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« Dangerous » : le dernier grand album de Michael Jackson

Dangerous : le dernier grand album de Michael Jackson

Ce peut-être un peu difficile à imaginer aujourd’hui, mais au début des années 90, Michael Jackson a très certainement été la plus grande star que la terre ait jamais porté.

Loin devant tous les Elvis, James Brown, Prince, Madonna, Drake, Adele et autre Taylor Swift, loin devant même n’importe quel sportif, acteur ou président, chacun de ses faits et gestes déclenchait une vague d’hystérie d’une magnitude folle (opérations de chirurgie esthétique, achat des os d’Elephant Man, photo de lui en train de dormir dans un caisson à oxygène…).

Il faut dire qu’à cette époque Michael Jackson c’était beaucoup plus que de la musique. C’était de l’image, c’était du show, c’était du divertissement comme personne n’en avait jamais vu auparavant. Michael Jackson c’était l’Amérique de Pepsi, celle qui grâce à son soft power faisait tomber les murs et repoussait toujours plus loin les frontières de son capitalisme triomphant.

Évidemment un tel statut ne va pas sans contraintes, d’autant plus lorsque l’on est l’auteur de l’album le plus vendu de l’histoire de la musique, Thriller.

À l’orée de son huitième album, désormais trentenaire, MJ est ainsi très conscient qu’il ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Désireux de ne pas manquer le train de la nouvelle génération, il décide donc de changer son fusil d’épaule.

Plutôt que d’enregistrer quelques inédits pour accompagner la sortie d’un best-of comme le presse sa maison de disques Sony, il se sépare de son mentor Quincy Jones, pour s’adjoindre les services d’un jeune producteur qui monte, Teddy Riley.

À la manœuvre derrière les artistes les plus hype du moment (Keith Sweat, Bobby Brown, Guy…), Riley peut se targuer d’avoir à lui seul créer un nouveau genre musical : la new jack swing – une sorte de rnb modernisé au croisement du hip hop et de la soul.

Accompagné en sus des fidèles Bill Bottrell (parolier et compositeur) et Bruce Swedien (son ingénieur du son), Michael s’enferme alors en studio pendant 18 mois.

60 chansons et 10 millions de dollars dépensés (!) plus tard, il dévoile le 26 novembre 1991 Dangerous.

Retour dans le détail sur ce disque pas comme les autres.

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1. Jam

Un bruit de verre brisé et l’album qui démarre sans prévenir sur les chapeaux de roue avec un premier titre à la rythmique implacable.

Du Teddy Riley pur jus qui annonce on ne peut plus clairement l’orientation musicale nouvelle.

Difficile de faire plus pêchu comme entrée en matière.

R.E.P Heavy D.

2. Why You Wanna Trip on Me

Le traditionnel morceau « Ouin-ouin, les médias sont méchants avec moi et feraient mieux de s’occuper des vrais problèmes ».

Si de prime abord le thème peut rebuter (parce que MJ mettait consciemment ses excentricités en scène, parce que vous savez quoi ensuite), il n’en est pas moins plus que jamais d’actualité dans un monde qui vit le nez collé sur tout ce qui clique.

Question musique, l’exécution est en revanche impeccable, avec là encore comme objectif de faire bouger chaque partie du corps.

3. In the Closet

Probablement la chanson la plus érotique de tout le catalogue de MJ.

Six minutes durant, il conte une relation destinée à rester secrète avec une femme, le tout ponctués de râles très explicites, ainsi que de « dare me » et autres « hee-hee » tout aussi provocateurs.

Alors certes, ce n’est pas non plus du Madonna de la même époque (invitée au micro, cette dernière avait d’ailleurs refusé au motif qu’elle trouvait le concept un peu trop « gentillet »), mais un peu comme les Neptunes l’ont fait avec Justin Timberlake dix ans plus tard, Teddy Riley a su sexualiser Jackson juste ce qu’il faut.

Le clip avec Naomi Campbell en rajoute une couche.

4. She Drives Me Wild

Une piste dans la droite lignée de ce qui a été proposé précédemment, avec cette fois un Michael dont les vocaux sont à la limite de l’agressivité, plus un rappeur qui le seconde, Aquil Davidson, un membre des Wreckx-N-Effect (un groupe produit par Riley NDLR).

Bien que très agréable, un léger ton en dessous.

5. Remember the Time

Sorte de mise à jour new jack swing de Rock With You (un titre très influencé disco sur lequel MJ quasi chuchote), Remember The Time vaut tout autant pour sa mélodie imparable que pour son clip.

Rentré depuis dans la légende, il voyait parmi les plus grosses célébrités afro-américaines du moment (Eddie Murphy, la mannequin Iman, le basketteur Magic Johnson, les Pharcyde…) rejouer l’Égypte des pharaons.

Aussi fou qu’inédit pour l’époque.

6. Can’t Let Her Get Away

Chanson jumelle de She Drives Me Wild, malgré son funk à toute épreuve, elle peine à justifier réellement sa place sur la tracklist.

C’est un peu le problème sur les disques de cette envergure : les bons-titres-mais-sans-plus pâtissent fatalement de la comparaison avec les autres.

Après six morceaux de rang produits par Teddy Riley, Can’t Let Get Her Away marque la fin de la première partie de Dangerous qui s’apprête à revêtir une tonalité plus pop.

7. Heal the World

Dans le genre bonne grosse ballade mâtinée de bon gros sentiments, voilà ce qui se fait de mieux de plus caricatural (message écolo-neuneu, enfants au chœur, paroles que l’on croirait copiées/collées à un tract de l’Unicef…).

Et pourtant, malgré ses gros défauts, difficile de détester complètement Heal The World et son déluge de candeur.

8. Black or White

Le 14 novembre 1991, le clip de Black or White était diffusé simultanément dans 27 pays différents. 500 millions de spectateurs disséminés aux quatre coins du globe découvraient alors ébahis MJ dénoncer haut et fort le racisme, danser avec les peuples du monde, se remonter les parties en pleine rue, puis se transformer en panthère noire.

Un moment inoubliable pour ceux qui l’ont vécu, d’autant plus qu’artistiquement Black or White accomplissait la synthèse entre le côté brut d’un Beat It et le côté Disney d’un Man In The Mirror.

Le parfait hymne mondialisé.

9. Who Is It

Une histoire de trahison amoureuse particulièrement sombre sublimée par les airs de flûte qui accompagnent l’instrumentale beatboxée par Michael.

Interprété tout en retenue, ce cinquième single donne à Dangerous une coloration beaucoup plus adulte.

Millésimé classique.

10. Give In to Me

Après être apparu brièvement sur Black or White, Slash vient ici honorer comme il se doit le traditionnel solo de guitare sur un album de Michael Jackson (Eddie Van Halen sur Thriller, Steve Stevens sur Bad…).

Pour les plus jeunes, Slash en 1991 c’était l’une des plus grandes vedettes de la musique mondiale : gratteur en chef des Guns N’Roses, il a composé parmi les riffs les plus iconiques du rock (Sweet Child O’Mine), des power ballads en veux-tu en voilà (November Rain), a donné des concerts plein à craquer dans les plus grands stades de la planète, tout ça chapeau haut de forme sur la tête et bouteille de Jack Daniel’s à la main.

Et pour ne rien gâcher, en osmose avec son hôte, il livre ici une prestation quatre étoiles.

Encore un temps fort.

11. Will You Be There

Direction l’église avec ces presque huit minutes qui convoquent l’artillerie lourde pour élever les esprits – orchestre, chorale et extrait de la Neuvième Symphonie de Beethoven.

La grandiloquence est donc de mise, mais la passion insufflée par MJ est telle que lorsque ce dernier conclut les débats en récitant un poème, difficile de ne pas sentir que quelqu’un est vraiment là pour soi.

12. Keep the Faith

Gospel toujours, un morceau qui incite à aller de l’avant, à croire en soi, à poursuivre ses rêves, à être gentil avec son prochain

Savoir-faire maison oblige, c’est efficace, même si en comparaison beaucoup moins prenant car franchement téléphoné.

13. Gone Too Soon

Une chanson écrite pour rendre hommage à Ryan White, un adolescent proche de Michael décédé du Sida.

Les bonnes intentions ne se traduisant malheureusement pas automatiquement en bonne musique, Gone Too Soon décroche haut la main la palme de la chanson la plus lourdingue du disque.

Oui, Dangerous aurait été bien meilleur sans ballades.

14. Dangerous

Retour aux affaires de Teddy Riley avec une piste qui à la manière de Billie Jean ou Dirty Diana dresse le portrait d’une séductrice impénitente

Beat contagieux, ce qu’il faut de tension sexuelle, interprétation au diapason, pas de danse virtuoses en live… de la même manière que Jam a brillamment ouvert les débats, Dangerous clôt brillamment l’exercice.

Verdict : la dernière fois que Michael Jackson a été Michael Jackson

Ce qui surprend peut-être le plus en réécoutant Dangerous trente ans après les faits, c’est à quel point les 77 minutes de musique proposées mélangent les contrastes.

À la croisée des chemins entre la formule mise au point par Jackson durant toutes les années 80 et cette black music nouvelle qui ne s’est pas encore imposée comme un standard, à la fois très personnel et pensé pour plaire au plus grand nombre, conformiste et audacieux, démonstration de force et de finesse, l’album réussit pourtant à tenir en équilibre sur la durée.

Certes, tout n’est pas toujours parfait, mais les hauts sont tellement hauts qu’ils font largement oublier le reste.

Et puis bon, Dangerous c’est quand même la toute dernière fois que MJ a marché sur l’eau, lui qui quelques mois plus tard entamera sa descente aux enfers quand sera déposée une première plainte contre lui pour abus sexuel sur mineur.

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