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Omzo Dollar, la voix du rap sénégalais [INTERVIEW]

Omzo Dollar, la voix du rap sénégalais [INTERVIEW]

Rencontre avec un homme qui rappe aussi bien en wolof qu’en français…

Dans un hip hop qui fait tache d’huile sur la surface de la terre, peu nombreux sont les pays qui échappent au rap. Certaines fois, ces pays font même figure de fer de lance de tout un continent, forts d’artistes authentiques et bien dans leurs baskets. C’est le cas d’un Sénégal qui n’avance plus masqué aujourd’hui, grâce notamment à Omzo Dollar, l’un de ses éminents représentants.

Un homme qui rappe autant en wolof qu’en français, sur lequel Def Jam Africa a choisi de miser. Une signature en forme de consécration pour certains, mais qui pour lui n’est simplement que « le début d’une nouvelle aventure ». Après ses études, ce bosseur acharné s’est lancé à corps perdu dans la musique et prépare actuellement son premier album. Rencontre.

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Qu’est-ce qui t’as poussé à rapper ?

J’ai toujours été un gros fan de rap. A l’école, on écrivait des textes pour la frime. Ce n’était rien de sérieux jusqu’au jour où un pote à moi m’a lancé un challenge, un petit battle comme ça. On était tout jeune, a on fait un battle entre les mecs de sa classe et ceux de la mienne (rires). C’est la première fois que j’ai rappé devant du monde et ça m’a donné un kiff de fou. Depuis, nous sommes devenus très proches avec ce gars-là, on parlait tout le temps de rap et c’est parti de là. Après ça, on a commencé à enchaîner les premières séances studio.

C’est formateur ! Mais tu as gardé ce côté bagarreur dans ta musique ?

Ma première fois, c’était pour un petit battle donc ça m’a forgé un état d’esprit compétitif. C’est quelque chose qui ne me lâche pas ! C’est le rap avec lequel j’ai commencé, donc j’y suis fidèle. J’aime l’egotrip, même si c’est difficile de me placer dans une seule et même catégorie. Je suis un grand passionné de rap, mais aussi un fan de musique donc j’essaye de faire des choses différentes… On va dire que ma formation, c’est le rap cru basé sur l’egotrip et les punchlines, mais que je suis devenu plus ouvert avec le temps. Je ne suis pas le plus conservateur des emcees, je peux faire des morceaux avec des sonorités différentes, sénégalaises ou autres. Je ne suis pas fermé.

Ma formation, c’est le rap cru basé sur l’egotrip et les punchlines. Mais que je suis devenu plus ouvert avec le temps

Quels sont les artistes qui t’inspirent ? On sait que tu as été fan de 50 Cent par le passé.

Quand j’étais plus jeune, j’étais très branché sur 50 Cent. Après, des artistes qui m’inspirent réellement, il n’y en a qu’une petite poignée. Il s’agit de J. Cole et de Kendrick Lamar. Ce qui m’inspire le plus, c’est le côté authentique de ces gars-là, ce qu’ils donnent au-delà de la musique. Ils ont bravé de nombreuses lois de l’industrie et ont fait selon leurs propres règles. Ils sont restés eux-mêmes et cela a fonctionné. J. Cole a été disque de platine sans featuring et sans forcément faire danser les gens. Pour moi, c’est une grosse inspiration, ça me montre qu’on peut y arriver malgré tout ce qu’on veut nous faire croire. Tu peux avoir du succès en faisant le musique que tu aimes et les deux artistes qui représentent le plus cela aujourd’hui pour moi, ce sont J. Cole et Kendrick.

A quoi ressemblaient tes premiers pas sur la scène sénégalaise ?

Mes débuts ont eu lieu dans un game sénégalais qui, il faut bien le dire, ne valait pas grand-chose. A l’époque, ce game ne pesait pas autant qu’aujourd’hui. Plein de choses faisait que le rêve n’était pas possible. Pour donner un exemple, on rappait tous en wolof et on ne représentait que nous-mêmes. Le fait qu’on avance sans industrie montrait qu’on faisait les choses uniquement par passion. Pour moi tout a démarré sur Skyblog, avec un morceau que j’avais balancé pour délirer. De là on a commencé à m’appeler pour des petits concerts, des événements, etc. C’est là que je me suis dit qu’il y avait un truc à faire… Ensuite, ma notoriété a grandi grâce à plusieurs mixtapes et un peu plus de travail. J’essaye de garder mon authenticité, peu importe le style abordé. Je veux être original, car c’est quelque chose de très important. Il faut qu’à chaque son, ça soit moi, que je m’y retrouve.

Rapper en wolof, c’est un marqueur de cette identité pour toi ? Tu disais en interview voir de plus en plus de personnes s’ambiancer sur ta musique sans forcément en comprendre les paroles.

Totalement ! Cela prouve que pour faire progresser le hip hop sénégalais, on n’a pas forcément besoin de le changer, mais juste de lui donner une identité et l’assumer. Avoir une vraie identité, c’est quelque chose de cool. A lépoque, on écoutait du rap américain sans forcément capter les paroles. Il n’y a pas de raison de ne pas voir le monde s’ambiancer parce que c’est du wolof. Evidemment, si on comprend les textes c’est encore mieux !

Pour progresser, le hip hop sénégalais a besoin d’une identité qu’il assume

Au Sénégal, tu es d’ailleurs très suivi… On peut dire que le message est compris !

Ici, c’est le meilleur des publics. Quand ils te suivent, c’est du début à la fin, les fans finissent par faire partie de toi, de ta musique. Franchement, ils sont fous et très fidèles. Sur les réseaux sociaux, tu ne croises que des sénégalais (rires).

Comment tu as vécu ta signature chez Def Jam ?

Cela m’est tombé dessus comme ça. J’étais déjà affilié à Universal Music Africa et tout s’est joué en un coup de fil. On m’a dit que j’avais été choisi pour faire partie de l’aventure Def Jam Africa et j’ai trouvé ça super. Avancer avec eux, c’est beaucoup plus de motivation, je me sens au coeur de quelque chose de vrai. Maintenant, j’ai l’impression d’avoir toutes les cartes en main pour travailler encore plus et faire quelque chose de grand. C’est tout ce qu’on souhaite.

Quelles sont les clefs pour voir ta carrière et la scène sénégalaise se développer ?

Le secret c’est de savoir que tout passera par le travail. Par exemple, depuis ma signature chez Def Jam, je n’ai jamais été dans l’euphorie. Cela aurait été une erreur de me dire une chose comme « c’est génial, j’y suis arrivé, j’ai signé chez Def Jam ». Non, je me suis plutôt dit qu’il ne fallait plus dormir désormais. On va y arriver seulement en bossant. De mon côté, j’ai pris conscience de la chance que j’ai de parler plusieurs langues. Mes freestyles, je m’en sers pour rapper dans plusieurs langues, en français ou en anglais. C’est parfait pour montrer ce dont je suis capable.

Rapper dans des langues différentes, c’est la meilleure manière de représenter la diversité de l’Afrique

Rapper dans plusieurs langues, c’est également une manière de montrer les différents visages de l’Afrique.

Rapper dans des langues différentes, c’est pour moi la meilleure des manières pour représenter la diversité des cultures africaines. Si je parle pour moi, je viens de partout. Je suis sénégalais, mon père vient du Niger, j’ai de la famille en France et j’ai voyagé à travers l’Afrique… ça fait de moi un mélange de beaucoup de cultures. A partir de là, je pense pouvoir faire une musique qui parle à beaucoup de monde. C’est un équilibre à trouver, la clef est là.

Comment se déroule l’enregistrement de ton album ? Il paraît que tu t’inspires énormément des productions qu’on te propose.

Quand j’arrive au studio, je sais ce que j’ai à faire. En général, j’ai déjà tout ce qu’il me faut, mon texte et ma prod. C’est très rare que j’arrive à créer en studio car je suis quelqu’un de très « moody ». J’avance très sûrement avec ce que j’ai déjà en tête.

D’ailleurs, là où d’autres ont officialisé leur arrivée chez Def Jam avec des singles, tu as préféré lancer ta série de freestyles…

C’est plutôt inédit, je voulais donner un peu plus faim aux gens et débarquer avec des freestyles qui annoncent la sortie d’un single. C’est une manière de montrer qu’il s’agit aussi d’un Omzo nouvelle version. Je n’ai plus seulement envie de rapper pour montrer aux sénégalais que je sais rapper, ça, ils le savent. J’ai la responsabilité de représenter le hip hop de ce pays et c’est une mission qui me tient à coeur.

J’ai la responsabilité de représenter le hip hop sénégalais. C’est une mission qui me tient à coeur

Est-ce que tes études en télécommunications ont pu te permettre d’avoir un regard différent sur ta façon d’aborder le rap ?

On m’a toujours demandé pourquoi je n’avais pas de home studio. Mais j’ai toujours pensé qu’avoir un studio à la maison allait me donner la flemme. J’aime avoir ce sentiment de bosser en allant au studio. C’est ce qui me donne la sensation que la musique est vraiment mon métier. J’explique par explique à mon entourage qu’être sur mon téléphone, c’est déjà un travail en soi. Le fait d’avoir été en entreprise m’a donné des notions sur la discipline à avoir dans le boulot. Maintenant, je me fais même mes propres emplois du temps. C’est mon mode de fonctionnement pour atteindre mes objectifs.

On a l’impression que tu vas vers une musique qui te ressemble encore plus.

Ma musique est la somme de tellement de choses liées à mon environnement : mes études, les films que j’ai pu regarder, les mangas que je lis… Tout ce qui me compose se retrouve dans mon rap. La clef de tout ça, c’est de rapper dans toutes les langues que je maîtrise. C’est un énorme kiff pour moi car je peux commencer un son en français et le terminer en wolof tout passant par l’anglais. Aller d’une langue à l’autre, ça me donne plus d’opportunités, j’ai même l’impression que c’est plus facile. Si je commence à traduire mes paroles en français, je vais avoir plein d’albums en stock (rires).

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