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Quand Damso passe chez le psy [DOSSIER]

Quand Damso passe chez le psy [DOSSIER]

Après avoir reçu l’album « Ipséité » comme une grosse claque dans la face, nous sommes allés en consultation avec le texte « Une âme pour deux » sous le bras. L’occasion d’analyser le rappeur belge sous l’angle psychologique…

Crédits photos : Léo Bigaoui

« Une âme pour deux », voilà un morceau pas comme les autres, que nous avons donc fait écouter et lire le texte à une psychologue pour une étude assez osée… Il faut dire que la fameuse track ne méritait pas moins. Placée en queue de peloton de l’album « Ipséité », la quatorzième piste du projet est en rupture totale avec le reste du projet. Contrairement à « Nwarr is The News Black », « J Respect R » ou encore « Macarena », celle-ci raconte une histoire plutôt terrible. Celle d’un fils attiré par une prostituée qui est en fait sa mère.

Un thème particulier, choquant même, dont on a discuté avec Roxane, psychologue de son état. Une psy pas comme les autres, car française exerçant à Bruxelles, ville chère au rappeur. Une jolie façon de boucler la boucle pour nous. Damso étant, bien entendu, un belge extrêmement suivi dans l’hexagone. Aujourd’hui, c’est donc un peu comme si l’auteur de ces lignes allait s’allonger sur le divan pour raconter son texte obscur et inspiré.

« Une âme pour deux » : un mythe Oedipien ?

Une mise en bouche « psychologique » est nécessaire avant de mettre les mains dans le cambouis « Nwar » de Damso. Retour donc brièvement sur Oedipe, un mythe grec repris par le psychanalyste Sigmund Freud. Lui en a théorisé le complexe. Il s’agit donc du désir inconscient d’un fils d’avoir un rapport sexuel avec sa mère qui passe par le fait notamment d’éliminer son père. Une histoire familiale assez dingue qu’on retrouve entre les lignes du morceau.

désirs, figures parentales et violence

Notre psy est claire dès le début, notre rappeur s’est bien inspiré du célèbre mythe : « il est question de désirs, de figures parentales et de violence. Les personnages et les thèmes abordés ainsi que la chronologie coïncident« . Au casting, les noms changent pour un ton plus actuel, ici pas d’Oedipe (fils), de Laius (père) et de Jocaste (mère), mais bien Damso, un mac et enfin une pute roumaine. Voilà qui promet… Sachant que le belge du 92i a repris le mythe à sa sauce. De la couleur de peau des personnages jusqu’à la fin de l’histoire, il aura pris l’initiative de tout remixer !

Les trois temps respectés

Le mythe d’Oedipe se déroule en trois temps : désir, confrontation, victoire. Des épisodes respectés par Damso qui s’est évertué, dans la première partie de son morceau, à faire une sorte de « copier/coller » sur le fond, mais pas sur la forme. Ainsi, le désir du fils Damso (Oedipe) se porte sur « une pute de Roumanie ». Une mère qui le repousse et qui se retrouve défendue par son Mac. Un « père » que le « fils » combat, pour mieux s’offrir la fameuse récompense, une maman qui cède désormais à ses avances. En quelques rimes, le rappeur résume la rixe « Bam, deux trois coups plus tard du sang coule sur le trottoir. Mais c’est pas le mien ni celui de la putain« .

Les rôles s’inversent. Damso ne désire plus sa mère, c’est elle qui insiste pour qu’ils poursuivent

Le fruit de la victoire est donc là, mais Damso ne sait pas encore qu’il s’agit de sa mère. S’il documente l’acte avec des mots crus, une habitude chez lui, la suite n’en sera que plus terrible. Après quelques détails sombres comme jamais « Suce-moi pendant que je siphonne une petite Coronna« , le retournement de situation intervient. Comme le dit Roxane : « brusquement, les rôles s’inversent. Damso ne la désire plus, mais c’est elle qui insiste pour qu’ils poursuivent« . D’un coup c’est comme si le fils retrouvait la vue. Ce dernier pose alors une question et reçoit une réponse cinglante : « Quelle genre de pute t’es ? Une qui baise avec son fils dans la rue« .

Damso s’offre une nouvelle fin

La mère de Damso essaye tant bien que mal d’aller vers son fils, elle qui sait qui il est depuis le début. Pour Damso, c’est l’incompréhension face à l’inceste avec « What the fuck? Putain de bordel de merde » balancé au micro. Des mots qui ne sont pas anodins pour notre psy Roxane : « cette phrase ne peut être mieux choisie par Damso car il s’agit bien de ‘fuck’ (de baise), mais comment comprendre l’acte ?« . C’est la douloureuse question qui nous est posée par ce drôle de récit. Si dans le mythe, Oedipe parvient à ses fins en faisant quatre enfants à sa mère Jocaste, ici c’est tout sauf le cas. Damso refuse de bafouer « l’interdit de l’inceste, loi universelle que l’on retrouve dans la grande majorité des civilisations« .

« What the fuck? », cette phrase ne peut être mieux choisie par Damso car il s’agit bien de ‘fuck’, mais comment comprendre l’acte ?

Dans son dernier couplet, un autre personnage surgit, comme pour mieux s’approprier le mythe. Il est question d’un docteur nommé « Léonard Da Vinci God ». Ce dernier livre son diagnostic à Damso. Au-delà du mythe, il est question d’un « transfert d’âmes«  appelé expérience de Walk-in. C’est le moment où, après une expérience forte ou un coma, une âme entre dans un autre corps (comme avec les accidentés qui parlent une nouvelle langue). L’histoire s’arrête net et on apprend dans le morceau que Damso a été « sauvé par son flow« . Il ne pouvait donc pas y avoir « une âme pour deux« …

Pour notre psy, Roxane, l’analyse s’arrête donc là. Elle insiste d’ailleurs sur le travail effectué par Damso sur sa voix, pour faire passer d’autres sentiments dans son titre « le fait d’écouter et pas seulement lire ce texte permet de mieux le comprendre, car Damso change de voix selon les moments abordés, notamment le voile de fin« .

Enfin, la manière pour l’artiste d’aborder la sexualité est aussi à noter : « Parler de la sexualité, ok, mais là le déroulement est intéressant, surtout du côté de la psychologie. C’est la question du désir de l’autre qui se retrouve renversée« .

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