De l’explosion du titre « Ouloulou » jusqu’à la sortie de son premier album, le rappeur de Sevran n’a rien éludé…
Classé dans notre liste des 11 rappeurs à suivre en 2018, Dabs avait explosé avec son hit Ouloulou. Une explosion aux 50 millions de vues aussi soudaine qu’inattendue, plaçant encore un peu plus Sevran sur la carte du rap français de la deuxième moitié des années 2010. Loin de se précipiter, l’auteur du tube a pris son temps afin de perfectionner son art et livrer un rap qui lui ressemble, fait de punchlines violentes et de sévères mélodies. Aujourd’hui, il livre un premier album qui, plus qu’une simple carte de visite, ressemble déjà à un premier bel accomplissement : Mainmise.
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A tes débuts, tu citais parfois Claude François dans tes influences… C’est toujours le cas ?
Je l’attendais celle-là ! Quand j’étais petit, mes tantes écoutaient du Claude François. J’ai écouté ça, forcément, et en grandissant je me suis intéressé au personnage. J’ai plus kiffé le personnage que sa musique, c’est un mec qui était minutieux et je me retrouve là-dedans. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai mis du temps à faire ce projet-là, car chez moi il faut que tout soit carré. Je connais donc beaucoup de morceaux à lui, sa carrière, etc. Les thèmes développés dans ses sons sont parfois assez profonds, c’est ce que j’aime aussi. Si tu captes son comportement, le mec est déjà en mode rappeur, il kiffe les meufs, les belles voitures, il roulait à 200 km/h sur le périph’ (rires) !
Dans « Ouloulou », on captait d’ailleurs ce délire variet’ dans le refrain.
Dans ce morceau, il y a un bon équilibre. Sur les couplets, t’as du rap avec de la punchline, donc ceux qui aiment ça s’y retrouvent. Et ceux qui aiment les refrains chantés, du genre à rester dans le crâne, kiffent aussi. En fait, quoi que tu aimes, tu peux tomber dedans, que tu sois un mec du 15ème arrondissement de Paris ou un mec de quartier. Tout le monde s’est retrouvé dedans, c’est pour cela qu’il a bien marché.
Ouloulou, j’ai dû l’écouter 15 fois dans ma vie. Pas plus
T’as d’ailleurs déclaré que tu n’aimais pas tellement ce morceau.
Le jour où j’ai fait Ouloulou, j’étais en train d’enregistrer un morceau afro qui n’est d’ailleurs jamais sorti. Alors que je bossais sur un titre chanté, mon cousin m’a demandé si je savais encore rapper. J’ai répondu que bien sûr, j’en étais capable et je suis allé sur YouTube taper « type beat Booba ». Je suis tombé sur l’instru d’Ouloulou et ça m’a fait penser au gimmick de B2O. Avant de faire les couplets, j’avais déjà ma topline en tête qui pouvait fonctionner sur le refrain. Une fois le morceau terminé, mon cousin m’a dit de ne rien changer. Même pas la topline que je voulais un peu habiller. J’ai laissé ça comme ça et ça a pris. Sachant que je ne me suis pas investi dedans comme un dingue, que c’est venu au feeling, je ne l’ai pas tant kiffé que cela. En tout, j’ai dû l’écouter 15 fois dans ma vie, pas plus.
T’es quelqu’un de minutieux et pourtant, c’est peut-être le titre sur lequel tu t’es le moins pris la tête.
C’est vrai qu’au final, moins tu te prends la tête sur un morceau, plus il fonctionne. C’est l’impression que ça peut donner. Les morceaux sur lesquels je me suis le plus pris la tête, ce sont ceux qui ont moins de vues sur YouTube. J’ai l’impression qu’on est dans une époque qui va vers une certaine facilité, il faut qu’à la première écoute, l’auditeur se prenne le refrain. Il faut que ce soit instinctif pour que le public suive. Si c’est trop calculé, il sent le truc.
Ton écriture mélange humour, bons mots et grosses punchlines, d’où ça te vient ?
On va dire que c’est ma marque de fabrique. Quand tu écoutes du Dabs, tu t’attends à ce qu’il y ait de la punchline et parfois de l’humour. J’ai grandi sur du Booba, du Rohff, du Kery James et à l’époque les textes étaient profonds. Il fallait vraiment performer, c’était un moment où on devait livrer de gros textes. Moi, j’ai grandi à cheval entre plusieurs générations, je suis dans un entre deux. Donc j’ai ce truc avec les punchlines, mais aussi avec les choses plus drôles.
Il faut que ce soit instinctif pour que le public suive. Si c’est trop calculé, il sent le truc
Sevran, c’est une composante de ta musique. Quel est ton rapport à la ville ?
C’est quelque chose que j’ai toujours mis en avant. Dans le clip de 2.7.0, si je montre ma ville, c’est vraiment pour qu’on la voit telle qu’elle est. Sevran, c’est vraiment ça. Au-delà des paroles, je voulais montrer Sevran directement, via l’image. Je ne voulais pas faire un clip avec un côté déjà fait. Il y a un délire qui peut rappeler Pour ceux par exemple, mais ça n’est pas du Pour ceux. Ce que j’ai kiffé, c’est que la plupart des rappeurs de la ville étaient bien là : Maes, DA Uzi, Zefor du 13 Block… Cela m’a vraiment fait plaisir.
Dans votre scène, chacun à son propre style : Maes, 13 Block, DA Uzi, toi…
Ce qui est bien à Sevran, c’est que tu ne peux pas dire que Dabs rappe come Maes ou que DA Uzi rappe comme 13 Block. DA Uzi a un style particulier, bien à lui. 13 Block c’est ricain, mais ça reste la rue. Maes peut aussi bien chanter que rapper… On vient de la même ville, mais on n’a pas le même style. Même au niveau des textes, on ne raconte pas la même chose, c’est un truc de fou (rires) ! Comme je l’ai déjà dit en interview, Sevran, c’est la capitale du rap (rires) ! On va faire en sorte que ça ne bouge pas, mais tant qu’on reste comme on est, pas de problème. Après, l’année 2019 va être riche avec de nouveaux rappeurs…
Comment t’as vécu les validations comme notre liste des « Rappeurs à suivre » ou ta présence sur le projet « 93 Empire » ?
Evidemment, quand on te sélectionne, ça te fait plaisir. J’ai toujours eu un bon rapport avec les médias rap. Faire une apparition sur 93 Empire, c’est une bonne expérience aussi, cela m’a permis de faire un featuring avec Fianso, qu’on ne présente plus. C’est un rappeur qui est très chaud, donc t’as intérêt à arriver avec un gros couplet. Le rap français, c’est aussi ça, c’est une sorte de compétition. Je trouve que le morceau était bon et en plus, ils m’ont mis sur toute la promotion. Cela m’a bien préparé et m’a aidé à être plus à l’aise en interview. Avant, je ne l’étais pas forcément. J’étais assez réservé. Etre aussi à l’aise, ça m’a pris un peu de temps… Mais maintenant, on est lancé, c’est pas compliqué. Quand t’es un rappeur qui fait de la punchline, tu es obligé d’expliquer qui tu es. Aujourd’hui, les gens s’intéressent parfois plus au personnage qu’à la musique, donc en interview il faut faire attention et montrer qui tu es réellement.
Quand t’es un rappeur qui fait de la punchline, tu es obligé d’expliquer qui tu es
Sur « Mainmise », les feats son assez inédits : Orelsan et Aya Nakamura.
Les noms que tu trouves sur la tracklist, ce sont ceux d’artistes confirmés. Orelsan a plein de certifications, il a fait quatre fois Bercy… Aya Nakamura est en train de réaliser un truc de dingue. Ce sont des artistes que j’aime écouter, sinon jamais ils n’auraient été sur le projet. En plus, j’ai fait ces featurings car humainement avec eux, ça passe extrêmement bien. Aya, je la connais depuis longtemps et Orelsan m’a déjà invité lors d’un Planète Rap. Cet album, je le vois comme une carte de visite, pour que le public comprenne mon univers. Quand tu passes d’un 2.7.0 à un Gucci Gucci, c’est normal de ne pas comprendre ce qu’il se passe. Du coup, le projet est là pour ça.
Ils se fondent dans ton univers et vice-versa.
Les avoir sur un premier album, c’est comme un accomplissement. Je vais pouvoir dire « j’ai posé avec Orelsan et Aya Nakamura ». Si t’écoutes bien, c’est vrai qu’ils rentrent dans mon univers et moi dans le leur. Par exemple, Orelsan est du genre à kiffer les punchlines un peu bêtes, marrantes… Et moi aussi, mais personne aurait pu penser qu’on aurait pu faire un feat ensemble. Pour ce qui est d’Aya, je voulais partir sur un truc basé sur la mélodie, car oui, j’aime le zouk (rires). Je n’ai aucun mal à le dire ! Il n’y a pas beaucoup de rappeurs qui osent le dire. Moi je le dis en vulgarisant de ouf, il faut de la zumba parfois. On aime le rap, mais aussi les morceaux avec de la mélodie. Puis cela peut toucher un public plus large.
Cela peut rester street dans les paroles, comme dans « Gucci Gucci ».
Oui, t’as de la mélodie, mais ça reste la rue. J’ai un autre morceau, Yeux verts, dans lequel je parle même d’amour. Le truc que j’ai trouvé pour rester moi-même, c’est d’arriver avec des couplets doux, mais un refrain plus violent. Le plus important, c’est de garder ton identité dans les paroles, et cela qu’importe la mélodie. Même dans une comptine, je vais sortir de grosses punchlines (rires) ! C’est pas parce qu’un morceau est dansant qu’il faut dire de la merde.
Le moindre truc que je vois je vais être obligé de le décrire
Tu arrives toujours à faire la différence dans la description, l’observation.
T’as des rappeurs qui vont vivre un tas de situations mais qui n’arrivent pas à les raconter. Moi, le moindre truc que je vois je vais être obligé de le décrire. Là on est dans un bar, avec des verres devant nous, c’est un truc que je peux retenir. Quand je me mets à décrire des trucs, ce sont des choses qui arrivent à tout le monde dans la vie de tous les jours. C’est ce qui peut parler à tous.
Pour terminer, plus jeune, tu t’imaginais débarquer un jour avec un album ?
Ouais, parce que le premier album que j’ai écouté, c’est Si c’était à refaire de Kery James. Un album plutôt mélancolique, profond, qui ne parle quasiment pas de rue. Et quand j’étais petit, j’étais grave sensible à la poésie, Kery James avait de ça. Booba avait ça aussi, en plus cru. Tout comme Rohff ou plus tard Tupac ou Biggie qui m’ont donné envie de faire du rap. C’est limite caricatural et assez drôle, mais plus jeune, une prof m’avait demandé ce que je voulais faire plus tard. J’ai répondu que je voulais faire du rap et elle m’a juste sorti : « bon courage ». Elle me laissait seul au fond de la classe et soit j’écrivais des textes, soit je dessinais. On va dire que j’y suis arrivé (rires) !