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« Coloring Book » de Chance the Rapper, attention chef d’oeuvre ?

« Coloring Book » de Chance the Rapper, attention chef d’oeuvre ?

Sortie le 12 mai dernier, sa mixtape qui mélange dans la ferveur sonorités gospel et rap rallie depuis tous les suffrages. Chronique.

En 2016 pourquoi prendre le temps de revenir sur un projet « vieux » de plus d’un mois et qui plus est distribué gratuitement ?

À l’heure où le moindre lien devient obsolète passé quelques heures et où ne compte aux yeux du public et des médias que l’actualité à venir, Coloring Book réussit pourtant à faire brillamment exception à cette règle.

Il faut dire que Chancelor Bennett alias Chance the Rapper a su mettre les petits plats dans les grands pour donner suite à son très remarqué Acid Rap sorti il y a trois ans (du temps des dinosaures quoi).

« Kanye’s best prodigy/ He ain’t signed me but he proud of me »

Loin d’être un homme pressé, si l’on en croit le fil Twitter de Kanye West, il était déjà celui à blâmer pour la sortie mainte fois retardée de The Life of Pablo.

Sage a été la décision de Mr West de prendre son mal en patience : la contribution de son protégé (featuring, écriture, tracklisting…) est certainement l’une des meilleures choses qui soit arrivée à son album – il suffit de réécouter Ultralight Beam pour s’en convaincre.

Largement indissociable de son concitoyen chicagoan* à qui il voue une authentique admiration (son premier disque acheté avec son argent de poche fut The College Dropout en 2004), Chance the Rapper triomphe là où son mentor a partiellement échoué.

* CB s’ouvre sur une intro de West et se clôt sur un morceau qui lui dédie une rime.

Si La Vie de Pablo s’ambitionnait comme un « album gospel rempli de jurons », le cahier des charges n’était néanmoins rempli que par intermittence, là où ce Livre de Coloriage impose sa cohérence et son homogénéité de bout en bout – le tout épuré des bravaches prêchiprêcha très (trop) premier degré de Yeezy.

Gorgé d’énergie soul et de fulgurances vintage, l’album puise allégrement dans un patrimoine musical encore largement sous-exploité dans le rap (la spiritualité musicale des églises afro-américaines), sans jamais sonner désuet ou tomber dans les pièges du référencement à outrance.

Grandiloquent sans être emphatique, appliqué sans être scolaire, exalté sans être dispersé, Coloring Book propose toute une palette de tons et d’émotions (rappelant dans un genre différent le To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar, mais en moins éreintant) ayant de quoi élever les plus athées des esprits.

Le visuel réalisé par Brandon Breaux, un peintre originaire de Chicago.

« I don’t make songs for free, I make ’em for freedom »

Jamais lourdingue, le flow de Chance the Rapper, s’il n’est pas le plus technique qui soit, est assez charismatique et enjoué pour se plier à toutes les ambiances de cette kermesse jazzy-hippy-pop et son patchwork de guitares, pianos et cordes.

Mieux, il tient la dragée haute à tous les Young Thug, Lil Wayne et autres Jay Elecronica invités à communier pour l’occasion. Un pari loin d’être évident tant la liste des guests est sans fin.

Chance reste toutefois le patron en s’assurant que chaque nom aussi prestigieux soit-il s’incorpore harmonieusement à l’ensemble – évitant l’écueil Kanye & friends de Pablo.

Question chant (car oui on chante et on danse beaucoup sur Coloring Book), Bennett s’en donne à cœur joie et surclasse sans forcer la concurrence des emcees-crooners (Drake inclu) avec un filet de voix qui laisse songeur quant aux possibilités qu’offre la suite de sa carrière – T-Pain, Justin Bieber et Jeremih peuvent en témoigner.

Au final cette mixtape qui n’en a que le nom revêt tous les faux-airs (et la mélodie) du projet de l’année – tout juste peut-on regretter un mix parfois quelque peu négligé.

Alors pour ne pas répondre à la question posée dans le titre, Coloring Book illustre ce qui se fait de mieux dans le rap millésimé 2016 et risque fort de s’imposer comme le mètre étalon d’un genre à venir.

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