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Take A Mic : « Je suis plus qu’un simple kickeur » [INTERVIEW]

Take A Mic : « Je suis plus qu’un simple kickeur » [INTERVIEW]

Rencontre avec le rappeur à l’occasion de la sortie de son EP « Inaccessible ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Trop souvent qualifié de kickeur par la presse et les suiveurs du game hexagonal, Take A Mic a nettement plus à revendre que des rimes saignantes et cinglantes. Tiré à quatre épingles, il n’en oublie pas de partager une partie de ses moments de vie dans un Inaccessible qui résonne comme un projet charnière de sa carrière. Productif, alerte, et toujours résolument tourné vers l’avenir, il livre avec cet EP un condensé de ses capacités. En interview, il revient sur les dernières étapes marquantes de son parcours, avant de nous promettre du lourd. Mais certifié sur-mesure, évidemment.

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Ce projet, c’est vraiment toi. Tu dis notamment « je me livre peu, mais je le fais mieux ».

Tous mes projets me ressemblent, c’est juste que sur Avant-gardistes, j’avais essayé de bosser d’une autre manière, en m’essayant à d’autres styles musicaux. C’était un projet un peu plus ouvert, j’avais envie de le faire pleinement. Pour ce qui est de me livrer, il y a toujours un morceau qui va dans ce sens. Là, je suis allé un peu plus au fond des choses, j’ai présenté la facette de Take que les gens ne connaissent pas forcément. Inaccessible a été enregistré dans des circonstances particulières. J’avais besoin de dire certaines choses et de faire de la musique sans qu’on me donne de direction, de conseils à suivre ou qu’on rentre dans ma tête… Et encore, là, ça reste restreint. On pourra encore mieux me connaître sur un prochain projet.

T’as le sentiment que tu peux encore casser plusieurs barrières ?

Oui, clairement. Là, les circonstances ont fait que j’ai dû me brider. Mais le prochain promet d’être corsé…

J’avais besoin de dire certaines choses et de faire de la musique sans qu’on me donne de direction

« Hors de ma vue » est un titre dans lequel tu donnes énormément de ta personne.

Le premier couplet parle de l’amitié, le deuxième couplet d’une relation amoureuse, et le troisième parle de l’amitié, de l’amour et du business. Ce sont des choses qui, en 2018, ont pu me causer beaucoup de problèmes. Dans le projet en général, c’est ce qu’on retrouve. En bref, c’est mon fil conducteur. Je l’explique dans Hors de ma vue, en vérité, je suis quelqu’un d’abordable, qui va vers les gens, qui n’est pas fermé… Mais cela ne m’a pas forcément apporté des bonnes choses. Cela concerne tout un tas de personnes que je n’ai pas envie de retrouver dans ma vie.

Ce genre de storytelling personnel, Drake en a fait sa marque de fabrique. C’est peut-être ce qui touche le plus les auditeurs.

Oui, car nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu certaines choses. Il y a des choses qui touchent tout le monde. J’ai toujours dit que je faisais de la musique pour raconter ce qui se passait autour de moi ou dans mon parcours musical… C’est valable pour pas mal de monde et dans bien d’autres domaines, que ce soit le sport, la mode ou ce que tu veux. J’utilise mon cas de figure dans mes morceaux, mais ce que je rencontre, tout le monde le croise aussi. Dans notre business, chacun fait son propre réseau et ne donne pas ses tips. Du coup, j’en parle pour que le jeune qui rêve de percer ne soit pas surpris. Si demain, ça ne marche pas pour moi, ce n’est pas grave, j’aurais essayé de donner le max à ma fanbase. Jusqu’ici, dans le rap, j’ai appris sur le tas, personne ne m’a dit quels pièges éviter. Cela ne me dérange pas d’en parler.

Autre élément important du projet, l’envie que tu as de réussir.

A la base, je fais de la musique pour me motiver, donc pour motiver également ceux qui m’écoutent. J’ai commencé jeune, à l’âge de 14 ans. J’ai traîné avec des gens qui tous les trois mois changeaient d’objectif. Un jour, ils voulaient être photographes, puis ensuite beatmakers, rappeurs, designers… Au final, ils ne sont rien devenus. Aujourd’hui, même si j’estime que je n’ai pas explosé et que je ne suis pas le plus exposé, j’ai ma fanbase. Malgré les bas, je n’ai jamais lâché, c’est la mentalité que je veux partager. Que ce soit dans les études, le sport… Tout est compliqué dans la vie, il faut se motiver ! Sans ça, je ne vois pas d’intérêt à faire de la musique.

Tout est compliqué dans la vie, il faut se motiver ! Sans ça, je ne vois pas d’intérêt à faire de la musique

C’est une mentalité de hustler !

Tout le monde va le dire, mais mes parents sont des hustlers en quelque sorte. Ma daronne a un gros parcours, elle a ouvert plusieurs salons depuis qu’elle a commencé la coiffure. Mon père, pareil, il a toujours tenté des trucs. Peu importe le business, on est toujours retombé sur nos pattes. Ce sont des exemples pour moi, ils n’ont jamais lâché l’affaire. C’est ce que j’essaye d’appliquer côté musique. Il faut garder une certaine hargne.

Plusieurs messages sont délivrés dans « Inaccessible »… Justement, tu n’as pas trop souffert de cette case de simple kickeur ?

Exactement, il n’y a qu’à voir la promo de l’année dernière. J’ai dû faire vingt freestyles alors que mon album n’avait rien à avoir avec ça. Les médias étaient bloqués par cette image du kickeur. Les gens l’oublient, mais j’ai grandi dans le hip hop. Et qui dit hip hop ne dit pas obligatoirement rap pur et dur. J’ai été influencé par plein de choses. Sur dix émissions de radio, je devais parfois assortir les interviews d’un freestyle, comme un passage obligatoire. Et vu que je n’aime pas le réchauffé, tu te retrouves à écrire alors qu’au final, je n’ai rien à prouver, on a compris que je savais rapper. En termes de morceaux kickés, j’ai donné de ouf.

Aujourd’hui, tu cherches donc simplement à partager tes expériences en musique.

Je ne prétends pas éduquer les gens et le rap conscient peut prendre parfois la tête aux gens. Ce que je veux faire, c’est partager mes tips et ne pas être égoïste. Il y a des petits qui écoutent du rap aujourd’hui qui vont finir par se manger le panneau. Les rappeurs parlent souvent du business, mais n’approfondissent pas forcément. Moi, je trouve que c’est important pour les petits qui écoutent, c’est aussi simple que ça.

Je parle de mode, car ça fait partie de moi. Je n’ai pas attendu de faire de grosses salles pour aller me péter du Balenciaga

Tu apprends sur le tas, certes, mais au final tu restes peut-être le seul rappeur français à être apparu dans les pages de l’Uomo Vogue.

Je ne sais pas si j’ai encore les DMs du mec de Vogue Italie. Je n’y croyais même pas. La plupart du temps, lorsqu’on m’approche pour des collaborations ou autre, je ne suis pas demandeur. Ce n’est pas moi qui démarche, car je ne grossis aucun trait. Peut-être que je devrais et c’est sans doute ce qui me donnerait plus d’exposition. Mais je suis comme ça, j’ai grandi là-dedans, je parle de mode, car ça fait partie de moi. Je n’ai pas attendu de faire de grosses salles pour aller me péter du Balenciaga. Je n’ai pas de personnage, j’ai un pseudonyme, mais je reste le même dans le rap comme dans la vie.

Pareil pour ta présence dans la soundtrack de NBA 2K

C’est frustrant que ce genre d’informations n’ait jamais été relayée. Le Cercle, NBA 2K, Vogue Italie… On aurait pu encore plus capitaliser là-dessus, si c’était quelqu’un d’autre, peut-être que cela aurait eu plus d’impact. Malgré tout, on espère franchir des paliers encore plus gros, donc on ne va pas arrêter d’avancer. J’ai l’impression qu’il faut que j’en fasse dix fois plus pour être reconnu à ma juste valeur.

Pour retourner sur ton EP. Comment tu l’as travaillé ?

Des morceaux, tu t’imagines bien qu’il y avait plus que 9. Fallait qu’on trouve un équilibre entre le Take qui a le seum et le Take qui a des choses à dire, qui est capable de vite passer à autre chose. On n’allait pas parler des galères sur tous le projet, il fallait un tout homogène qui soit intéressant du début à la fin. On a simplement trouvé un juste-milieu entre la puissance, l’efficacité, et les sentiments partagés. Même si j’ai fait en sorte que personne ne rentre dans ma tête, je ne me ferme pas. Là, ce qui est bien, c’est que les gens l’écoutent du début à la fin, il n’y a pas un morceau qui reste sur le côté.

On a simplement trouvé un juste-milieu entre la puissance, l’efficacité, et les sentiments partagés

Pour terminer, il y a un élément qui a fait beaucoup parler, c’est la cover… Elle est simple, mais impactante.

C’est quand tu commences à vraiment réfléchir sur ton projet que les idées viennent. La cover, c’est une idée de ma part et c’est simple, je ne voyais pas autre chose pour représenter l’idée de l’inaccessibilité. C’est assez abstrait, on a décidé de ne pas mettre de typo, etc. C’est aux gens d’interpréter la cover, je préfère faire comme ça. Disons que ça pousse à la réflexion, tu te demandes forcément ce qu’il y a dans le projet avec une pochette comme ça. Là, on ne sait pas où je vais, ni ce que je fais…

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