Alors que son deuxième album At.Long.Last.A$AP est sorti il y a quelques jours, Flacko jouait gros tant sur le plan commercial qu’artistique.
Quitte ou double
Pour un artiste le cap du second album est toujours un moment crucial. Dans une époque qui privilégie le buzz à tout va et où les carrières sont de plus en plus courtes, nombreux sont ceux qui échouent à se maintenir sous le feu des projecteurs.
Une échéance qui ne semble pourtant pas impressionner outre mesure A$AP Rocky. Bien au contraire, Flacko déclarant même au passage « être plus important que n’importe quel autre rappeur, y compris ceux décédés avant [lui] » – oui la liste comprend 2Pac et Biggie…
Certes depuis son apparition de sur la scène new-yorkaise au début des années 10, le « Pretty Motherfucker » n’a guère déçu, réussissant même à se distinguer de la masse de ses congénères par son attitude « jiggy » et ses choix artistiques (sa passion pour les designers de luxe, la remise au goût du jour du son chopped & screwed, ses conquêtes à la chaîne…).
Reste que lorsque l’on décide d’appeler son album A.L.L.A. on place la barre un peu haut…
Surtout qu’à première vue, le projet n’augure rien de fameux, reprenant tous les poncifs d’une sortie décevante : trop de titres (18), des featurings dans tous les sens (plus d’une quinzaine de noms), trop de producteurs (la liste complète des producteurs exécutifs inclue Danger Mouse, A$AP Yams, A$AP Rocky, Hector Delgado, Juicy J, Chance Johnson, Bryan Leach et AWGE !), le tout sans oublier l’absence de l’éminence grise de l’A$AP Mobb, le regretté A$AP Yams.
Aux anciens fans et aux nouveaux
Du point de vue des ventes, le succès est au rendez-vous. Avec 146 000 copies écoulées en première semaine, Flacko s’arroge sa deuxième place de numéro 1 consécutive, améliorant au passage le score de son précédent essai Long.Live.A$AP sorti en 2013 (139 000 unités).
Une performance d’autant plus remarquable que Rocky ne s’est pas contenté de reproduire une formule gagnante. Ceux qui s’attendaient à une suite de hits à la Fuckin’ Problems ou à la Goldie en auront pour leurs frais. D’autant plus que le rappeur s’est montré très dur avec son premier solo lors de la campagne de promotion, n’hésitant pas à le déprécier publiquement.
Exit Skrillex et ses errements EDM donc, place au rap psychédélique (et aux narcotiques du même nom). Si le syzzurp a beaucoup influencé sa première partie de carrière (tempo lent, flow houstonien codéïné…) le décès de son ami et mentor Yams a semble-t-il provoqué chez lui le besoin d’explorer de nouveaux horizons – et accessoirement de changer de fournisseur.
Le son sudiste n’a donc pas complètement disparu, mais Rocky s’est laissé aller à de nouvelles influences confirmant ainsi cette tendance qu’il a lui-même en grande partie initié : un artiste Hip Hop n’est pas limité à reproduire le son de sa ville.
At.Long.Last.A$AP présente ainsi son lots de sonorité inédites, aux confins de genres musicaux jusqu’ici peu exploités : un sample de country, une reprise de Rod Stewart, des relents aériens de Portishead ou de rock sixties…
Sa collaboration avec le talentueux Danger Mouse (responsable du Grey Album de Jay Z, mais aussi producteur de Gorillaz ou des Red Hot Chili Peppers) joue certainement là pour beaucoup.
La cover alternative d’A.L.L.A.
« ASAP, bitch! »
Nul ne peut nier l’ambition du projet. Un peu comme un Kendrick Lamar et son To Pimp A Butterfly un peu plus tôt cette année, on ne peut qu’être ravi de voir un rappeur mainstream choisir de sortir des sentiers battus au risque de ne pas offrir un produit totalement accessible dès sa première écoute.
Un effort d’ailleurs largement salué par la grande majorité de la critique.
A$AP Rocky semble avoir conquis une nouvelle dimension. Son charisme et sa présence derrière le micro lui permet de survoler les débats et d’éviter de se faire « murder on his own shit » par ses nombreux invités (M.I.A., Kanye West, Future, Mos Def alias Yasiin Bey, UGK…).
À ce titre, mentions spéciales au couplet de Lil Wayne sur M’s et à Joe Fox, un guitariste découvert par Flacko dans les rues de Londres, qui apparait sur presque un tiers de l’album.
Bien sûr au final tout n’est pas parfait : les longueurs et répétitions ne sont pas absentes, certains titres sont assez dispensables (Max B, JD…), mais ce vent d’originalité est plus que bienvenu. Si l’on ne sait pas encore si Flacko poursuivra dans cette voie là ou s’il donnera de nouveau un coup de barre à 180° pour son prochain projet, une chose est acquise : Rakim Meyers est désormais solidement installé au club des poids lourds du rap US.