Avec la série « Ce jour où… », Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap (et du r&b). Aujourd’hui place à ce jour où le roi et la princesse du r&b ont convolé en noces alors qu’ils étaient respectivement âgés de 27 et 15 ans…
Dans l’histoire du r&b, rares sont les artistes aussi controversés que Robert Sylvester Kelly alias R. Kelly. Quand bien même le genre ne manque pourtant pas de têtes d’affiche qui ont franchi la ligne rouge (ne serait-ce que dans la famille Brown, demandez les états de service en matière de violences conjugales de James, Bobby ou Chris), la chanteur originaire de Chicago est peut-être celui dont les frasques choquent le plus le grand public.
Obsédé revendiqué, « génie du sexe » autoproclamé (quand il ne se surnomme pas de son plein gré le « sexasaurus »…), R. Kelly roucoule son amour immodéré de la gent feminine depuis une quinzaine d’albums solo. Problème : depuis bientôt deux décennies son nom est très régulièrement associé dans la presse à des affaires de mœurs où sont impliquées des adolescentes.
Parmi les scandales qui ont fait le plus de bruit, on peut se souvenir de celui remontant à 1996 où il fut accusé devant les tribunaux d’avoir organisé des partouzes en compagnie de mineures, de la sextape de 2002 où il est filmé en train d’uriner dans la bouche d’une fille supposément âgée de quatorze ans, ou encore de l’enquête publiée l’année dernière par Buzzfeed qui le dépeint comme un gourou à la tête d’un harem entièrement voué à son culte (et son bon plaisir).
S’il n’a jamais été condamné officiellement par la justice américaine et s’il ne vient à personne de contester son talent musical sans pareil à ses grandes heures, le simple fait de frayer avec l’un des tabous majeurs de l’époque suffit à entacher à jamais sa réputation.
Et ce d’autant plus que dès le départ, l’ami Robert n’est pas vraiment homme à qui l’on peut accorder le bénéfice du doute, lui qui en 1995 s’est marié à 27 ans avec la chanteuse Aaliyah… âgée elle de 15 ans au moment des faits.
Une histoire de pygmalion et de muse
Tout juste sorti de l’enregistrement de son premier album 12 Play en 1993 (titre qui pour info joue sur l’anglais « foreplay » en promettant trois plus de préliminaires), R. Kelly se voit présenté Aaliyah par son manager Barry Hankerson. Ponte de l’industrie musicale (il gère en parallèle les carrières de Gladys Knight et de Toni Braxton), il est également l’oncle de la jeune chanteuse en devenir.
S’accordant très vite avec Hankerson sur le potentiel de sa nièce, Kell’s commence dans la foulée à écrire et produire son premier album qui sort le 24 mai 1994 suivant. Intitulé non sans ironie, mais non sans grande subtilité non plus, Age Ain’t Nothing but A Number (« L’âge n’est qu’un nombre »), ce projet très marqué r&b nineties rencontre à sa sortie un joli succès commercial notamment grâce au hit éponyme et au single Back & Forth.
La collaboration entre les deux artistes ne s’arrête cependant pas aux portes du studio, Kelly et Aaliyah faisant alors cause commune lors de la campagne de promotion où ils n’hésitent pas à afficher leur complicité… tout en niant catégoriquement le moindre début de relation romantique entre eux malgré des rumeurs de plus en plus insistantes – cf. l’interview ci-dessous et ses « Nous ne sommes pas du tout ensemble », « Travailler en duo n’a jamais été aussi fun » et autre « Rob’ est mon meilleur ami ».
Un mariage célébré en catimini
Si l’histoire ne dit pas quand leur histoire a débuté, toujours est-il qu’ils finissent par se passer la bague au doigt le 31 juillet de la même année dans le plus grand des secrets à Chicago.
Outre le fait de ne pas décevoir leurs publics respectifs (chanteurs de charme et nymphettes se doivent de toujours leur faire croire que « c’est possible ») et de ne pas choquer les bonnes gens, cette discrétion s’explique aussi et surtout par l’illégalité de l’union. Non seulement Aaliyah a menti sur son âge sur le certificat de mariage en prétendant avoir 18 ans, mais elle n’en a également pas pipé mot à sa famille.
Une fois le pot aux roses découvert, ses parents et son oncle vont l’avoir très mauvaise, et même plus puisqu’ils vont tout faire pour la pousser à revenir sur sa décision. C’est ainsi qu’au mois d’octobre de l’année suivante la jeune fille qui entretemps s’est séparé de son mentor demande l’annulation de l’acte.
En présence des avocats des deux parties, les intéressés conviennent de la jouer comme s’il ne s’était jamais rien passé. L’accord signé ce jour-là inclue ainsi qu’aucun d’eux n’abordera le sujet en public et qu’Aaliyah accepte de ne jamais poursuivre le chanteur pour « troubles émotionnels » ou « blessures physiques ou psychologiques ». Selon la famille de la chanteuse, il s’agit là de la dernière fois qu’elle et Kelly se sont vus.
En 1997, Aaliyah fera une demande pour expurger le faux certificat de mariage des archives du tribunal du comté de Cook County.
Circulez y’a rien à voir
Les faits énoncés de la sorte n’ont cependant été connus qu’au fil du temps après diverses enquêtes journalistiques.
Les très rares fois où Aaliyah s’est laissée interroger sur le sujet (elle interdira très vite la moindre question sur cette affaire ainsi que la simple mention du nom de R.Kelly), elle a répondu « ne pas commenter ce qui n’est pas vrai ».
« Quand les gens me demandent, je leur dis que ‘Mais ne croyez pas tout ce truc, nous étions proches c’est tout’. »
Même son de cloche du côté du Pied Pipper qui a toujours démenti la moindre relation intime, jusqu’à lui aussi faire abstraction du nom de la chanteuse dans son autobiographie Soulacoaster: The Diary of Me sortie en 2012 – avec pour toute explication un sibyllin « Pour des raisons compliquées, certains épisodes n’ont pas pu être inclus dans l’histoire de ma vie » dans les notes de fin d’ouvrage.
[Et tant pis si l’année d’avant un livre écrit par Demetrius Smith Sr. un ancien membre de son entourage a tenté de faire croire qu’Aaliyah était enceinte de son ancien patron.]
Interrogé par GQ dans un article fleuve publié en 2016, R. Kelly ne niera cependant cette fois pas les fait mais refusera de les commenter « en raison de sa disparition, mais aussi par respect pour sa mère qui est malade et son père qui est entretemps décédé ».
« Tout ce que je peux vous dire c’est que je l’aimais, et qu’elle m’aimait, nous étions très proches. Nous étions comme des meilleurs-meilleurs-meilleurs-meilleurs amis. »
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