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Ce jour où… Dr. Dre a misé sur le mauvais rappeur

Ce jour où… Dr. Dre a misé sur le mauvais rappeur

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où le bon docteur Young s’est planté dans les grandes largeurs…

Aujourd’hui confortablement installé dans son fauteuil de légende du rap, Dr. Dre doit tout autant sa très flatteuse réputation à son génie de producteur qu’à son flair sans pareil de découvreur de talents.

De Snoop Dogg à Eminem en passant par 50 Cent, The Game ou encore Kendrick Lamar, il est en effet celui qui depuis près de trois décennies a mis le pied à l’étrier à la fine fleur du rap US, tous ayant forgé leur identité musicale à ses côtés en studio avant d’exploser dans les charts grâce à des singles ravageurs livrés clef en main.

Si de tels états de service sont sans équivalent dans le monde la musique, n’allez cependant pas croire que tout ce Dre touche se transforme systématiquement en or, le bonhomme ayant comme tout artiste qui se respecte connu lui aussi son lot d’échecs.

Paradoxalement son fail peut être le plus retentissant est intimement lié à son plus grand succès : le flop de son protégé Hittman sur le classique 2001 sorti en 1999.

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« 2001 », l’opus sur lequel tout le monde brille… ou presque

Ce n’est un secret pour personne, les albums solos de Dr. Dre n’ont de solos que le nom. En réalité, tel un chef d’orchestre, le Californien assemble autour de lui un équipage quatre étoiles au micro et derrière les consoles, avant de mettre ensuite le tout en musique.

Si comme avec The Chronic sept ans plus tôt, Dre fait ici appel à sa garde rapproché (The D.O.C., Snoop, Kurupt, Nate Dogg…), il convie également des « petits nouveaux » du calibre d’Xzibit, d’Eminem ou de Scott Storch.

Parmi ces derniers figure un illustre inconnu signé l’année précédente à peine sur Aftermath suite à une audition : Brian ‘Hittman’ Bailey.

Promu à la surprise générale bras droit du Doc’, il participe à l’élaboration de près de la moitié des pistes proposées, soit en tant que rappeur (Xxplosive, Big Ego’s, Bitch Niggaz…), soit en tant qu’auteur (il a notamment en partie écrit les textes des bangers Fuck You et The Next Episode).

Cerises sur le gâteau, il se voit même accorder par son mentor un titre rien qu’à lui, Ackrite, tandis qu’à la fin du clip Forgot About Dre, il a droit à ce que tourne une minute durant Last Dayz, le premier extrait de son album à venir.

« 2001 », le cadeau empoisonné ?

Niveau promo difficile de faire mieux donc, et d’autant plus que 2001 cartonne dans les grandes largeurs avec plus de dix millions d’exemplaires vendus, redéfinissant au passage les codes du rap tout en établissant un son qui va faire office de nouvelle norme pour les dix ans à venir.

Reste que contrairement à Snoop qui sur The Chronic brillaient de mille feux jusqu’à faire de son Doggystyle le projet le plus attendu de l’année 1993, personne ou presque ne semble avoir remarqué ici la présence d’Hittman.

Outre un manque de charisme évident et un flow somme toute des plus anodins (vingt ans après s’en est toujours à se demander ce que Dre a bien pu lui trouver), il souffre à chaque apparition de se faire voler la vedette par un invité au meilleur de sa forme.

Simple bouche trou, il est celui qui permet aux autres de briller. Dur.

Résultat, à l’avenir brillant qui lui était promis quelques mois auparavant, il doit se résigner à voir son solo initialement prévu pour sortir dans la foulée repoussé aux calendes grecques, avant de quitter le label en catimini deux ans plus tard (oui en 2001).

Existe-t-il une vie après Dr. Dre ?

À en juger par la minceur de sa discographie, la réponse est clairement non, Hittman n’ayant sorti depuis en tout et tout qu’un seul petit LP, Hittmanic Verses en 2005.

Arrivé trop tard, le projet passe complétement inaperçu aussi bien auprès du public que de la critique et ce malgré la présence de cinq prod ou co-prod de Dre et son compère Mel-Man, plus une de Scott Storch datant de la fin du siècle dernier.

[Avis aux collectionneurs, la compilation officieuse The Aftermath Collection regroupe bon nombre des chutes de studio de l’époque.]

Hittman justifiera quelques années plus tard son retour à l’anonymat par l’inconsistance de Dre quant à ses nouveaux artistes.

« Lorsqu’il se concentre sur son album, toute votre énergie se concentre également sur son album. Dès qu’il perd son enthousiasme à votre égard, tout s’estompe. Je pense que c’est ce qui est arrivé à tous les artistes passé sur Aftermath. Ça et le fait que vous vous habituez à voir vos projets repoussés. »

À ces lendemains qui déchantent, s’ajoutent aussi le fait de devoir se débrouiller ensuite seul avec de moyens limités.

« Vous pouvez vous pointer dans tous les clubs du monde et clamer haut et fort que vous traînez avec Dre, c’est comme une Black Card. Une fois livré à vous-même, ce n’est plus la même chose, vous vous demandez quel chemin prendre. Dre dispose d’un budget presqu’illimité sur ses projets, pas toi. Toutes les commodités dont vous bénéficiez il y a encore peu et auxquelles vous vous êtes habitué disparaissent. D’un coup d’un seul vous voici projeté en dehors de votre zone de confort. »

« Je me suis senti à la fois blessé et sans défense, sans compter que tout l’aspect politique de l’industrie n’est pas allé sans entraver ma créativité. J’ai fini par complètement perdre mon amour pour la musique. »

Hittman reviendra cependant au rap en 2008 avec l’EP Big Hitt Rising avant de refaire très brièvement l’actu en 2013 lorsqu’invité sur le morceau The Humble Hustle d’Asoka, il rime un couplet durant sur ses glorieuses années, admettant sans fard s’être à l’époque vu un peu trop vite en haut de l’affiche et avoir bien galéré par la suite.

Aftermath, un cimetière pour rappeurs ?

À sa décharge, l’ancien espoir n’aura été au final qu’un nom parmi tant d’autres à voir sa carrière se terminer en queue de poisson après avoir cru un temps avoir décroché le pompon en rejoignant le producteur.

Des rookies Bishop Lamont, Slim The Mobster et Six-Two, aux vétérans Rakim, Eve et Busta Rhymes en passant par tous les randoms de la compil de triste mémoire Dr. Dre Presents the Aftermath (Kim Summerson, Stu-B-Doo, Jheryl Lockhart quelqu’un ?), Andre Young est donc loin d’avoir à avoir fait mouche à tous les coups.

Tant pis pour eux.

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