Si l’empire YMCMB traverse actuellement de sérieuses difficultés, il ne faut pas oublier que l’homme à l’étoile rouge tatouée sur la tête domine le rap jeu depuis près d’un quart de siècle avec une manière bien à lui de conduire son business…
Brian « Baby » Williams est l’un des personnages les plus fascinants de la galaxie hip hop. Moins flamboyant qu’un Diddy, moins médiatisé qu’un Jay Z, moins estimé qu’un Russell Simmons, il a pourtant réussi à faire de son label une machine de guerre qui règne sur les charts depuis les années 90. Une longévité dont ne peuvent se targuer aucun de ses homologues.
Si Cash Money Records connait actuellement quelques sérieuses tensions internes depuis le procès à 51 millions de dollars que lui intente Lil Wayne (et les départs probables de Drake et Quan), cela ne doit pas pour autant occulter son talent pour faire pleuvoir les billets verts.
Retour sur les 7 règles de son code du hustler qui lui ont permis de devenir « richer than the richest ».
1. ÊTRE IDENTIFIABLE
Dents en or, tatouages sur le visage, gimmicks (« blatt », « one hunnit », « we the business »…), gestuelle (son fameux « frottage de mains » immortalisé par d’innombrables GIF), si Birdman est loin d’être un bon rappeur (ou même un rappeur correct), mais que ce soit sur disque ou dans les clips il est immédiatement reconnaissable.
À l’image de ces grands patrons de multinationale que sont Richard Branson (Virgin) ou Bill Gates (Microsoft), c’est le genre de visibilité qui apporte de la valeur ajoutée à une marque et attire les nouveaux venus.
Idem pour le reste du staff, promouvoir matraquer le nom du label en interviews ou dans les lyrics, (voir à coup de tatouages plus ou moins douteux), semble être la priorité numéro un de leur cahier des charges.
En pourcentage, voilà de quoi parle son rap
2. VENDRE DU RÊVE
Chantre infatigable des joies du matérialisme, Birdman et son crew sont bien avant les années Sarkozy, les inventeurs du terme bling-bling.
Chaque clip est l’occasion de mettre en scène des voitures de luxe à profusion, de la joaillerie, des yachts et de faire voler les liasses comme s’il en pleuvait. Du célèbre Hummer limousine de 1999 au Lifestyle du Rich Gang, le message n’a pas bougé d’un iota.
Cette imagerie clinquante est devenue la marque de fabrique du label. Bien évidemment hors-plateau les choses se passent un peu différemment, à l’exception des gros poissons comme Jay Z ou 50 Cent, aucun rappeur ne peut pas assumer un tel train de vie bien longtemps.
3. NE JAMAIS PAYER PERSONNE
L’histoire de Cash Money se confond avec une suite ininterrompue de procès pour mauvais payements. Dernièrement, en plus de Lil Wayne, ce sont Jas Prince (le mec qui a découvert Drake) et Turk (un ancien membre des Hot Boyz) qui réclament des millions à leur ancien employeur.
Ce traitement ne se limite pas qu’aux rappeurs : fabricants de t-shirts, gardes du corps, producteurs, propriétaires des bureaux… Personne ne touche le moindre centime à moins de traîner le label en justice. Connaissant les mœurs du rap, on s’étonnerait presque que personne n’ait tenté de régler ses comptes avec les frères Williams à coup de revolver.
Quand Birdman déclare « adorer rendre millionnaires de jeunes n*gros », il y a de quoi se retenir d’éclater de rire.
4. JOUER LA CARTE DE LA FAMILLE
Un concept qui séduit les jeunes artistes lorsqu’ils entrent dans le monde de la musique. Beaucoup étant bien souvent issus de foyers brisés, ils sont ravis de trouver une structure qui leur offre un cadre de vie à peu près équilibré.
Ces jeunes talents se voient offrir des miettes en échange de la promesse d’une vie fastueuse qui les entraine dans une spirale de dépenses. Quand l’artiste réalise l’arnaque et fait appel à un avocat, la durée et les coûts de ces procédures judiciaires sont tels qu’il finit par accepter un compromis en sa défaveur.
Birdman lui pousse le bouchon jusqu’à adopter les poulains les plus prometteurs de son roster comme Lil Wayne ou avant lui BG – qui est allé jusqu’à accuser son boss/paternel de maintenir sa dépendance aux drogues dures pour mieux le garder sous sa coupe.
5. TOUT CONTRÔLER
Lorsque Cash Money signe un deal historique à 30 millions de dollars avec Universal en 1998, Birdman obtient la propriété de ses masters et de ses droits d’édition, chose rarissime. Cash Money a réussi à obtenir d’une major qu’elle s’en tienne à financer et distribuer ses disques ! Beaucoup considèrent ce deal comme « le meilleur de l’histoire de la musique noire ».
Cet état d’esprit se retrouve à tous les niveaux au sein du label : tournées, distribution, marques… tout est contrôlé directment par les frères Williams.
La filiale Young Money en est la parfaite illustration. Si officiellement Cash Money n’est que le distributeur du label dirigé par Lil Wayne et Mack Maine, en réalité ces derniers ne possèdent que 49% de parts et doivent faire contresigner toutes leurs décisions par leur patron.
6. APPRENDRE DES MEILLEURS
Fondamentalement Birdman n’a rien inventé niveau business. Arrivé dans le game après Suge Knight, Diddy ou Master P, il a su en revanche étudier leurs parcours respectifs et éviter de reproduire leurs erreurs.
Mieux il a transformé son ignorance en atout. Son frère Slim racontait qu’à leurs débuts, les exécutifs des maisons de disque avaient le plus grand mal à comprendre leur accent des quartiers de la Nouvelle-Orléans. Faisant fi de tout plafond de verre, Brian Williams a bousculé les codes de l’industrie sans jamais se soucier des habitus du milieu. C’est ainsi qu’il a pu obtenir d’Universal 80% du produit des ventes (contre 20 à 25% pour les gros vendeurs de l’époque comme Madonna).
Lorsque l’on connaît un peu la complexité du droit des contrats, on se doute bien qu’un mec qui fume de la kush toute la journée et qui ne fait jamais étalage de plus de 30 mots de vocabulaire en interview n’est pas directement en charge de cet aspect. Mais c’est là que réside la force des grands businessmen, avoir la modestie de reconnaitre leurs faiblesses et apprendre à s’entourer des personnes les plus compétentes.
7. SAVOIR CHANGER LA PEINTURE
L’homme oiseau a vite compris que le secret pour durer était de savoir se renouveler. En 25 ans de carrière, son entreprise a connu des hauts et des bas, mais à chaque fois il est parvenu à insuffler un vent de fraicheur pour relancer la machine.
Uniquement composé d’affiliés locaux au début des 90’s (U.N.L.V., Kilo G, Lil Slim…), dans sa deuxième mouture Cash Money changera tout du sol au plafond pour toucher le public mainstream une décennie plus tard (avec les Hot Boyz ou les Big Tymers). Suivra la fructueuse épopée YMCMB (qui remisera définitivement au placard les origines sudistes du label), puis actuellement le supergroupe Rich Gang, mené par les jeunes pousses Rich Homie Quan et Young Thug.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, que l’on écoute sa musique ou pas, que l’aventure CMB se prolonge ou pas, en permettant l’éclosion de différentes générations de talents, Birdman s’est octroyé une place au panthéon des plus grands entrepreneurs de la musqique, à l’image d’un Berry Gordy dans la soul ou d’un Tommy Mottola dans la pop – eux aussi n’étaient pas spécialement connus pour donner dans le sentimental. Blatt !!!