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La discographie de Drake passée au crible !

La discographie de Drake passée au crible !

Et son meilleur album est…

Si Drake est sans l’ombre d’un doute l’un des plus grands rappeurs de l’époque, cela fait déjà de longues années qu’il tient plus de la pop star. Phénomène culturel, son succès tient certes en grande partie à sa personne et à toute l’imagerie qui l’entoure, mais aussi et surtout à sa musique.

De Toronto à Houston en passant par Londres ou les Caraïbes, depuis bientôt une décennie sa discographie s’abreuve d’une multitude d’inspirations sans jamais diluer son identité, peu importe qu’il chante ou qu’il rappe.

Drake fait du Drake et ça lui va plutôt bien. Et ce ne sont pas ses performances commerciales qui viennent dire le contraire, lui dont les certifications platine ont de quoi tapisser du sol au plafond les murs de sa chambre d’ado.

Mais que valent artistiquement cette dizaine de projets qui brouillent toujours un peu plus la limite entre album, playlist, mixtape, EP et placement de produit pour Apple ?

Réponse à la fin de cet article aux faux airs de classement.

[Dossier mis à jour à chque nouvelle sortie.]

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So Far Gone (2009)

This is it ! Après deux mixtapes pour le moins dispensables (les brouillons Room for Improvement en 2006 et Comeback Season en 2007), le gentil Jimmy de la série Degrassi acquiert ici finalement ses galons de rappeur.

Long de presque 70 minutes dans sa version originelle, ce So Far Gone rentré depuis dans la légende propose en germe tout ce qui va faire d’Aubrey Graham la star qu’il est aujourd’hui, que ce soit dans les thèmes (rapport tortueux à la gent féminine, mise en abyme de sa propre célébrité, lyrics flirtant avec le cucul la praline…) ou l’ambiance sonore (mélodies sirupeuses, chant et productions de Noah ’40’ Shebib).

Si le décor est posé et si les singles sont à la hauteur de l’enjeu (les cartons Best I Ever Had et Successful), à la réécoute il manque tout de même un je-ne-sais-quoi à cette première pierre à l’édifice, et ce d’autant plus que le temps ne s’est pas montré des plus cléments – voire cette utilisation de l’autotune très années 00.

Le potentiel est là, mais pour le projet qui met tout le monde d’accord, il faudra repasser.

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Thank Me Later (2010)

Enregistré un peu à la va-vite de l’aveu même de sa hauteur, ce premier solo étiqueté YMCMB marketé comme un blockbuster à sa sortie souffre peu ou proue des mêmes reproches adressés à SFG : découpage un peu trop artificiel entre le chant et le rap, voix encore un peu trop canardeuse, influences de Kanye West et Lil Wayne beaucoup trop prégnantes pour prétendre s’en distinguer…

Plus ennuyeux, Drizzy se fait ici piquer la vedette par bon nombre de ses guests particulièrement en forme (Jay Z sur Light Up, Weezy sur Miss Me, Nicki Minaj sur Up All Night…) tandis qu’il s’enferme dans un narcissisme un peu lourdingue quatorze pistes durant avec plus de 400 répétitions du mot « je ».

[Drake ou le genre de mec qui t’invite à boire un verre pour te parler exclusivement de lui toute la soirée.]

Du coup, si au final ceThank Me Later n’est pas désagréable, la déception l’emporte.

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Take Care (2011)

Fini l’échauffement, voici Drake enfin à son meilleur.

Les plus sceptiques l’ont ici dans le baba du début à la fin : du Over My Dead Body d’entame, au Crew Love qui introduit The Weeknd au grand public, en passant par le grandiloquent Marvin’s Rooms, ou le très atmosphérique Doing It Wrong, l’exercice respire la virtuosité.

[Et dire que parmi les morceaux les plus chauds de la carrière du Canadien, comme Club Paradise, Dreams Money Can Buy, Trust Issues et I’m On One n’ont même pas été retenus dans la tracklist.]

Des hits et des hits donc, mais pas que, la cohésion sonore étant au rendez-vous grâce à cet équilibre si particulier trouvé entre euphorie et mélancolie.

Drake, le personnage de Drake, l’univers autour du personnage de Drake, tout se lie désormais sans effort.

Lancinant à souhait mais dénué de temps morts, ce très justement intitulé Take Care s’impose comme un magnum opus de sa génération tous genres confondus. Et tant pis pour ces gens sans âmes insensibles au rose bonbon et aux élans mélodramatiques.

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Nothing Was The Same (2013)

Difficile de succéder à un classique. Encore plus difficile de succéder à un classique avec un second classique. C’est pourtant le petit exploit auquel Drake et la maison October’s Very Own se sont livrés ici.

Complètement décomplexé, le Champagne Papi offre une heure de musique qui s’écoute le doigt appuyé sur replay à l’image de ce trio de singles qui chacun dans son style touche dans le mille : l’hymne à la rue (sic) Started From the Bottom, le crossover pop Hold On, We’re Going Home et le banger Worst Behavior.

À cette colonne vertébrale, viennent s’ajouter quantités de moments d’anthologie, là encore dans des styles différents (l’intimiste From Time, le feutré Pound Cake, le sucré Come Thru…), mais sans que jamais la direction artistique n’en souffre.

Résultat, cinq ans après sa sortie NWTS enthousiasme toujours autant. Si TC n’est pas votre album préféré de la discographie de Drake, personne ne vous en voudra de le classer numéro un.

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If You’re Reading This It’s Too Late (2015)

Sur le toit du monde, une nuit de février Drake lâche, à la surprise générale, une fausse mixtape sans véritable single radio où les parties chantées sont limitées au minimum syndical.

Loin de l’onctuosité qu’il y a peu faisait sa marque de fabrique, Aubrey Graham bascule dans la « braggadocio » la plus totale, tendance paranoïa et flow frénétique.

Sorte de tour de piste victorieux, IYRTITL se veut le genre de projet débarrassé de tout surmoi artistique et commercial, le genre de projet aux allures de kif personnel – des réappropriations d’Erykah Badu, Madonna ou Ginuwine, aux déclarations enflammées à sa ville de Toronto.

Et pourquoi pas ? Plus subtile qu’elle en a l’air, cette variation du mythe assoie encore un peu plus la domination du 6 God sur ses pairs.

Une nouvelle performance de haute volée donc, qu’importent la seconde partie un ton un peu en dessous et les rumeurs plus ou moins avérées de ghostwriting.

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What a Time to Be Alive (2015)

Alors que le reste monde attend encore et toujours ses Vues du Six annoncées déjà depuis quelques mois, Drake s’autorise une nouvelle fantaisie en joignant ses forces à Future.

Prétendument enregistré en six jours, le projet tient cependant plus de l’anecdote dans sa discographie tant l’ATL Monster cannibalise le temps d’antenne réduisant un peu malgré lui le Canadien au rang de featuring.

Pire, à quelques exceptions près (Jumpman, Diamonds Dancing…) l’alchimie entre les deux rappeurs ne se fait que trop rarement percevoir.

Si WATTBA n’est pas un mauvais disque (un grand merci à la production), cela ne le dispense pas de rejoindre la longue liste de ces collaborations entre superstars qui sur le papier promettaient mieux.

Preuve de cette demi-réussite, aujourd’hui encore le morceau le plus emblématique réunissant Drake et Future reste Where Ya At… présent sur le précédent Dirty Sprite 2.

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VIEWS (2016)

Après quasiment deux années de teasing, c’est peu de dire que ces VUES étaient attendues.

Si à en juger par le succès commercial sans précédent obtenu il serait un peu hâtif de parler d’échec, dès l’agitation passée force est de reconnaître un clair manque de peps et d’originalité.

Non seulement Drake se contente ici de recycler paresseusement ce qui a jusqu’ici fait son succès (à quelques pointes de dancehall près), mais lui-même ne semble curieusement pas vraiment y croire.

Alors que son génie repose sur sa capacité à jouer de son premier degré, il plane ici au ras des pâquerettes tant au niveau des thèmes que des lyrics (« Got so many CHAINS they call me CHAINing Tatum »… nan mais sérieusement renoi ?!).

Plus insipides que réellement mauvaises, ces VUES marquent la fin d’un cycle : désormais le 6 God ne marche plus sur l’eau.

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More Life (2017)

Passée cette grossière ficelle sémantique (et marketing) qui voudrait nous faire passer cette collection de titres laissés précédemment de côté pour « une playlist pour la vie », ML se laisse écouter non sans délectation.

Si Drake n’a pas retenu la leçon de VIEWS question durée (80 minutes de musique au total, dont un tiers largement dispensable), il n’en a pas moins tiré plusieurs enseignements notamment en s’aventurant un peu moins timidement sur les voies de l’expérimentation (bonjour house sud-africaine, UK grime et sample de Jennifer Lopez).

Beau joueur, Drizzy-le-curateur laisse ici à d’autres le soin de briller que ce soit en solo ou en feat (Skepta, Jorja Smith, Young Thug…), l’idée étant de célébrer la vie mais aussi et surtout la musique.

[Cœur gros comme ça à l’officieux More Love approuvé par OVO qui mash up More Life avec du Sade]

Respiration dans sa course à la grandeur, ce projet n’est certes pas indispensable en tant que tel, mais il est peut-être celui dont Aubrey Graham avait le plus besoin pour se relancer.

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Scorpion (2018)

Une manière plutôt simple de résumer ce cinquième album officiel serait de dire que Drake a de plus en plus de mal à cacher qu’il se contente de faire du Drake en moins bien, surtout lorsque la formule s’étire sur deux disques et 25 tracks.

90 minutes éreintantes pour celui qui serait tenté d’écouter cette playlist à streams de A à Z, mais aussi pour son auteur à en juger le nombre de fois où ce dernier répète être « tired », « sick of this shit », « jaded », « exhausted »

Il faut dire que ses habituels bravaches de façade et confessions de cœur brisé commencent sérieusement à lasser pour qui le suit depuis ses débuts, les quelques références à son fils caché rajoutées à la dernière minute ne changeant rien à l’affaire.

Bien sûr savoir-faire OVO oblige, Scorpion n’est pas non plus un désastre et il est toujours possible d’y picorer de çà et là des morceaux doux à l’oreille, mais là encore pour citer le Christ dans le texte (Cd 1 – Piste 12), c’est à se demander si « Is there more ? ».

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Certified Lover Boy (2021)

Une compilation de 21 morceaux sans âme.

Pour qui voudrait être cruel, voilà une excellente manière de définir CLB.

En pilotage automatique, notre « lover boy » et sa team délivrent un produit calibré jusqu’au moindre recoin, qui n’a d’autres ambitions que d’ajouter un nouveau chapitre au run commercial sans précédent initié par VIEWS en 2015.

Sauf que la formule manque à présent clairement de naturel.

Romance toxique avec une stripteaseuse (TSU), tentative de tube eighties (Race My Mind), attaque en règle contre la concurrence (No Friends in the Industry), clip destiné à affoler les réseaux sociaux (I’m Too Sexy)… les grosses ficelles sont de sortie.

Si par le plus grand des hasards vous n’avez jamais entendu de Drake de votre vie et que vous faites tourner l’album en fond pendant que vous faites autre chose, ça peut passer. En revanche, pour quiconque se montrant un brin exigeant, l’ennui guette à chaque fin de piste.

Aussitôt écouté, aussitôt oublié.

TODO MIGRATION : Lien vers un article interne ERREUR

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