Rencontre avec le groupe, qui sortira « Double Hélice 3 » le 1er juin.
Depuis plusieurs années, la scène belge prend de plus en plus de place sur les ondes francophones. Hamza, Damso, Roméo Elvis ou encore Isha, ils se démarquent tous avec des styles bien différents. Caballero & JeanJass font partie de cette ascension fulgurante, et sont devenus des incontournables. A l’occasion de la sortie de Double Hélice 3, leur troisième album commun, Booska-P a pu faire leur rencontre. Interview.
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Depuis combien de temps vous travaillez ensemble ?
JeanJass : Ca va faire environ trois ans qu’on a commencé à faire les Double Hélice. Avant on avait déjà commencé à faire plein de sons ensemble, on était dans le même crew entre guillemets, au sens large. C’était très spontané, on a toujours vu ça en équipe. Moi je faisais partie d’un groupe à l’époque, Caballero avait notamment fait un album avec Lomepal, on a toujours été dans une logique de collaboration. Et comme on se connaissait depuis quelques années déjà et qu’on bossait dans le même studio, ça a été assez naturel de s’allier. Un jour, on s’est dit ‘viens on a des prods, faisons un truc ensemble’, ça a été très naturel. C’est comme si t’es avec une pote, tu dis ‘ce soir on sort’ et après vous sortez tous les soirs ensemble.
Travailler en duo, qu’est-ce que ça vous apporte en plus ?
Caballero : On a nos visions respectives, on a de l’expérience, chacun dans nos délires. JeanJass est ingénieur du son et beatmaker, moi j’ai fait des études de graphisme et j’ai établi pas mal de contacts en France. J’ai rencontré l’équipe de l’Entourage, Lomepal, on a fait un projet, tous ces trucs là ont permis d’avoir pas mal de contacts quand il s’agissait de beatmakers ou de featurings. Donc nos deux forces ensemble se sont bien équilibrées. C’est une complémentarité qui est très intéressante et qui marche bien. La sauce a pris quand on s’est mis en duo.
Avez-vous des rôles bien définis sur la composition et la manière de poser sur un titre ?
JeanJass : Sur les sons, on n’a pas de rôles précis. On fonctionne de manière très spontanée, dans le sens où on s’accorde d’abord le choix de la prod. Après, ça arrive parfois aussi que, par exemple, l’un reçoit une prod, il a déjà fait un refrain, il a tout un délire et il va le proposer à l’autre, et inversement. Il y a pas de formule, c’est au feeling avec la prod.
JeanJass, en tant qu’ingénieur du son et beatmaker, tu n’as jamais eu envie de produire tout un album ?
JeanJass : J’ai pas vraiment envie de produire tout un album parce que je suis plus un rappeur qui fait des prods que l’inverse. J’estime que je suis meilleur rappeur que producteur, je suis plus inspiré par les prods des autres que par les miennes. Dans Double Hélice, j’avais trois prods, dans Double Hélice 2, j’en avais deux je pense et ici, dans Double Hélice 3, j’ai juste co-produit certains morceaux avec d’autres compositeurs. On adore essayer des styles différents, de se connecter avec des nouveaux producteurs. Par exemple, on bosse régulièrement avec Eazy Dew. Sur ce projet-là, Eazy Dew a produit le morceau avec Hamza, c’est une prod vraiment atypique et ceux qui le connaissent risquent d’être un peu désarçonnés. On a aussi bossé avec un beatmaker québécois qui s’appelle Realman, il a beaucoup bossé pour Loud (qui fait partie de notre liste des 11 rappeurs à suivre en 2018, ndlr). Il y a des belges, des français, on a toujours aimé collaborer avec un tas de gens et garder ce qu’on trouve le meilleur.
Un jour, vous verrez ce jeune Cab aux bras de Jorja Smith, c’est sûr. J’y crois
Vous écoutez quoi en ce moment ?
Caballero : En ce moment, j’écoute Jorja Smith. J’suis vraiment fan comme un adolescent, j’me retrouve à kiffer une artiste comme quand j’étais ado. Je la regarde, je suis amoureux. Je vais voir son Insta tout le temps. Parfois, je regarde ses stories et je pleure quand elle parle de son mec, je suis trop triste. Mais t’inquiète, un jour ça se passera j’en suis sûr. Vous verrez ce jeune Cab aux bras de Jorja. C’est sûr. J’y crois.
JeanJass : Moi, j’ai beaucoup écouté le projet de Smokepurpp et Murda Beatz, je trouve qu’il est trop chaud. Et il y a un petit nouveau, un ricain que j’aime bien qui s’appelle DDG, très inconnu mais comme ça je le place. En France, S.Pri Noir, Alk, Orelsan à fond… Nous on écoute tout, surtout Caballero. Par curiosité, quand je vois que ça pète, je vais aller voir même si je sais que je vais pas forcément aimer, mais Caba il clique sur tout. Faut voir ce que fait la concurrence. Il y a des gens qui nous inspirent forcément, par exemple j’aime bien J.Cole même si je trouve qu’il est trop sérieux, alors qu’il pète et il chie comme tout le monde. Némir il nous a bien inspiré aussi avec le dernier Hors-Série, il est bluffant.
Quand trouvez-vous le temps d’écrire ?
JeanJass : On écrit énormément dans les transports, dans le Van de tournée, dans les Thalys, dans les transports en commun. On vit à peu près le même rythme, on est souvent ensemble, on passe des heures dans les transports donc on n’a pas spécialement le choix.
Caballero : Mais sinon, là où j’ai écrit mes meilleurs sons, c’est en Espagne, chez moi, quand je suis détendu, apaisé, que j’ai pas 20 000 interviews et concerts, j’arrive à faire les meilleures choses.
Fianso c’est un kickeur, un vrai rappeur, un rimeur, il sait qu’on a cette chose là en commun
Sur Double Hélice, votre premier album en duo, on ne retrouvait aucun featuring. Pour Double Hélice 2, Angèle, Roméo Elvis et Seven ont été invités, pour des connexions 100% belges. Sur ce troisième volet, on retrouve Sofiane à travers une collaboration qui paraît improbable sur le papier. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
JeanJass : Fianso c’est un kickeur, un vrai rappeur, un rimeur, il sait qu’on a cette chose-là en commun. Il aime bien ce qu’on fait. En studio, quand on a écrit les textes, je me souviens qu’il rappait directement ce qu’on écrivait, entre rappeurs y’a pas cette histoire d’image, on est des rappeurs, on aime la rime et on aime ce qu’on fait mutuellement. Tant mieux si les gens ne s’y attendent pas, c’est ce qu’on recherche aussi, si les gens ont des barrières faciles, c’est du pain béni pour nous parce qu’on montre que finalement vos barrières sont complètement inexistantes.
A nouveau, on retrouve des featurings belges, avec les présences de Krisy et Hamza, vous les connaissiez déjà avant ?
Caballero : Krisy, c’est quelqu’un qu’on connaît tous les deux depuis quelques années déjà. On est devenus clairement des amis parce qu’on a fait quelques dates ensemble, on a plusieurs fois été bossé chez lui au studio, on a chillé ensemble parfois aussi, c’est quelqu’un avec qui, vraiment, on s’entend bien humainement et on est très proches dans notre manière de voir le travail. C’est vraiment que du stud’, que de la scène ; c’est un charbonneur. Quand il est pas en train de bosser sur ses morceaux, il est sur ceux des autres.
JeanJass : Hamza on le connaît aussi, Caba avait déjà fait un son avec lui à l’ancienne. On a bossé en studio ce morceau-là avec lui. C’est tout petit Bruxelles, du coup on se connaît tous et je suppose que pour les rappeurs parisiens ça doit être la même chose. Hamza, c’est quelqu’un de vraiment super cool, on est partis faire le clip du morceau avec lui à Cuba, on a kiffé. C’est comme si on partait en vacances entre potes, le H c’est un bon gars et c’est très dur de ne pas l’aimer. Il est drôle et je peux te dire qu’on le fait rire aussi. C’est un bon bruxellois, c’est un vrai rebeu de BX, brrreh, pour ceux qui comprennent.
La scène belge continue d’évoluer et de s’étendre et on sent une véritable solidarité entre vous. Vous sentez ce côté très soudé de votre côté ?
JeanJass : C’est plus qu’être soudés, c’est un respect, une admiration, tout en laissant chacun faire ses trucs de son côté. Et puis on fait tous des trucs différents. Pour nous c’est cool si on voit que notre armée belge est remplie de bons soldats, on est très contents, ça fait plaisir. On a toujours beaucoup collaboré avec des Français, même des Suisses, comme la Superwalk Clique avec Slimka et Di-meh, on a fait deux morceaux avec eux, dont un qui est super chaud. On l’a pas mis sur DH3 mais on va lui trouver une meilleure place encore. Donc voilà, on n’est pas dans un truc de nationalisme, on est fiers, mais on est aussi fiers de la réussite d’un Lomepal que d’un Roméo. C’est plus une question d’amitié.
On connaît votre proche relation avec Isha, pourtant on ne trouve pas de featurings dans le projet. C’est étonnant…
Caballero : On avait fait un morceau ensemble, mais vu qu’on a fait Tosma sur son projet et que c’est un titre qu’on trouve super chaud et qu’on aime beaucoup, on s’est dit qu’on allait lui laisser la place. Mais on bosse très souvent avec lui et c’est sûr et certain qu’on va faire des morceaux avec lui pour les futurs projets.
On ne s’attendait pas à recevoir des compliments de la part de Stromae, on était méga fiers
Avec votre ouverture d’esprit et votre esprit d’équipe, on risque de trouver différentes personnalités pour les prods sur Double Hélice 3. Vous avez des exemples ?
Caballero : Eazy Dew a produit deux morceaux, JeanJass a co-produit deux morceaux, à chaque fois avec deux jeunes compositeurs belges, dont un avec compositeur belge qui s’appelle Sagittarius. C’est quelqu’un qui vient pas du tout du rap et qui a co-produit un morceau sur Dirty Sprite 2 de Future. C’est un espèce de génie, il est néerlandophone. Sinon y’a des gens comme BBL ou Ponko, c’est la première fois qu’on travaille avec lui. Il a produit Clonez-moi et Toujours les mêmes, qui sont déjà sortis. Et il y a aussi Stromae…
Justement, Dégueulasse a été produit par Stromae, qui se fait si discret en ce moment et qui représente à lui seul la Belgique toute entière. Comment la connexion s’est-elle faite ?
JeanJass : Un jour, j’ai envoyé un mail. J’ai vu qu’il sortait un peu de son cocon. On voyait ses petits cheveux réapparaître et surtout, une fois, lors d’un showcase de Damso à Bruxelles, il nous a dit qu’il aimait bien ce qu’on faisait. On ne s’attendait pas à recevoir des compliments de sa part, on était méga fiers. Donc, pour la collaboration, il s’est passé quelques jours et puis il a répondu ‘avec plaisir, on se fait une session’, déjà c’était génial. Au final, on a fait deux morceaux, on n’en a gardé qu’un seul, mais les deux étaient bien. On a passé une super journée avec lui, il nous avait fait écouter Défiler, en octobre je crois, on trouvait ça super chaud et on espère qu’il va revenir. C’est un génie, c’est que du bonheur de travailler avec lui.
Parlez-moi un peu de votre émission High & Fines Herbes diffusée sur Viceland, d’où vient le concept ?
Caballero : On a eu une chouette équipe et on n’est pas tout seuls dans cette histoire, parce que ça marche jamais comme ça, il faut toujours être bien entouré. Un jour de réunion on en a parlé et notre manager nous a parlé de JB, un cuistot qui est devenu le cuisinier de l’émission. C’est lui qui élabore les recettes et c’est même lui qui a trouvé le nom pour te dire, on s’est dit ‘putain il est ouf ce nom d’ailleurs’. Franchement, ce qu’on voulait faire c’était avoir un autre contenu visuel et divertissant que de faire des clips et de la musique, tu vois. C’est quand même deux passions à nous la bouffe et la weed, on est assez drôles quand on est fonsdés. Toutes façons c’est assez facile d’être drôle quand t’es fonsdé parce que t’as pas grand chose à faire. On s’est dit ‘allons-y’, en plus les gens adorent nous voir parler, connaître nos expressions. On a vu tous les trucs de Snoop Dogg, Wiz Khalifa, ça se faisait beaucoup aux Etats-Unis et maintenant ça commence à se développer en France. Un contenu de lifestyle c’est des choses que tout le monde devrait faire. Par exemple, ça marcherait grave avec un mec comme Naza, il est super drôle, on regarde toutes ses stories.
Ecrire sans fumer de la weed, c’est possible pour vous ?
JeanJass : Je crois que ça dépend d’une personne à l’autre, moi j’en n’ai pas spécialement besoin quand j’écris, là par exemple ce matin j’ai eu des idées et j’ai écrit des trucs j’ai pas fumé encore, c’est juste que quand t’es en studio c’est un peu un cérémonial, on va fumer à deux, on va rigoler et ça peut découler sur un truc. Après, moi je trouve que c’est un peu mentir que de dire que tu peux pas écrire si t’es pas sous drogue, même si c’est vrai que de grands artistes ont fait des trucs de oufs quand ils étaient sous LSD ou sous opium. Victor Hugo par exemple, il écrivait sous absinthe, mais personnellement ne pas fumer m’empêche pas d’écrire. Je peux passer des semaines sans fumer j’aurais pas de difficulté à être inspiré.
Avec tout ce que vous enchaînez (concerts, tournées, émissions, clips, studio), comment vous arrivez à tout gérer ?
Caballero : Tout gérer c’est énormément de travail. Là par exemple ça doit faire un an ou deux que j’ai l’impression qu’on est dans un Thalys infini, que ça va vite et tout droit. Mais on s’en plaint pas, c’est vraiment génial. C’est beaucoup de travail, beaucoup d’énergie mais si ça porte ses fruits, c’est motivant, c’est ce qui donne envie de continuer. Et après les vacances font deux fois plus de bien…
Double Hélice 3, troisième et ultime volume de la série Double Hélice débutée par Caballero & JeanJass en 2016, sortira ce vendredi 1er juin et devrait nous surprendre, comme nous ravir.