Tenter de revenir dans le game n’est jamais un pari gagné d’avance…
De toutes les rimes les plus convenues de l’histoire du rap, celles relatives au comeback lâchées en intro d’un album se classent à l’aise dans le peloton de tête.
À la décharge des emcees, dans un genre musical où tout est toujours allé très vite, pour peu qu’une carrière dure plus de quelques saisons, se pose fatalement un jour la question de renouer avec son public.
Embrouilles contractuelles, peines de prison, bides, succès difficiles à assumer… découvrez une douzaine d’artistes qui ont tenté de revenir sous les lumières des projecteurs après une période d’absence.
Pour certains ça a plutôt bien marché, pour d’autres beaucoup moins.
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Snoop Dogg après avoir coupé les ponts avec Death Row
En 1992/1993, c’est peu dire que le Grand Iench’ est assis sur le toit du monde. Invité sur les deux tiers des titres du pharaonique The Chronic, il confirme ensuite son statut de rookie le plus en vue du pays avec le raz-de-marée artistique et commercial Doggystyle.
Pas de chance pour lui, trois ans plus tard entre sa rupture avec son mentor Dr. Dre, la disparition prématurée de 2Pac et son franchement tiède deuxième album Tha Doggfather, il est déjà l’ombre de lui-même.
Snoopy pense alors avoir le nez creux en allant signer dans une nouvelle niche : le label No Limit Records du Master P de la grande époque.
Si sur le papier l’idée de s’exiler du côté de la Nouvelle Orléans quand Suge Knight vous menace de bloquer toute nouvelle sortie de votre part n’est pas complétement dénuée de sens, sur disque c’est une autre histoire.
Mauvais à s’en faire saigner les oreilles, Da Game Is to Be Sold, Not to Be Told (1998) manque en effet de l’enterrer vivant.
Plus habile en affaires qu’en studio, Master P comprend vite qu’il est dans l’intérêt de tous de laisser son artiste se rabibocher avec le bon docteur Young.
Et c’est comme ça qu’en deux coups de cuillère à pot (le single Bitch Please, la tournée Up In Smoke, l’album Tha Last Meal…), Snoop Dogg s’est offert la deuxième partie de carrière que l’on connaît, quand bien même il lui arrive à échéances régulières de rechuter dans le mauvais goût (featurings asiatiques improbables, collaboration techno avec David Guetta…).
Vanilla Ice après avoir vendu 15 millions d’albums
En 1991 To the Extreme a beau avoir été le carton que l’on sait (merci Queens), Robert Matthew Van Winkle s’attire dès le départ la méfiance du milieu rap qui voit en lui un imposteur doublé d’un incapable.
Si dans un premier temps il n’en a cure (après tout ce n’est pas comme s’il se tapait Madonna et avait pas signé des partenariats avec Nike et Coca Cola), très vite les signaux d’inquiétude se multiplient.
Racketté par Suge Knight, accusé d’avoir fabriqué de toute pièce son vécu, le emcee goût vanille se plante en sus dans les grandes largeurs en sortant un album live (Extremely Live) puis une comédie musicale (Cool As Ice) qui non contente de lui valoir une nomination au titre de pire acteur aux Razzie Awards, lui vaut également une nomination dans la catégorie de la pire bande originale.
Et pour ne rien gâcher, en coulisses il s’enfile tant qu’il peut cocaïne, héroïne et ecstasy.
Quatre ans après son coup d’éclat, il tente toutefois de rebondir en effectuant un virage à 180 degrés question image. Converti aux joies du rastafarisme et de la fumette, c’est tout en dreadlocks qu’il sort son second essai Mind Blowin’.
Reste que si comme précédemment la critique est sévère, cette fois ci le public ne suit pas.
Il faudra ensuite à nouveau attendre quatre ans pour que Vanilla remette le couvert (le temps pour lui de se lancer dans des compétitions de motocross et de jet ski pour se changer les idées) et sortir en 1998 Hard to Swallow, un album qui flirte avec les ambiances punk nu-metal.
Plutôt que de nous attarder sur la nullité du disque, contentons-nous de relever ici que l’intégralité des pistes ont été co-écrites et co-produites, ça ne s’invente pas, par un certain DJ Zero…
50 Cent après avoir frôlé la mort
1999. En panne de buzz à l’approche de la sortie de son premier album Power of the Dollar, Curtis Jackson décide de jouer le tout pour le tout en écrivant How to Rob, un morceau dans lequel il s’imagine braquer les plus grands notables de New-York (Puff Daddy, Big Pun, Ghostface, Jay Z…) à une époque où la Grosse Pomme est encore la capitale du rap.
La stratégie fonctionne plutôt bien, à ceci près que quelques mois plus tard il se fait tirer dessus à neuf reprises à bout pourtant.
Réchappé à la mort par on ne sait quel miracle, il ne doit pas moins se farcir neuf longs mois de rééducation (dont six semaines uniquement pour réapprendre à marcher). Lourdé en sus par sa maison de disques Columbia Records qui réalise là qu’il vit vraiment la vie qu’il rappe, Fiddy est à cet instant T au plus bas.
Il ne le sait pas encore mais il s’agit de sa plus grande chance.
De un parce que le balle qui lui a traversé la joue pour lui arracher une dent va lui permettre de chantonner ses refrains comme personne, et de deux parce que ses mésaventures attirent l’attention d’Eminem et Dr. Dre.
La suite on la connaît : storytellé comme un superhéros Marvel, 50 Cent s’appuie sur toute la science marketing et sonore de l’ogre Shady/Aftermath/Insterscope pour sortir en 2003 l’un des plus gros blockbusters de l’histoire du rap, le très bien nommé Get Rich’ Or Die Tryin’.
Dernier vrai carton du rap au format album, il lui permet d’investir de tous les côtés le marché trois ans durant (clones, jeux vidéo, sneakers, débardeurs, parfums, eau vitaminée…).
Shyne après avoir été lâché par Puff Daddy
Recruté à la fin des années 90 par Bad Boy Records en raison de son timbre de voix similaire à celui de Biggie, Jamal Michael Barrow se fait ensuite remarquer sur les albums Forever de Diddy et Double Up de Ma$e.
En route pour être la nouvelle sensation newyorkaise, sa vie bascule du tout au tout la nuit du 27 décembre 1999.
En club avec Puff Daddy et sa copine de l’époque, Jennifer Lopez, alors qu’il est sur le point de quitter les lieux, son patron bouscule par inadvertance un client qui en réponse lui balance des billets au visage.
Quelques secondes plus tard une fusillade éclate, laissant trois personnes complètement étrangères à l’altercation blessées par balle, dont une au visage.
Profitant de l’agitation médiatique sans pareil autour de l’affaire, Bad Boy sort en septembre 2000 le premier opus de Shyne qui accroche le roro.
Reste que quand l’affaire arrive devant les tribunaux en juin 2001, si Puffy esquive les accusations de port d’arme et de corruption grâce à sa team d’avocats et aux centaines de milliers de dollars qu’il débourse pour dédommager les victimes, Shyne lui a beau plaider la légitime défense, il écope au final de 10 ans pour tentative de meurtre, agression et mise en danger de la vie d’autrui.
Bien qu’incarcéré, il choisit de s’engager en 2004 chez Def Jam après une guerre des enchères acharnée entre labels et sort dans la foulée Godfather Buried Alive.
Featuring Nate Dogg, Foxy Brown et Ashanti sur des productions de Kanye West, Swizz Beats ou encore Just Blaze, ce second opus qui compile chutes de studio et lyrics enregistrés au téléphone réussit à faire illusion le temps d’une semaine en se classant troisième du Billboard.
Cinq ans plus tard, rares sont donc ceux qui attendent quoi que ce soit de Shyne question musique, et ce d’autant plus que sitôt libéré il est expulsé dans son Belize natal. Désireux de vivre une nouvelle vie, celui qui se fait très officiellement appelé Moses Michael Leviy depuis 2006 et sa conversion au judaïsme, décide de partir s’installer à Jérusalem.
Il refait toutefois l’actu en 2012 en s‘affichant publiquement avec Puff Daddy en habit traditionnel lors de la fashion week parisienne ou en se clashant avec The Game via un freestyle des plus gênants qui lui vaut de se faire remballer KO debout.
Aujourd’hui à mille lieux de son personnage d’antan, comme son premier ministre de père avant lui, Leviy s’est lancé dans la politique et aspire à remplacer son oncle député à l’occasion des prochaines élections béliziennes.
Juvenile après s’être embrouillé avec Birdman
On l’oublie un peu trop souvent, mais le plus gros succès de l’histoire de Cash Money n’est ni le Carter III de Lil Wayne, ni le Take Care de Drake et encore moins le Pink Friday Nicki Minaj, mais le mythique 400 Degreez de Juvenile qui a vu le jour en novembre 1998.
Porté par le banger Back That Azz Up, il s’est écoulé à plus de 4 millions d’exemplaires, inaugurant là de la façon la plus éclatante qui soit le fameux deal à 30 millions de dollars passé auparavant par les frères Williams avec Universal.
Toujours est-il qu’une fois l’agitation retombée, deux albums plus tard (Tha G-Code en 1999 et Project English en 2001) ‘Nile se rend compte que niveau royautés le compte n’y est pas.
Ni une, ni deux il fait alors ses valises, non sans intenter dans la foulée un procès en bonne et due forme à ses anciens potos…. puis de revenir chez eux en 2003 pour enregistrer Juve the Great, le quatrième et dernier album prévu par son contrat.
Bien lui en a pris, puisqu’il décroche là la première place des charts grâce à son hit Slow Motion en duo avec le regretté Soulja Slim.
Désormais libéré de toute obligation à l’égard du label, l’ex Hot Boy sombre néanmoins dans le ventre mou des anciens gloires du game, jusqu’à se faire virer en 2007 du groupe UTP dont il était pourtant le membre fondateur.
Nostalgique de ses meilleures années, il finit donc assez logiquement par retourner au bercail en 2014 pour sortir son onzième album studio, The Fundamentals.
Depuis tout semble se passer pour le mieux avec Birdman, entre projet collaboratif (Just Another Gangsta en 2019) et interview rigolade.
Jay Z après son départ à la retraite
Roi de New York en 2003, Shawn Carter créé un petit séisme dans le monde du rap lorsqu’il annonce à 36 ans que son huitième album studio sera son dernier.
Intitulé le Black Album en référence à ses glorieux prédécesseurs qu’ont été dans des genres différents Metallica et Prince, il est initialement prévu qu’il comporte douze titres concoctés par 12 producteurs différents et qu’il arrive dans les bacs le 4 décembre, le jour de son anniversaire.
Si tel n’est pas le cas pour cause de problèmes planning (au revoir Dr. Dre et DJ Premier) et de problèmes de fuite (Roc-A-Fella avance la sortie de quinze jours), cela n’empêche pas le projet de bénéficier d’un très bon accueil.
Pas tombé de la dernière pluie, le mogul enrobe ses adieux d’une campagne promo au tractopelle (une S.Carter coloris full black chez Reebok, son black téléphone mobile chez Nokia, son dernier clip, ses derniers featurings, etc.).
Reste que malgré les efforts déployés, excepté 50 Cent qui clame que si Jay-Jay s’est barré c’est qu’il avait peur de lui, personne ne croit vraiment à cette mise au vert.
L’intéressé n’y met d’ailleurs pas beaucoup du sien puisque dès l’année suivante il sort deux projets collaboratifs : Collision Course avec les pop-rockeurs de Linkin Park et Unfinished Business avec Robert Kelly.
C’est donc sans surprise qu’en 2006, il ressort son micro pour Kingdom Come, un album qui ne fait même pas l’effort d’être bon pour se vendre comme des petits pains (680 000 acquéreurs en première semaine).
Si Jay Z admettra d’ailleurs en 2013 qu’il s’agissait là de la pire ligne de sa discographie (« First game back, don’t shoot me »), avec ce move il n’en a pas moins initié une technique marketing usée depuis jusqu’à la corde – cf. Lil Uzi Vert, Chief Keef, Lil Wayne et tant d’autres qui ont tous fait le coup du faux départ.
Lil Jon après avoir créé le crunk
S’il n’est jamais venu à l’esprit de personne de dire du P’tit Jean et de ses East Side Boyz qu’ils faisaient de la bonne musique, impossible de nier l’impact du trio dans les clubs dans la première partie des années 2000.
DJ de formation, Jon savait en effet mieux que quiconque galvaniser les foules quand bien même tout le monde avait déjà bu trois ou quatre verres de trop.
Son secret ? Le filon crunk, un sous genre mélange de synthé et de basses joués très (très) fort, le tout enrobé d’ad-libs exhortant l’auditeur à devenir toujours plus zinzin – cf. le Get Low Remix à jamais dans les cœurs
Mieux, à ses heures perdues il s’en allait produire pour d’autres artistes de renom parmi les plus grand hits de leur catalogue (Freek-A-Leek de Petey Pablo, Goodies de Ciara, Yeah! de Usher…).
Artisan de l’émergence de la scène Dirty South à l’échelle nationale, Lil Jon voit néanmoins sa formule commence à s’essouffler après l’album Crunk Juice en 2004 (album qui pour rappel faisait suite à Kings of Crunk, Get Crunk et We Still Crunk!!), et ce d’autant plus que l’année suivante le mythique label TVT Records fait faillite.
Désireux de se réinventer, il annonce la sortie prochaine de Crunk Rock, qui comme son nom l’indique a bien l’intention d’aller racoler du côté des cheveux longs et des jeans serrés.
Sauf qu’entre les reports à répétition, les départs de Big Sam et Lil’ Bo et une direction artistique fluctuante, quand quatre ans plus tard l’album sort enfin, tout le monde s’en fout.
Crunk Rock bide d’ailleurs tellement (15 000 ventes au total en fin d’exploitation) qu’il s’agit du dernier disque jamais sorti par Lil Jon.
Beau joueur, à quelque singles près, l’homme à l’éternelle pimp cup à la main s’en est depuis retourné mixer en soirée pour boucler ses fins de mois.
Eminem après sa cure de désintoxication
Plus gros vendeur de disques de l’histoire du rap grâce à son run sans précédent au tournant du 21ème siècle (The Slim Shady LP/The Marshall Mathers LP/The Eminem Show), en 2005 le Slim Shady interrompt brusquement sa tournée Anger Management.
Accroc au Vicodin, un antidouleur qui lui a été prescrit pour calmer ses crises d’anxiété et son insomnie, il est contraint de marquer une pause.
Elle durera quatre ans. Quatre ans au cours desquels il va successivement prendre une trentaine de kilos, passer par la case rehab et devenir pote avec Elton John.
Remis sur pattes en 2009, il sort Relapse. Plus gros succès commercial rap de l’année, l’opus est paradoxalement abondamment critiqué par son auteur quand bien même de nombreux fans célèbrent ce dernier comme le joyau de sa discographie.
Résultat pour ses essais suivants, le « white boy » préféré du rap s’en va lorgner du côté de la pop avec des crossovers d’un goût douteux (Skylar Gray, Rihanna, Ed Sheeran…).
Et puis en 2013, Shady s’accorde un nouveau break avant de revenir en 2017 et d’enchaîner trois albums en deux ans et demi.
Sale gosse bientôt cinquantenaire, il jongle désormais plus ou moins adroitement avec son mythe. Et tant pis si plus ça va, plus il paraît largué dans son rapport à la nouvelle génération et bloqué dans son personnage, le public lui continue de répondre présent.
Mase après avoir rencontré Dieu
Rappeur préféré de beaucoup quand l’écurie Bad Boy brillait de mille feux dans la seconde partie des années 90, « M-A-Dolla sign-E » s’amusait alors comme un petit fou entre son premier album Harlem World écoulé à plus de 4 millions d’exemplaires, ses shiny suits et ses petits pas de danse posés avec Brandy.
Tout allait pour le mieux donc jusqu’à que le bruit court qu’il ait un jour mal parlé du Wu-Tang Clan lors de l’un de ses concerts. Coïncidence ou pas, peu de temps après il tombe sur Ghostface Killah et son crew dont l’un des affiliés, I-Cham, lui pète la mâchoire à coup de poing.
Peu de temps après, le 4 avril 1999, Mase déclare à la surprise générale vouloir prendre sa retraite. Lassé du milieu rap, il proclame vouloir servir Dieu à sa manière.
Contre toute attente, il déménage à Atlanta pour fonder sa propre église, El Elyon International Church and Mason Betha Ministries, tandis qu’il entame à la rentrée suivante un cursus universitaire.
En 2004, un featuring improvisé avec Nelly sur le titre In My Life lui redonne toutefois l’envie de rapper. Très vite les chose s’enchaînent et c’est ainsi que sort conjointement sur Bad Boy Records et Fo’Reel Entertainment (le label de Nelly) son troisième album, Welcome Back.
« Il y a cinq ans, je n’étais pas prêt dans ma tête pour assumer ce qu’était le rap et quel y était mon rôle à jouer. J’ai dû m’éloigner pour sauver mon âme. Si je reviens c’est que maintenant je contrôle le truc, ce n’est plus lui qui me contrôle. »
Malgré ses bonnes résolutions, l’opus est accueilli tièdement ce qui le pousse à de nouveau prendre le large.
En 2009, Mase se laisse tenter par un second comeback cette fois aux côtés de 50 Cent et son G-Unit. Pour ce faire il renoue cette fois, non pas avec son côté « feel good », mais avec son côté street, lui qui a ses débuts se faisait surnommer Murda Mase.
Problème : le toujours pasteur est encore signé chez Puff Daddy qui réclame deux millions à Fiddy pour lui rendre sa liberté.
Pas fou, l’auteur de In Da Club refuse. Soucieux de débloquer la situation, Puffy finit par suspendre ses exigences… Ce qui n’empêche pas Mase de finir par resigner chez lui !
De nouveau réunis, les deux mauvais garçons s’embarquent en 2016 sur la tournée Bad Boy Family Reunion.
Pas redevenu meilleurs amis pour autant, ils se sont récemment écharpés sur la place publique quand Puffy a reproché aux Grammys de profiter sans vergogne des artistes, là où Mase l’a sommé de commencer par rendre l’argent qu’il vole à ses poulains.
Juicy J après avoir passé 35 ans
Formée en 1991, si la Three 6 Mafia est aujourd’hui unanimement reconnue pour son influence (qui ne leur a pas piqué un flow ?), elle n’en a pas moins œuvré dans les bas fonds de l’underground pendant près d’une quinzaine d’années.
Jusqu’en 2005 pour être exact, quand Stay Fly extrait de leur huitième album Most Known Unknown et It’s Hard out Here for a Pimp extrait de la bande originale du film Hustle & Flow leur valent enfin de connaître le succès.
Oscarisé l’année suivante à la surprise générale, le groupe livre sur scène une prestation d’anthologie.
En 2008 le décevant Last 2 Walk signe cependant la fin de l’aventure, plusieurs membres du groupe ayant entretemps préféré se concentrer sur leurs carrières solo, dont Juicy J.
À 35 ans passés, il fait preuve d’une vigueur sans pareil avec une douzaine de mixtapes lâchées dans la nature entre 2009 et 2012. Problème, question buzz c’est le calme plat malgré son compagnonnage avec le Taylor gang de Wiz Khalifa.
L’illumination viendra au soir de mai 2012 quand dans sa salle de bains l’inspiration lui dicte de transformer une instrumentale de Mike WiLL Made It qu’il juge destinée à un slow jam en hymne à la débauche et aux femelles de petite vertu.
Le résultat s’appelle Bandz A Make Her Dance, un titre qu’il partage sur son compte Twitter et qui une fois remixer ses « petits » 2Chainz et Lil Wayne lui vaut toutes les attentions après cinq années d’absence.
Remis en selle, il accepte une offre de Columbia et invite Justin Timberlake, Chris Brown, The Weeknd et Nicki Minaj sur son très bien reçu Stay Trippy, puis, consécration ultime, vient rapper avec la très radio friendly Katy Perry sur son Dark Horse.
À la croisée des chemins entre l’éternel adolescent et l’oncle cool qui n’a pas oublié ses années folles, à désormais 44 ans, Juicy J n’a toujours pas pris une ride.
Master P après avoir déclaré faillite
En 1998, No Limit est le label numéro 1 du rap, et de loin.
Deux ans avoir passé un deal historique avec Priority Records qui lui assure de conserver 75% du prix de vente des albums de ses artistes maisons, le général sudiste réussit à écouler 20 millions de disques sur douze mois – dont 500 000 en première semaine pour son solo MP da Last Don.
Et entre ses films, sa ligne de vêtements, les poupées à son effigie, sa société immobilière et son agence de gestion de carrières pour sportifs, ses revenus ont atteint les 160 millions de dollars.
Le chiffre est d’autant plus étourdissant que, pour le dire poliment, No Limit n’a jamais été réputé pour la qualité de ses sorties.
En réalité, Master P tire son pouvoir de sa marque. Bâti patiemment depuis le début de la décennie, un peu comme Marvel et son MCU, il a su grâce à elle fidéliser un public prêt à acheter les yeux fermés n’importe quel produit estampillé du célèbre tank doré.
Cet atout finit néanmoins par se transformer en faiblesse lorsque ladite marque voit son identité malmenée.
Entre le départ avec perte et fracas des producteurs historiques Beat by the Pound en 1999, la moindre implication de Master P dans la gestion des affaires quotidiennes pour cause de tentative de décrocher un contrat pro dans une équipe NBA et le changement de mode au début du siècle, le chiffre d’affaire de No Limit fond comme neige au soleil.
La petite entreprise tente de se relancer en 2001 en migrant chez Universal. Rebaptisée The New No Limit Records et forte d’un tout nouveau pool de rappeurs, elle n’en échoue pas moins à renouer avec le succès, au point de finir par faire banqueroute en décembre 2003.
En 2007, après quelques solos passés peu ou prou inaperçus, Master P se fend d’une nouvelle résolution : produire un rap dénué de la moindre insulte ou grossièreté.
« J’ai conscience que j’ai fait partie du problème, mais j’ai mûri, je veux améliorer les choses. En tant qu’homme d’affaires je veux prouver qu’une musique propre peut vendre. »
Sauf que bon, comme l’a rappelé 50 Cent en conférence de presse lorsqu’il a eu vent que la sortie de l’album « rap gospel » de P était prévue le même jour que le sien : « Well, Master P doesn’t sell CDs anymore ».
D’ailleurs au final, ce fameux projet a tellement peu enthousiasmé les foules qu’il n’a jamais vu le jour.
L’épopée No Limit connaît ensuite un nouveau rebondissement en novembre 2010 avec l’avènement de No Limit Forever Records dont la direction est confié à son fils Lil Romeo.
Reste que si Master P continue par ce biais à sortir des disques (The Gift en 2013, Empire, from the Hood to Hollywood en 2015, Louisiana Hot Sauce en 2016) et à signer des types inconnus au bataillon (Ace B, Angelo Nano, BlaqNmilD, JSlugg500, Lambo…), force est de constater que désormais tout le monde s’en fout.
Gucci Mane après avoir perdu 45 kilos
Porté aux nues par une base fan qui voit en lui une sorte de 2Pac ou de Jay Z de la scène sudiste, sitôt hors des studios Guwop vit selon ses propres mots « une vie emplie d’excès, de convoitises et de gloutonnerie ».
Shooté au lean, à l’herbe et à la malbouffe, il finit par dépasser les 130 kilos sur la balance, tandis qu’en dehors studio, son comportement se fait de plus en plus suspect – genre son tatouage en forme de cône glacé sur la joue en 2011.
Les bonnes choses prennent cependant fin un soir de 2013, quand l’un de ses potes, inquiet pour sa santé mentale appelle les flics. Incarcéré illico, après que ces derniers aient trouvé sur lui un gun et de l’herbe, Gucci avouera quelques années plus tard que cette arrestation fut « une chance ».
Converti en cellule aux vertus de l’eau minérale et des brocolis, il change complètement d’hygiène de vie tant et si bien qu’en 2016 c’est un homme nouveau qui sort de cellule.
Aminci, sobre, s’exprimant de manière articulée, « marketable », il entame un seconde partie de carrière bien différente de la première, qu’il se retrouve à jouer tous abdos dehors l’égérie pour la marque Gucci ou qu’il réussisse le meilleur démarrage de sa carrière avec Everybody Looking.
Certes les plus grincheux ne manquent pas de faire remarquer que la folie créative de ses débuts n’est plus qu’un vague souvenir, mais mieux vaut un Gucci Mane vivant que pas de Gucci Mane du tout.
Tyga après avoir touché le fond de la piscine
Second couteau de luxe chez Young Money au début de la décennie, T-Raww peut s’enorgueillir de toute une série de hits bien sentis à la Rack City, Make It Nasty, ou Do My Dance.
Un temps dépeint comme un possible futur poids lourd, il devient malheureusement la risée du game en se prenant les pieds dans le tapis dès qu’il en a l’occasion (sa baby mama qui s’en va faire la video hoe chez Future le jour de son anniversaire, les huissiers qui le pourchassent, ses nudes qui fuitent, les internets qui rient en boucle de sa relation avec la très mineure Kylie Jenner…).
Conséquence, sa musique en pâtit allégrement, des 2 200 exemplaires de rien du tout vendus en première semaine par The Gold Album: 18th Dynasty, au bide intersidéral de Kyoto qui en 2018 échoue ne serait-ce qu’à apparaître dans les charts.
Et c’est alors que l’improbable se produit : le 16 mai 2018 sort Taste avec Offset en featuring. Renouant avec l’ambiance strip club de ses débuts, le single cartonne, jusqu’à décrocher une quadruple certification platine et avoisiner le milliard de vues Youtube.
Loin d’en rester là, Tyga poursuit dans la même veine avec Dip en duo avec son ancienne colistière Nicki Minaj (disque d’or), Kream qui remet du goût du jour Iggy Azalea (disque d’or), puis son album Legendary (disque d’or).
Soulja Boy ne s’en est toujours pas remis.
2Pac après neuf mois en prison
Difficile de tomber plus bas que Tupac Shakur fin 1994.
Victime dans la nuit du 30 novembre d’une fusillade fomentée par son rival Jimmy Henchman où il se prend cinq balles dans le corps (dont une dans la tête), il est transféré en urgence à l’hôpital.
Trois heures après avoir été opéré, il quitte les lieux sur un fauteuil roulante pour se rendre au tribunal afin de répondre à une convocation judiciaire pour viol en réunion. Deux mois plus tard il est condamné à une peine de quatre ans et demi de prison.
Ruiné par ce que lui a coûté le procès, sa réputation salie, son album Me Against the World a beau se classer numéro 1 alors qu’il croupit en cellule, à ce moment précis rares sont ceux qui donnent cher de sa peau.
Interviewé derrière les barreaux, ‘Pac confirme d’ailleurs à demi-mot la chose en admettant que « la prison tue l’esprit ».
Du coup lorsque que quelque mois plus tard, le juge revient sur sa sentence et le disculpe, l’interrogation demeure quant à son état d’esprit et la tournure que va prendre sa musique.
Le 13 février 1996 All Eyez On Me dissipe tous les doutes.
Habité par une paranoïa qui ne le quittera plus, son « âme vendue au diable » (alias Suge Knight), il déverse toute sa rage et toute sa colère 27 pistes durant, quitte à célébrer sans la moindre retenue une vie de gangster qui le consume de l’intérieur.
La légende est née.
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