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Fally Ipupa, de l’authenticité, un concept urbain et « Tokoos »

Fally Ipupa, de l’authenticité, un concept urbain et « Tokoos »

Pour la sortie de sa quatrième galette, Booska-p a rencontré le chanteur congolais Fally Ipupa. Focus sur un parcours frappant et « Tokooos », un album très ouvert.

Crédits photos : Antoine Ott

Perfectionniste, moderne, super exigeant, riche des deux cultures parisienne et congolaise, Fally Ipupa a le mérite de faire accepter des rythmes africains très originaux en occident. C’est depuis les années 2000 que l’artiste d’Afrique centrale s’engouffre dans le milieu musical et s’inscrit parmi ses fidèles défenseurs de la rumba congolaise. L’artiste lover, à l’image de ses textes, est un homme tendre mais aussi charismatique; une confiance en soi qui a sans doute su le guider sur les routes tortueuses de la carrière d’un artiste africain. Son quatrième projet « Tokooos » s’ouvre à diverses influences, il vogue dans l’entre-deux de l’authenticité et des musiques urbaines. On le rencontre à Paris, ensemble nous remontons jusqu’aux prémices des 18 titres du disque. Conversation passionnante avec l’un des meilleurs artistes africains de la génération actuelle.

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J’ai commencé comme tout le monde, sans micro, sans guitare

« Je suis natif de Kinshasa, j’ai commencé à Kinshasa ». Le porte-flambeau de la rumba congolaise commence le chant dans divers petits groupes de New City à Nouvelle Alliance. « J’ai commencé comme tout le monde, sans micro, sans guitare ». Très tôt, il présente des caractéristiques qui font la différence : une voix exceptionnelle, des textes profonds, un amour des challenges. On est vers la fin des années 90 lorsque « le jeune à la voix suave » est repéré par Koffi Olomidé, il intègre la mythique formation Quartier Latin et va longtemps côtoyer sa référence musicale histoire d’affûter ses armes. « Je suis resté à côté de Koffi jusqu’en 2006 et c’est en 2006 que j’ai décidé d’aborder ma carrière solo. C’était un challenge pour moi de sortir un album parce qu’à cette époque il n’y avait pas de jeunes qui sortaient d’album à mon âge ». A peine la vingtaine, « Dicap la Merveille » (un surnom qu’il se donne) se démarque, il lâche son premier vinyle « Droit Chemin », les résultats suivent, il flirte très tôt avec le succès et fait son premier Olympia en 2007 !

En Afrique, quand un africain réussit, on pense qu’il a forcément des fétiches, cette manière de penser rend plutôt les gens fainéants

Chaque projet crée une émulation. Un détail n’échappe pas, il met au moins 3 ans avant chaque nouvel opus peaufinant ses projets en studio de longues années avant de les sortir. Après le deuxième disque « Arsenal de belles mélodies » en 2009 et Power « Kosa Leka » en 2013, il attendra 2017 avant de sortir son nouveau breuvage « Tokooos ». Signer chez de grands consortiums de l’industrie musicale comme Elektra France démontre que les talents du chanteur ne trompent pas. Artistiquement très ouvert, il voyage autour du monde et s’imprègne de hip-hop, soul, worldmusic. L’américaine Olivia participer à l’excellent titre « Chaise Electrique ».

Pourquoi « Tokooos » ? « J’ai voulu d’abord un titre en lingala, un titre vulgarisé par moi-même qui sonne lingala, Tokooos c’est le dérivé de kitoko qui veut dire beau, positif. Je voulais mettre en avant le côté lingalophone que je suis ». Le concept créé par l’artiste revêt la meilleure définition du style entre la rumba et la musique urbaine employé sur l’album. Il fait part de sa volonté de sortir un projet à la fois authentique et urbain : « Je voulais un album très ouvert comparé à mes précédents albums pour pouvoir vendre la culture musicale congolaise en occident ». Il avait compris qu’un projet très ouvert permettrait de bien vendre la culture congolaise et africaine. « Dans les jours à venir, je voudrais que ça soit normal que les artistes congolais sortent des projets très ouverts ». Il ouvre une porte, veut montrer que la rumba congolaise a évolué.

J’essaye de récupérer la couronne de mon royaume

Les thématiques abordées sur l’album empreintes de vérités sont captivantes. Si « Esengo » parle du travail, sur « Boulé » ou « Na Lingui Yé » il reste fidèle à lui-même, il chante la femme, l’amour, ses thèmes de prédilections. « Esengo pour moi c’est un peu comme l’hymne nationale de l’artiste Fally. Les gens ne disent pas aux gens que pour réussir, il faut travailler, tout le monde veut devenir riche, gagner plus et travailler moins, tout le monde veut réussir sans avoir du talent. En Afrique, quand un africain réussit, l’on pense qu’il a forcément des fétiches, cette manière de penser rend plutôt les gens fainéants ». Sur « Guerrier », avec Shay, Fally réussit à transmettre un message profond. « J’essaye de récupérer la couronne de mon royaume, je ne suis pas un roi du royaume d’Angleterre ou du royaume de France, je suis un roi bantou ». Une culture qu’il revendique, ce n’est donc pas par hasard qu’il invite la sociétaire du 92i d’origine bantoue comme lui.

La musique c’est comme l’athlétisme, il faut se passer les relais

Ce nouveau projet s’ouvre aux mélodies urbaines et innove : il place assez de titres en français, la plupart des chansons restent dans la moyenne des 04 minutes. « Le hip-hop, le R&B, la soul me permettent de faire un mélange avec la rumba de chez moi ». Il fait appel à de grosses pointures, Booba, R. Kelly, Wizkid, MHD, Shay, Aya Nakamura, Keblack & Naza. « Des artistes de plusieurs générations qui apportent un côté différent à l’album ». Comment les connexions se sont-elles faites ? « R. Kelly ça fait déjà très longtemps qu’on se connaissait, on avait déjà collaboré auparavant. On a gardé de bons rapports. Quand je lui ai demandé de faire une chanson, limite c’est lui-même qui voulait qu’on fasse un titre pour les femmes. Avec Booba on s’est rencontré par le biais de plusieurs amis en commun, on avait plusieurs projets ensemble. On a voulu sortir d’abord Kiname et c’est le jour du tournage qu’on trouve le titre du morceau. Il était temps pour moi de faire une collaboration avec un artiste de ce calibre. Wizkid ? C’est le même cas qu’avec R. Kelly, c’est comme un frère. On devait collaborer depuis, puisque chacun de son côté bougeait beaucoup c’était difficile de se voir. Finalement lorsqu’il fut de passage à Paris, on profite pour enregistrer ce titre ».

Je suis un pur mélange de Kinshasa et de la culture parisienne

Le succès de « Kiname » ? Le titre avec le Duc de boulogne permet à Fally d’être le premier artiste congolais à décrocher un single d’or avec plus de 10 000 000 millions de ventes (téléchargements + streaming). Un chef d’œuvre face auquel il reste plutôt modeste, il retient de cette collaboration surtout de la positivité. Kinshasa ou Paris ? « Je suis kinois (natif de Kinshasa), je suis « Kiname ». Paris c’est ma deuxième ville, je fais des allers-retours, mes enfants grandissent ici, je suis un pur mélange de Kinshasa et de la culture parisienne. Paris nous donne aussi une exposition, les plus belles salles sont ici, l’Olympia, Bercy, le Zenith. »

« La musique c’est comme l’athlétisme, il faut se passer les relais ». Du haut de ses 39 ans, c’est un homme mature qui tient à apporter sa pierre à l’édifice de la musique africaine, sa propre team F-victeam illustre sa détermination. Personnage marquant les esprits par ce côté raffiné et un look soigné, il contribue à estomper les clichés qui entourent les artistes congolais en Europe. « Tokooos » est la preuve qu’il n’a rien perdu, il est resté authentique. « Eloko Oyo » lui permet de rester fidèle à son public de base. « Je ne fais pas des sons, je fais des chansons », derrière ce leitmotiv transparaît l’esprit d’un travail musical recherché. « Pour la promotion de l’album, les spectacles, je me dois de ramener le côté live. Les gens qui me connaissent depuis 2005 savent que je suis un amoureux du live, et je vais faire plaisir à tous le monde ».

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