Parce qu’à force d’insultes et de menaces on en oublierait parfois presque comment tout ce petit monde en est arrivé là…
Divertissants pour toute personne qui n’est pas directement impliquée dans l’affaire, les clashs rythment l’actualité du mouvement depuis que le rap est rap.
Ils rythment d’ailleurs tellement l’actualité que l’on a vite fait de perdre le fil du comment du pourquoi.
Pas de panique, voici un récapitulatif.
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The Game contre 50 Cent et tout le G-Unit : une histoire de grosses têtes
Raccroché en 2003 au wagon G-Unit par Jimmy Iovine (le patron d’Interscope Records et de Dr. Dre), The Game bénéficie pour son premier album The Documentary de toute la hype et de tout le savoir-faire d’un 50 Cent alors au sommet de sa domination.
Présent sur ses trois plus gros singles (Hate It or Love It, How We Do et Westside Story), auteur de la majorité des refrains (Church for Thugs, Like Father, Like Son, Special…), Curtis Jackson estime que le Blood lui doit son succès, et ce d’autant plus que la majorité des titres sur lesquels il a bossé auraient dû finir sur The Massacre.
Signé avant de connaître Fiddy, Game ne l’entend cependant pas de cette oreille : non-content de sécher les interviews et séances photos communes, il va jusqu’à refuser d’aller croiser le fer sur disque avec Nas avec qui le crew est en guerre.
Ce qui s’est passé ensuite : Malgré la conférence de presse organisée par Iovine en présence des deux divas afin d’apaiser les tensions naissantes, « Hurricane Game » s’en est allé enregistrer les 15 minutes de freestyle 300 Bars and Running, initiant là le clash le plus prolifique de l’histoire du rap avec plus d’une centaine de morceaux enregistrés de part et d’autre.
Et tant pis si ce faisant le G-Unit et le G-Unot ont chacun perdu le soutien de Dr. Dre.
Maigre lot de consolation, Game a depuis enchaîné les collaborations avec Nas (Hustlers, The Ghetto, Letter to the King…), tandis qu’il semblerait que des morceaux inédits datant de l’époque puissent voir le jour.
Gucci Mane contre Young Jeezy : un feat qui a (très) mal tourné
Étoiles montantes de la scène géorgienne au milieu des années 2000, c’est tout naturellement que les deux hommes se retrouvent en studio pour unir leurs forces sur un titre commun, So Icy.
Une fois en boite, Def Jam décide de faire apparaître le morceau sur le premier album à venir de Jeezle. Pas de chance pour eux, Gucci a ici pris tout le monde de court en incluant So Icy sur la tracklist de Trap House, et ce apparemment sans payer aucun droit.
Vexé, l’ambassadeur de la Black Mafia Family réplique avec Stay Strapped dans lequel il promet 10 000 dollars de récompense à qui lui rapportera la chaîne de La Flare.
Ce qui s’est passé ensuite : Une nuit de mai 2005, cinq hommes armés débarquent chez Guwop. Malheureusement pour eux, le rappeur fait feu le premier et abat un certain Pookie Loc dont le corps sera retrouvé trois jours plus tard enterré dans un bois.
Ce coup de sang n’a toutefois pas mis un frein aux hostilités, faits divers et lyrics scabreux se succédant depuis (baston entre les gars de Jeezy et DJ Drama en 2009, le « Va déterrer ton pote renoi » de Gucci sur Truth en 2012…).
Si officiellement aucune trêve n’a été entérinée, la conversion de Gucci aux tapis de course et aux jus de fruits bio fait office de drapeau blanc.
6ix9ine contre Chief Keef : l’escalade des réseaux
Cousin de Chief Keef et membre du Glo Gang, Tadoe n’avait pas du tout apprécié que sa petite copine de l’époque Cuban Doll se retrouve ne serait-ce que brièvement dans un live Instagram aux côtés de Tekashi.
Après l’avoir battu dans les grandes largeurs (Doll a posté dans la foulée une vidéo où elle apparaît le visage marqué et où elle prétend avoir « la hanche cassée »), il rentre ensuite en contact avec le rappeur arc-en-ciel sur FaceTime pour lui hurler au visage « I kill people! ».
Peu de temps après un morceau du même nom signé Trippie Redd Feat. Tadoe & Chief Keef surgit en ligne, tandis que deux semaines plus tard 69 emmène l’une des baby mama de Keef faire du shopping chez Gucci en échange d’une turlutte.
Ingrate, cette dernière révèle en interview que le Chicagoan en aurait avait une plus grosse que le Newyorkais, ce qui n’a pas franchement apaisé leur relation.
Ce qui s’est passé ensuite : C’est peu dire que les choses ont dégénéré puisque lors du procès 6ix9ine qui s’est déroulé l’année passée, il a été établi que Chief Keef a fait l’objet de deux tentatives de meurtre de la part des Nine Trey Gangsters, dont une directement commanditée par l’auteur de GUMMO.
Drake contre Meek Mill : trop de drogue
Été 2015. Après avoir collaboré sur le morceau R.I.C.O., Milly attaque sans prévenir le Canadien à qui il reproche de ne pas écrire ses textes et de ne pas avoir retweeté son album Dreams Worth More Than Money.
En vrai personne n’y croit vraiment, tout ceci semblant ne servir que de prétexte à une crise de jalousie, Drake ayant pris la mauvaise habitude de trop tourner autour de Nicki Minaj avec qui il était en couple au moment des faits Cf. le texte de Miss Me où il espérait lui passer un jour la bague au doigt ou le clip d’Anaconda où madame lui offre une lap dance des plus torrides.
Au final la raison est cependant toute autre : Meek Mill a avoué en novembre 2018 qu’à force de gober des cachets de Percocet, il était tout simplement « hors de contrôle ».
« J’étais défoncé. Je faisais ce que j’avais envie de faire, de la façon dont j’avais envie de le faire, et ce à la face du monde, pas caché en coulisses »
Ce qui s’est passé ensuite : Un rabibochage sur scène en septembre 2018, une partie de ping-pong à 100 000 dollars, puis en février 2019 un nouveau duo pour officiellement sceller leur réconciliation, Going Bad.
Nas contre Jay Z : la couronne de roi de New York, mais pas que
Les animosités naissent en 1996 lorsque Nasir pose un lapin à Shawn alors qu’il était censé venir rapper sur Reasonable Doubt. En réaction, Jay sample sans autorisation la ligne de Nas « I’m out for presidents to represent me » sur Illmatic.
S’en suivent moult piques plus ou moins subliminales de part et d’autre, dont une de Memphis Bleek (le protégé de Jay Z) qui a poussé Nasty à sortir les noms dans son Stillmatic Freestyle de 2001.
Conséquence, Hova s’en est allé modifier son diss Takeover destiné initialement à Prodigy des Mobb Deep pour y rajouter des rimes sur Nas. Nas a rétorqué avec le Scud Ether. Et Jay Z s’est pris les pieds dans le tapis avec Supa Ugly, où, vexé d’être traité à répétition d’homo par son rival, il clame avoir couché avec la mère de sa fille Destiny, Carmen Bryan.
Cette même Carmen Bryan avec qui le futur mari de Beyoncé entretenait une liaison dans la seconde partie des années 90 et qui dans son autobiographie It’s No Secret publiée en 2006 affirme être en réalité la véritable cause de leur clash.
Ce qui s’est passé ensuite : La tension est redescendue d’un cran quand bien même les attaques ont subsisté de çà et là (« I was Scarface/Jay was Manolo » sur God’s Son, « My momma can’t save you this time/Niggas is history » sur Blueprint 2), avant que grand prince Jay Z n’invite sur scène Nas en octobre 2005 pour enterrer la hache de guerre et interpréter avec lui Dead Presidents et The World is Yours, puis ne le signe quelques mois plus tard sur Def Jam.
Et tant pis si ni Takeover, ni Ether ne peuvent aujourd’hui plus être interprétés live.
Soulja Boy contre Chris Brown : la faute à Karrueche et Rihanna
Janvier 2017, l’auteur de Crank That vient stalker l’Instagram de Karrueche Tran, l’ex de Chris Brown. Toujours pas remis de leur rupture deux ans et demi plus tôt (en 2016 il chantait encore son nom), il aurait alors appelé Soulja Boy pour le menacer de lui casser la gueule – ce qu’il dément, mais ce que SB soutient mordicus.
À partir de là les choses n’ont cessé de s’envenimer, chacun postant à foison sur Twitter et IG, et ce jusqu’à que le chanteur et le rappeur conviennent de régler leur différend dans un octogone sur un ring de boxe.
Les champions du monde Adrien Broner et Floyd Mayweather sont alors annoncés comme coach respectifs, un flyer tourne sur les réseaux et il est annoncé que les profits de l’événement seront reversés à des œuvres de charité.
Galvanisé par ce coup de promo, Soulja Boy déclare qu’il compte tabasser Brown « pour Rihanna » alors que personne ne lui avait rien demandé.
Ce qui s’est passé ensuite : Rien du tout, si ce n’est que SB est passé deux doigts de se faire casser la gueule dans une vidéo tournée en plein Compton dans laquelle il essayait de se faire pote avec des Bloods et qu’il s’est ensuite fait menacer sur disque par Mike Tyson !
Timbaland contre Scott Storch : producing & ghostproducing
Tous deux candidats au titre de beatmaker de la décennie 00, Timbo et Scotty étaient plutôt cools à la base, eux qui en collaborant sur le tubesque Cry me a River de Justin Timberlake avaient permis au chanteur pour midinettes de devenir en 2002 une superstar mondiale.
Sauf que l’ex de Paris Hilton, Kim Kardashian et Lindsay Lohan s’estime lésé sur ce coup : auteur du bridge et de la mélodie, il considère qu’il aurait dû être mentionné dans les crédits comme coproducteur et n’hésite pas à en faire part en interviews – « Justin Timberlake n’aura plus jamais un seul de mes sons ».
Taquin, en 2007 Timbaland lui grimace sur Give It To Me qu’il n’est « bon qu’à jouer du piano » (« I’m a real producer and you just a piano man/Your songs don’t top the charts, I heard ’em, I’m not a fa-a-an »).
Pas rappeur pour un sou, Scott Storch prend néanmoins le micro pour pondre Built Like That, l’une des diss tracks les plus gênantes de l’histoire du rap où il l’accuse cocaïné jusqu’à la moelle de carburer aux stéroïdes – et qui plus est sur une instru sacrément médiocre.
Ce qui s’est passé ensuite : KO debout, Storch poursuit sa descente aux enfers (banqueroute en 2009, allers-retours en désintox’…) avant de se refaire petit à petit la cerise. Aujourd’hui de retour en bons termes avec son « brother », il lui arrive même de squatter les studios avec lui.
Ice Cube contre les N.W.A. : qui a pris l’argent ?
Parolier en chef du « groupe le plus dangereux du monde », quand le Cube Glacé se rend compte qu’en dépit d’avoir écrit l’intégralité ou presque des lyrics de Straight Outta Compton et Eazy- Duz-It (deux albums dont les ventes cumulées ont dépassé les 5 millions de copie) il n’a touché que 32 700 petits dollars, il décide de prendre la tangente.
Si le manager Jerry Heller nie toute irrégularité, un album plus tard Dre quitte lui aussi le navire pour les mêmes motifs, avant qu’Eazy-E ne se résolve à rompre avec celui qui a été à bien des égards son mentor.
Ce qui s’est passé ensuite : Mettant au défi quiconque de lui coller un procès, Heller est en 2006 revenu sur les faits dans son autobiographie Ruthless: A Memoir.
Extrait : « Pour un dollar de royauté Ruthless Records prenait 25%, là ou d’autres labels prenaient eux 100%. Un autre 25% étaient alloués aux sociétés d’édition, tandis que les 50% restants étaient redistribués à parts égales entre les auteurs et les producteurs. Cube écrivait beaucoup mais il lui est arrivé de partager ses droits d’auteur avec Dre, Yella, D.O.C., Eazy ou Ren. Tout ça n’a rien à voir avec un complot juif pour spolier les artistes, ce sont des mathématiques. Ice Cube a reçu l’intégralité de ce qui lui était dû. »
Pas calmé pour autant, Jerry Heller a également poursuivi devant les tribunaux en 2015 la production du film Straight Outta Compton pour « atteinte à sa réputation ».
Décédé l’année d’après à 75 ans, il n’a à sa déchargé jamais été condamné pour la moindre malversation.
La Vraie Roxanne contre Roxanne Shante : la course au buzz avant l’heure
En 1984, le quatuor U.T.F.O. sort Hanging Out, un single qui passe inaperçu ou presque. Coup de bol, sa face B (le morceau sur le verso du vinyle les loulous) attire l’attention. Intitulée Roxanne, Roxanne, il peint le portrait d’une fille qui refuse de répondre aux appels téléphoniques des membres du groupe (elle leur met des vus quoi).
Invité à venir se produire sur la scène de l’émission de radio Rap Attack animée par Mr. Magic et Marley Marl et Tyrone ‘Fly Ty’ Williams (la première émission rap diffusée à grande échelle), U.T.F.O. décline cependant l’invitation.
Discutant de cette aventure au bas de leur immeuble de Queensbridge, la légende veut qu’ils aient été accostés par Lolita Shanté Gooden, 14 ans, leur proposant en lieu et place d’enregistrer une réponse où elle se ferait passer pour la Roxanne en question.
Rebaptisée dans la foulée Roxanne Shanté et payée en nature par le trio (tout le monde se calme, ils lui ont filé des jeans), elle pose le freestyle Roxanne’s Revenge sur l’instru des U.T.F.O. où elle clashe un par un les membres du groupe.
Contre toute attente, le titre cartonne à New-York.
Ce qui s’est passé ensuite : Les U.T.F.O. se sont trouvés une rappeuse pour répondre à la réponse avec Real Roxanne des Roxanne (with UTFO), avant de trouver une autre rappeuse pour remplacer leur rappeuse. Puis Roxanne Shanté a remis le couvert avec Bite This et Queen Of Rox (Shanté Rox On).
Puis ce fut au tour d’un certain Sparky D de rajouter son grain de sel avec Sparky’s Turn, Roxanne You’re Through qui prend parti pour les U.T.F.O. Puis il y a eu The Parents of Roxanne de Gigolo Tony & Lacey Lace adressé aux U.T.F.O. et à Sparky D. Puis I’m Lil Roxanne où Tanganyika joue une version moins âgée de Roxanne. Puis il y a eu Yo, My Little Sister (Roxanne’s Brothers), Rappin’ Roxy: Roxanne’s Sister, No More Roxanne (Please)…
Bref c’est ce qu’on a appelé « La Guerre des Roxanne » et qui selon les estimations a généré entre une trentaine et une centaine de morceaux.
Lil Wayne contre Birdman : Œdipe & argent cash
Entre Baby et Weezy ça ne date pas d’hier. Figure paternelle s’il en est, le boss de Cash Moula a pris sous son aile le jeune Dwayne Carter à la mort de son beau-père Reginald ‘Rabbit’ McDonald avant de le signer l’année de ses 11 ans.
Plus fidèle soldat du label, Wayne porte ainsi haut ses couleurs deux décennies durant et ce malgré l’approche toute particulière du maître des lieux en matière de droit des contrats.
Là où les Juvenile, Mannie Fresh et autre B.G. quittent en effet le navire les uns après les autres pour cause d’embrouilles financières, l’auteur de Lollipop lui n’en a cure, tant que l’argent de poche que lui file son ‘Daddy’ lui permet d’acheter à sa guise nouvelles voitures et bijoux – et accessoirement de remplir son gobelet de syzzurp.
Enfin ça, c’était jusqu’à que Lil Wayne ne tente en 2014 de sortir son Carter V annoncé depuis deux ans déjà.
Frustré par les multiples reports imposés par Cash Money, après quelques tweet vindicatifs il franchit le Rubicon en réclamant par voie de justice 51 millions de dollars pour violation de contrats et retards de paiements.
Ce qui s’est passé ensuite : Un arrangement a été trouvé, Carter V est sorti, Stunna s’est à la surprise générale excusé publiquement et les deux lascars tournent à l’occasion des clips ensemble.
Tout est bien qui finit bien ? À vrai dire personne n’en sait trop rien, notamment à cause du flou qui règne autour du statut des deux autres vaches à lait YMCMB que sont Drake et Nicki Minaj, apparemment toujours dans le giron du honcho Birdman.
Ou pour citer ce dernier : « It’s YMCMB for death. Fuck you, you heard me? »