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Kingzer, le plus hexagonal des rappeurs suisses

Kingzer, le plus hexagonal des rappeurs suisses

Rendez-vous avec le rappeur à l’occasion de la sortie de son projet « Fini la récré ».

Ski, chocolat, bijoux, banques… Voici les mots qui collent souvent à la Suisse. Rappeur local qui tire ses origines du Congo, Kingzer a à coeur de défaire ces clichés. Signé chez Mal Luné, il représente le rap helvétique dans l’hexagone.

Après plusieurs singles et freestyles, le jeune artiste est revenu vendredi 8 octobre pour dévoiler sa première mixtape Fini la récré. Et si les frenchoies s’amusent régulièrement à parodier la neutralité de leur voisin suisse, sachez que Kingzer rappe sans langue de bois. Des productions aux textes, l’acolyte de Ninho ne se cantonne pas à un style et montre sa diversité dans son projet. Ce qui valait bien une rencontre !

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Tu rappes depuis 2005, mais comment as-tu commencé à rapper ?

C’est venu grâce à mon grand-frère qui rappait avec ses potes pour délirer à l’école. Vu que je suis le plus petit de ma famille, ma mère me demandait de trainer avec lui donc j’observais ce qu’il faisait… Quand on est petit on prend exemple et j’ai essayé de faire pareil. En 2006, quand j’avais 14 ans, j’ai eu l’opportunité de montrer ce que je valais lors d’un atelier d’écriture. J’ai pu enregistrer un morceau. Depuis, je n’ai plus lâché. Je faisais des petits sons pas sérieux, mais je me suis accroché.

C’est en 2016, lorsque tu as lancé ta série de freestyles MBTA, que c’est devenu plus sérieux pour toi. C’est là que ton label t’a repéré ?

Oui, c’est en 2017 lorsque j’ai sorti MBATA 4 qu’ils m’ont repéré. De là, ils m’ont proposé de monter à Paris pendant une semaine pour me découvrir et que je découvre aussi leur travail et leur univers. On a fait du studio tous les jours où j’ai fait plus de 10 sons et au terme de cette semaine, on a accroché. De là, ils m’ont donné beaucoup d’opportunités : ils m’ont invité au Planète Rap de Ninho, ils m’ont fait faire sa première partie au Bataclan et c’est un an plus tard, en 2018, que j’ai signé. J’ai pu faire la première partie de NI à l’Olympia et à ses Zéniths, j’ai aussi sorti des séries de freestyles et des singles.

Est-ce que dans le passé tu as eu des propositions avant d’arriver chez Mal Luné (son label ndlr) ?

Oui j’ai eu d’autres offres, mais ce sont les premiers qui m’ont contacté. J’ai hésité avant d’accepter leur proposition. Ils m’ont appelé en février et c’est seulement en juillet que je les ai rejoints. Je ne me rendais pas compte de l’opportunité que j’avais. J’ai eu un déclic parce que comme je viens de Suisse et que la musique est très peu développée ici, peu de gens ont la chance d’avoir une bonne étoile mais j’ai vite compris et saisis l’opportunité à Paris.

Ton label se trouve à Paris, cela a été un frein pour toi ? Tu ne voulais pas plus développer ton rap chez toi à Lausanne ?

Non ça pas été un frein. Paris c’est nos voisins et tous les Suisses qui font du rap regardent et s’inspirent du rap français et américain donc je savais que même si je développe ma carrière à Paris, la Suisse c’est proche et mes équipes ont suivi facilement. Ici, le rap n’est pas assez développé. On n’a pas de grande star dans le rap et c’est totalement différent de chez vous, en France. Il n’y a aucun artiste suisse qui a obtenu un disque d’or jusque-là. Ça commence à bouger maintenant.

Justement, où as-tu puisé tes inspirations ? Es-tu familier avec des artistes Suisses ou te sens-tu plus proche du rap français ?

Avec mon frère on écoutait NTM, la Fonky Family, Tupac, Biggie, NAS, Lunatic ou encore Michael Jackson mais il n’y a aucun rappeur qui m’a vraiment donné envie de rapper. C’est plus la culture hip-hop qui m’a inspiré, que ce soit dans le graffiti ou dans la danse, vu que je faisais du breakdance. Après, ces artistes m’ont inspiré au niveau de la scène. Quand je faisais la tournée des Zéniths de Ninho, même si je faisais juste la première partie, je me donnais à fond. Je repensais aux cd des concerts de Michael Jackson ou de NTM qu’on saignait plus jeunes avec mon frère. On les imitait et ça m’a beaucoup appris. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je ne suis jamais stressé quand je monte sur scène. C’est là où je me sens le plus à l’aise : plus il y a du monde et plus je suis à l’aise.

Sur Franc Suisse, tu essayes de défaire les clichés sur le pays et sur la vision que les gens ont du rap suisse. Tu peux nous en dire plus ?

Ce que je voulais dire, c’est que comme dans le rap français, il y a beaucoup de clichés. En France, il y a les cités et en Suisse, les gens pensent qu’il n’y a que les montagnes, le ski, le chocolat, les montres mais il n’y a pas que ça. Je ne dis pas qu’on est des voyous mais nous aussi on a ce côté street avec ses réseaux de drogue, de proxénétisme… Comme je le dis : il n’y a pas de terrain, il n’y a pas de four, mais attention parce qu’il y a des grosses têtes de réseau qui ont fait du trafic international.

De 2016 à aujourd’hui, tu as été assez peu productif. Tu n’as sorti que quelques sons et des freestyles, mais pas de projets. Comment expliques-tu ce délai ?

De base on voulait se lancer sur un projet en 2019, quand ma carrière a pris de l’ampleur après ma signature chez Mal Luné. C’est à ce moment que j’ai été chez Skyrock, j’ai fait des singles qui ont bien marché et j’ai sorti le featuring avec Ninho et Leto (Gaine D 2.0 ndlr). C’était la bonne voie pour se lancer mais c’était au moment où Ninho a sorti Destin et mon producteur se met à fond sur les projets donc on a dû décaler le mien, qui devait sortir en 2020. C’est à cause de la COVID qu’il n’est sorti que maintenant. Avec le recul, on est content d’avoir attendu et d’avoir fait monter l’engouement et ma fan base. Aujourd’hui le projet est plus attendu qu’il aurait pu l’être il y a deux ans.

On retrouve beaucoup de musicalité française dans tes morceaux, comment c’est accueilli du côté Suisse, plus habitué au côté mélodieux que kické ?

C’est bien perçu parce qu’il en faut pour tous les goûts ! Dans la musique, y a plusieurs publics : il y a ceux qui aiment le rap conscient pour le message derrière, il y a ceux qui écoutent des sons lourds pour aller à la salle, ceux qui kiffent la musicalité, le kickage, les morceaux sombres… Il y a vraiment de tout !

T’as collaboré avec Di-Meh sur 6 Hours, c’était la première fois que tu collaborais avec lui ? Raconte-nous comment la connexion s’est faite ?

Il me manquait des featurings sur le projet et je ne voulais pas de grosse tête du rap français, je voulais quelqu’un en train de monter pour créer la surprise. C’est mon producteur qui m’a donné l’idée et qui a fait la prise de contact. Dimeh a été chaud et je lui ai directement envoyé des prods. Quand il a reçu celle de 6 Hours, il était réticent mais je lui ai demandé de me rejoindre en studio à Paris. Ça a fusionné directement. On a trouvé le refrain et les mélodies très facilement. On était très complices, comme si on se connaissait depuis toujours. On n’avait jamais featé ensemble parce que même si on kick tous les deux, on a un style opposé. A Genève, ils ont un style de rap bien à part. C’est scénique, ils sont vraiment là pour le show. Jamais nos entourages auraient pu penser qu’on pouvait collaborer parce que nos univers sont trop éloignés.

Pour toi il y a une mentalité différente entre les rappeurs de Genève et ceux de Lausanne ?

À Genève, la majorité des artistes dont Dimeh sont dans la SuperWak Clique. C’est pas forcément le délire de rap que j’écoute mais je respecte vraiment parce qu’ils ont amené leur univers et ont créé une communauté qui les suit partout. J’aime bien leur état d’esprit parce qu’ils se soutiennent tous entre eux. À Lausanne, c’est différent. On est la ville où ça bouge, tout le monde a du talent et les gens ont un peu trop la grosse tête comparé à Genève. Aujourd’hui, ça s’améliore et tant mieux parce que c’est une fierté quand l’artiste que tu as soutenu fonctionne et que tu y as participé.

Tu as placé beaucoup de sonorités Afro dans ton projet. Tu as quelle relation avec tes origines congolaises ?

Quand j’étais petit j’y allais souvent. J’ai été élevé dans la culture Congolaise, j’écoute beaucoup d’artistes de là-bas. Aujourd’hui, dans l’industrie musicale, il y a beaucoup de Congolais donc je m’associe à eux et à certains mots qui ressortent. Je regarde aussi beaucoup de reportages sur l’histoire de mon pays. J’ai vraiment une grosse attache au Congo, ça fait partie de moi et je suis obligé de le revendiquer.

Tu as justement collaboré avec Tayron Kwindan’s sur After…

C’était une volonté pour moi d’apporter une part de mes origines à mon projet. Je suis tombé sur cette prod qui m’a tout de suite fait penser à lui. À la base j’ai tout fait jusqu’au refrain mais j’ai imaginé Tayron sur le morceau et je lui ai proposé de reprendre sa partie et d’y mettre ses ambiances et ses harmonies. Finalement ça a bien matché. On se connaît depuis très longtemps et c’est aussi pour ça qu’on devait collaborer.

Sur le titre M.L.M, tu t’es associé à BLK et Blasko, deux rappeurs de Mal Luné. Entre eux et Ninho, tu sembles entretenir des liens très forts avec les rappeurs de ton label.

On est peu donc entre nous c’est tout dans le respect. On a un bon délire, c’est tout dans la rigolade. Personne ne prend personne de haut. Même Ninho qui est à la tête du rap français est super simple et humble. On se fait écouter tous nos sons entre nous, on travaille tous ensemble et je pense que l’identité Mal Luné se ressent dans nos sons.

En parlant de Ninho, pourquoi tu as choisi de ne pas collaborer avec lui sur ton projet ?

Sur mon projet, je ne voulais pas vraiment de grosses têtes parce que les gens ne vont se baser que sur l’autre artiste. Vu qu’on a fait Gaine D 2.0 qui est un titre qui m’a vraiment poussé, là, je ne voulais pas qu’on m’associe à lui. C’était aussi important pour moi de pousser des plus petits artistes qui vont décoller mais on collaborera encore avec plaisir.

Tu as eu la chance de faire les premières parties de Ninho sur toute sa tournée, ça t’as fait quoi de te produire au Bataclan et à l’Olympia, deux salles particulières ?

C’est deux salles mythiques mais sur le moment ça passe tellement vite, j’ai même pas eu le temps de me rendre compte. L’Olympia, c’était vraiment particulier parce que j’avais mon nom inscrit, c’est légendaire. Quand je suis face au public français, je suis toujours confiant parce qu’ils ont trop bonne mentalité. Ils étaient réactifs et n’étaient pas réticents au fait que je n’étais pas connu, c’était une super expérience.

Dans l’Outro du projet, tu te montres très nostalgique. C’est un gros contraste avec l’intro dans laquelle tu kickes sur une prod sombre. C’est une façon pour toi de faire le bilan ?

Ce son, c’est une piqure de rappel pour dire que je reviens à la réalité et que j’ai les pieds sur Terre. Dans l’intro, je peux être impoli, parler de drogue, de meufs… Dans l’Outro je me livre. J’ai des amis d’enfance qui ne sont plus là, j’ai des gens proches de moi qui m’ont fait des sales coups… Je parle aussi de ma mère…maintenant c’est moi qui doit prendre soin d’elle et plus le contraire.

Tu évoques plusieurs fois ta mère dans le projet, quelle est la relation que tu entretiens avec elle ?

J’ai une relation particulière avec elle. Elle me soutient dans tout ce que je fais et elle me conseille, c’est ma première fan. Je me dois de parler d’elle et si ça ne tenait qu’à moi je parlerais d’elle dans tous mes sons. Pour moi, c’est vraiment la famille d’abord.

C’est quoi tes projets pour la suite ?

Je suis quelqu’un qui vit au moment présent, mais ça ne m’empêche pas de penser à la suite. Je suis en préparation de plusieurs trucs, mais pour l’instant, j’attends de voir ce qu’il ressort des avis sur mon projet. Je suis ouvert aux critiques quand elles sont constructives, c’est ça qui me permet d’avancer.

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