
IMAGE ERROR
Le film d’Outkast fait un bide (2006)
Rares sont les stars de la chanson qui ont réussi à s’imposer sur grand écran avec un film inspiré de leur univers musical. Que ce soit Prince avec Purple Rain ou Michael Jackson avec Moonwalker, l’exercice est périlleux. Qu’à cela ne tienne ont du penser Andre 3 000 et Big Boi, encore auréolés du succès sans précèdent de leur dernier album Speakerboxxx/The Love Below.
Projet ambitieux s’il en est, Idlewild se veut une comédie musicale qui se déroule dans le sud des États-Unis du temps de la crise des années 30. Réalisé comme un clip de deux heures, le film enchaine les longueurs sans jamais accrocher le spectateur.
Encore plus impardonnable, les numéros musicaux et la bande originale composée par le groupe lui-même ne sont pas à la hauteur.
Non seulement, le métrage se plante dans les grande largeurs au box-office mais il marque la dernière collaboration en date du duo de légende (snif).
Snoop Dogg devient Snoop Lion (2013)
On aimerait tellement croire que tout ceci n’est jamais arrivé… Passe encore que l’ami Snoop se mette en tête de faire du reggae, mais de là se convaincre tout seul (et a déclaré publiquement) qu’il est la réincarnation de Bob Marley, il y un monde. Surtout lorsque les ex-acolytes de Bob, Bunny Wailer en tête, se réunissent et menacent le grand chien de poursuites judiciaires s’il ne présente pas ses excuses à la communauté rastafari.
Il faut dire que l’album Reincarnated constitue un sacré pic de WTF. Entre niaiseries new age et folklore mal assimilé, Snoop le Lion enchaîne les punchlines à la naphtaline (« Money makes a man and that’s a crime ») tout en s’entourant d’invités dont la connexion spirituelle à la culture jamaïcaine est loin de sauter aux yeux (sérieusement, Miley Cyrus ? Rita Ora ? Chris Brown ?!).
En interview l’ex-Snoop DeeOwDeubeuleJee, plutôt fier de son coup, se gargarise d’avoir engagé l’ancien batteur de Police (bordel mais quel rapport avec le reggae ?) et plutôt que de dénoncer Babylone il déclame son amour des femmes à gros fessiers et donne du « my nigg* » à ses nouveaux frères rasta (!). Bref on navigue en plein hors-sujet, sans compter que la musique proposée est tout bonnement inécoutable.
Seul point positif, lorsque l’on tombe si bas on ne peut ensuite que rebondir. Pas vrai Snoopzilla ?