A l’occasion de la sortie de son premier album « Flip », Booska-p est revenu avec Lomepal sur l’ensemble de sa carrière, de ses premiers tricks de skateur à son premier album en tant que rappeur.
De Antoine à Pissdrunk, de Jo Pump à Lomepal. Skateur, milliardaire accro à la vitesse, rappeur, une seule et même personne en définitive. Lomepal trace sa route dans le monde du rap depuis 2011, 6 années qui l’ont vu évoluer au fil des 7 projets sur lesquels son nom est crédité. On le rencontre pour parler de ce huitième projet, paradoxalement son premier véritable aboutissement, son album « Flip ». Flip comme la figure de Rodney Mullen, mais aussi flip car l’auditeur de rap est pris à contre-pied. Pas un album de rap, mais un album de rappeur. C’est un personnage conscient de ses contradictions à qui l’on a affaire, guidé par la soif d’apprendre et d’entreprendre. Confortablement installés dans un café parisien, on revient avec lui sur sa carrière, le skate, ses voyages et son premier album.
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« Jamais un vrai skateur n’avait été aussi fort en rap »
Pissdrunk le skateur devient Jo Pump le rappeur lorsqu’il prend le micro pour la première fois. À peine la majorité, son premier leitmotiv est d’accaparer l’attention. Il aime l’idée de tout faire à toute vitesse, de rentabiliser son temps, comme Sir John Archibald Pump dans « Le Testament de M. Pump » de Hergé. Comme une caricature de lui-même, mais trop américain à son goût, il va vite adopter Lomepal pour « représenter cette France ». Il côtoie la génération de Nekfeu, avec lequel il réalise son premier morceau, et profite de l’émulation pour affûter ses skillz. Le 22 septembre 2011 sort « 20 mesures », son premier projet, sa première pierre à l’édifice alors qu’il pense arrêter le rap. Quand on vous parle de contradiction…
Chacun de mes projets a une signification différente
Ce premier opus sort pour laisser une emprunte, sans ambition quelconque, mais la réalité va vite le rattraper : « Je pensais que ça n’était pas fait pour moi. Je comptais arrêter mais j’ai eu pas mal de bons retours donc j’ai continué. » Il enchaîne avec « 22h-06h » en collaboration avec Walter, un « projet de potes pour passer du bon temps ». S’en suit son projet collaboratif avec Caballero et Hologram Lo’, « Le singe fume sa cigarette », né de la fusion entre le « Freestyle de la cigarette fumante » du bruxellois et son morceau « Singe de rue ». Près de deux ans s’est écoulé depuis ses premières rimes lorsqu’il sort son premier vrai solo « Cette foutue perle » entièrement produit par Meyso. Dans ce projet, il explore pour la première fois le double time influencé par le premier album d’A$AP Rocky : « C’était au moment où les instrus commençaient à changer. On passait à des trucs plus lents, on appelait pas ça de la trap encore. Les seuls à rapper comme ça en France c’était Espiiem, la Sexion d’Assaut et Balastik Dogg ». Il étudie la rime, théorise les schémas et analyse les flows pour maîtriser son rap et sortir des projets de plus en plus travaillés.
À ses passions pour le skate et le rap s’ajoute celle pour les voyages. Il nous confie d’ailleurs ne pas vouloir terminer ses jours en France. L’Australie, l’Indonésie, la Grèce, le Portugal ou encore le Maroc, autant de destinations vers lesquelles il s’est dirigé ces dernières années pour « découvrir différents climats et cultures ». Ces pérégrinations impactent sa musique et lui permettent d’acquérir une certaine maturité artistique : « Quand j’étais en Australie, j’ai dû écrire 1 rime en 4 mois. Ça m’a fait du bien de décrocher complètement et de prendre du recul ». À cette période il sort « Seigneur » puis « Majesté », un diptyque clair-obscur, une double-face comme pour mieux souligner ses contradictions et ses ambivalences. Un véritable prélude à son premier album.
Ce premier album m’a pris 2 ans de réflexion et d’expériences. Je voulais qu’il n’y ait pas une seule seconde à jeter, j’ai le sentiment d’avoir réussi
Le cap du premier album arrive après « ODSL », un maxi 3 titres produit par Stwo qui permet de tenir en haleine les fans les plus exigeants avant ce 30 juin 2017, date de sortie de « Flip ». Dans cet album, il ne délaisse pas son thème de prédilection : l’égotrip, ou l’égocentrisme, c’est selon. Toujours un peu sérieux, et toujours un peu personnifié, derrière chaque phase stéroïdée se cache une part de vérité « Lomepal c’est un peu ce mec lambda qui veut devenir le plus fort et le plus regardé alors que c’est monsieur tout le monde ». Dès les premières secondes, le titre de l’album prend tout son sens et une nouvelle contradiction est posée « un connard et un mec bien dans le même corps ».
« Jamais un aussi bon rappeur n’avait vraiment fait de skate »
Vidéaste et skateur avant d’être rappeur, Lomepal a toujours accordé une place prépondérante à l’image. Il s’implique dans la réalisation de ses clips en travaillant depuis quelques années avec L’Ordre Collectif. Toujours à la recherche de la différence, pour lui il est impossible de se satisfaire du « simple et efficace ». Pour le clip de « Yeux disent », il part à New York, nouvelle destination à ajouter à son palmarès de routard, et fait appel à Dario Fau. Il précise : « Dario et L’ordre collectif sont connectés. J’adore donner le maximum de possibilités à ces gens là pour qu’on fasse des trucs de fou ensemble. Il y a peu de gens qui osent faire ce qu’on fait ».
Je déteste les cases. Je ne vois pas l’intérêt de reproduire les choses avec les mêmes codes que tout le monde
De la même manière qu’il accorde de l’importance à l’image, il porte aussi beaucoup d’attention aux productions. Pour « Flip », il explose les cadres du rap et collabore avec Superpoze, DJ et producteur de musique électronique qui avait notamment travaillé sur la composition de « Feu », le premier album de Nekfeu. En plus de produire certains titres, Gabriel Legeleux, de son vrai nom, participe à la réalisation de l’album : « Il n’est pas crédité partout mais il a été là tout au long de l’album. C’est aussi pour ça que je l’ai mis en featuring sur « Bécane ». Il a co-produit et a ajouté plein de choses au morceau, je voulais le créditer pour que l’on comprenne que c’était une collaboration à 100% ». Dans les crédits de l’album, on croise également The Shoes, groupe de rock électronique français, mais aussi Lost, duo formé par la chanteuse Camélia Jordana et le compositeur Laurent Bardainne. Une preuve de plus de la diversité et de l’ouverture artistique du rappeur parisien.
Qui dit flip, dit Rodney Mullen. Mais qui dit flip, dit aussi Bryan Herman. Ce skateur Californien de 31 ans est celui qui représente le mieux le style « trasher » aux yeux de Lomepal. « C’est de la magie, imagine je resserrais mes jeans à la machine à coudre pour ressembler à Bryan Herman » il insiste sur cette phase, tirée du morceau éponyme, qui est la plus touchante et la plus vraie selon lui « Les slims n’existaient pas en France, je faisais ça pour lui ressembler. Mes pantalons n’étaient pas élastiques donc ils finissaient par se déchirer ». La passion de Lomepal pour le skate s’inscrit en filigrane tout au long de sa vie et de son premier album, il est donc temps de marquer le coup. Avant de partir pour une tournée des salles officielle, il nous avoue préparer un Skate Tour « on voudrait faire une tournée des skateshops de France, et peut être de Barcelone et Belgique aussi. Un showcase, des dédicaces puis une session avec les skateurs de la ville ».
J’ai eu l’idée de la pochette avec mon ex. Quand je suis allé la voir pour lui dire « regarde je l’ai fait », elle m’a répondu « je ne t’ai jamais dit de faire ça » (rires)
Si le skate tient une place prédominante dans l’album, rien n’a cependant été laissé au hasard. Pas question de le faire apparaître sur la pochette de l’album, ce serait « trop facile ». Pour cette cover, Lomepal préfère jouer sur une nouvelle contradiction « Je voulais moi, en femme, juste après avoir pleuré. Qu’il y ait quelque chose de fragile, de choc et de beau en même temps ». Influencé par « My kind of woman » de Max DeMarco et « Love on the beat » de Serge Gainsbourg, il décide donc de se travestir le temps d’une photo, bien conscient d’être un des rares rappeurs en France à pouvoir l’assumer à 100%. Pour se faire, il s’entoure du talentueux Raegular, notamment auteur de la conception graphique de l’album « Cyborg » de Nekfeu. La cover questionne, surprend, en dérange peut-être certains, le pari est réussi.
Lomepal est donc un artiste multiple, maître de sa création artistique et ouvert sur le monde. Pour fêter la sortie de son album, il jouera à guichets fermés à La Maroquinerie le 30 juin. S’en suivra une tournée en France pour la promotion de son album. On vous suggère fortement de ne pas passer à côté de « Flip », un premier album qui réserve son lot de surprises et qui ne laisse pas indifférent.