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A2H : « Mon album est un hommage aux femmes » [INTERVIEW]

A2H : « Mon album est un hommage aux femmes » [INTERVIEW]

Des sentiments en pagaille et des expérimentations musicales, bienvenue dans le nouvel album d’A2H, « L’Amour ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Artiste aux multiples projets, A2H est de ceux qui se dépensent sans compter. Musicien accompli, rappeur aux influences larges, il s’est au fil des années débarrassé des étiquettes pour parler en son nom. Rien de plus normal donc de le voir aborder le sujet de L’Amour avec un grand « A » dans son nouvel album. Un opus qui le classe comme narrateur d’une époque dans laquelle les femmes ont un gros rôle à jouer, évidemment. Rencontre dans les locaux de Booska-P.

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On va commencer par aborder la couleur musicale de ton album, tu abordes plein de styles différents !

Je suis un mordu de musique de manière générale, de r’n’b, de rock, blues, soul, musique brésilienne. Du coup, je me suis demandé quel était le meilleur moyen pour placer tous ces styles dans un album. La cohérence de cet album tient grâce au thème et pas grâce au style musical. Faire un album à thème, ça permet d’explorer ce que tu veux. Cela faisait longtemps que je voulais dédier un album aux femmes. Là, il y a 18 titres, mais je voudrais en mettre beaucoup plus. Musicalement, je me suis éclaté à lier tout ça.

On peut dire que tu n’as pas fait semblant, avec de la pop, de la funk…

On est y allé les deux pieds dedans ! J’ai toujours été un gars chelou dans ce rap céfran : j’ai travaillé sur des trucs chelous, avec des gens très différents, tu pouvais me croiser à Grigny avec des OG’s comme à Paris avec des bobos. Je ne mets pas d’étiquette sur les gens, je vais là où ça me plaît. Certains me le reprochent et me disent que c’est à cause de ça que j’ai un peu moins d’exposition… C’est une question de point de vue, car là où j’ai grandi, je suis déjà un privilégié de fou. Je vis du rap depuis 2012 et c’est quand même une chance de vivre de sa musique. J’ai des frères en intérim, en galère ou dans la bicrave, donc je ne me considère pas comme quelqu’un qui n’a pas réussi, au contraire. En fait, on est au début du parcours !

Si je perds le kiff, je préfère aller faire un autre job

Cet opus, c’est un kiff de musicien.

C’est essentiel pour nous. Moi, si je perds le kiff, je préfère aller faire un autre job. Je ne peux pas faire ça sans kiff. Nous sommes des zicos, on a grandi là-dedans, même si on a une grosse histoire avec le rap, car j’aime toujours kicker, etc. Je fais donc de la guitare, j’ai des claviéristes, d’autres ont des formations avec plusieurs instruments… On est des musiciens, même si on vient de la street. On vient d’un milieu précaire, donc on n’a pas eu l’éducation musicale qui va avec les cours de piano super chers, mais on aime ça, la musique au sens large. Même les plus cailleras de l’équipe écoutent du gospel. La prise de tête que certains artistes ont au niveau des textes, moi je l’ai avec ma musique. Même s’il y a des choses que le public lambda ne va pas capter, il faut qu’au niveau des arrangements et des constructions ce soit haut de gamme… Cela reste un truc de geek, un truc à nous (rires) !

C’est une forme d’aboutissement de lier thème et expérimentation musicale sur tout un projet ?

Libre, l’album d’avant, a été très bien accueilli et nous a permis de faire une tournée avec pas mal d’émulation avec le public. Il y avait un truc très charnel, très deep avec le public car je me suis confié dans ce projet et les gens se sont reconnus dedans. Pour moi, Libre est donc le dernier projet de l’ancien A2H quand L’Amour est le premier projet d’un nouveau A2H (rires).

Comment on arrive à parler d’amour sur tout un album ?

Je suis arrivé en 2011 avec toute une génération, Deen, Joke, L’Entourage… Je pense qu’on avait, à ce moment-là, tous le même état d’esprit : kicker et faire notre place. Moi j’étais dans un déliré de foncedé, avec tout le temps plein de weed, de meufs, etc. Mais dans Libre, j’ai un morceau qui s’appelle La dernière fois, dans lequel je parle d’une dernière défonce. C’était vrai, j’ai tout arrêté après cet album, la weed et l’alcool. J’étais donc dans une nouvelle dynamique et je me suis demandé ce qui m’animait. Ce n’était ni la weed, ni le kick, mais bien les meufs. J’ai grandi avec ma mère et mes tantes, ensuite, je me suis mis en couple, puis séparé, avant d’avoir des histoires, de me remettre en couple… En fait, les femmes jalonnent ma vie. C’est peut-être la vie de plein d’autres gens, mais les femmes ont une réelle importance chez moi.

j’ai tellement d’histoires en rapport avec les meufs qu’il fallait leur rendre un hommage

Puis l’amour, c’est un sentiment universel.

Oui, ça a rythmé ma vie. J’ai grandi tout seul avec ma mère, puis avec mes tantes. Les problématiques des femmes, je les connais. J’ai toujours mes gars avec moi, mais quand même, j’ai toujours eu ce besoin. Avec ou sans notoriété, j’ai tellement d’histoires en rapport avec les meufs, qu’il fallait leur rendre un hommage. Cela a été tellement dur de faire seulement 18 morceaux ! Il en faudrait beaucoup plus pour tout raconter !

On sent que c’est peut-être le sujet qui t’inspire le plus.

Quand j’ai abordé le sujet, je me suis mis en tête de le faire par le prisme de la relation « homme-femme », mais il y a tellement d’autres possibilités. Tu peux aussi parler de la famille et des amis. J’ai eu envie de parler de ça, car je voulais mettre la femme à l’honneur. Je n’ai pas peur de dire que, même si les textes sont crus, c’est un album féministe. J’ai un énorme respect de la femme, je sais qu’élever un enfant seul, c’est dur. Je ne me permets jamais d’être péjoratif, quand je pique, c’est pour taquiner, mais j’arrive à comprendre l’enjeu d’être une femme en 2018. La société peut mettre les femmes dans une case et c’est compliqué d’en sortir. J’espère que l’album ne va pas être jugé comme misogyne, car ce n’est pas le but.

Dans le rap, on a eu une période où le thème de la michto dominait dès qu’on osait parler de meufs.

Oui, il y a longtemps eu ça. Là, j’avais la volonté de changer un peu le délire. Je suis un grand fan de l’album 808s and Heartbreak de Kanye West, mais aussi de Songs About Girls de Will.i.am… Ils explorent plein de trucs, avec toujours ce lien avec les femmes. Pareil avec Prince, qui est plus sexuel, tout comme Jimmy Hendrix. Quand tu parles d’amour, tu es obligé d’être sincère. Ce n’est pas un egotrip… Tu peux parler de tes émotions, comme de tout le reste. Je me suis rendu compte que cet album, c’était comme une thérapie, un focus sur ma vie sentimentale à 30 piges. Certains ont déjà des gamins et toi, tu te remets en question… C’était agréable à faire.

ce projet est dédié à plusieurs femmes, car tout ce que j’y raconte est vrai

L’Amour m’a aussi fait pensé à Lil Wayne dans la manière d’aborder le sexe.

Avec le sexe, je n’ai pas de tabou, je suis libéré par rapport à ce sujet. Je peux en parler tranquille, même s’il y a un prisme autour de ce sujet qui fait que les gens ne sont pas à l’aise avec ça. Je pense qu’il y a un gros manque chez beaucoup de monde, il y a des gros problèmes de compréhension quand t’es un ado. Quand tu viens de nos milieux aussi, c’est tabou, c’est compliqué de trouver du monde pour en parler, c’est une vraie problématique. J’ai voulu aborder le truc d’une manière libre, qu’on dise « le sexe, c’est facile ». Soyez comme vous êtes, rigolez avec ça, ce n’est pas une chose négative. Il y a des sujets qui méritent de la légéreté, du naturel.

Tu disais dans un précédent portrait chez Booska-P que tu en avais marre de devoir te justifier… Pourtant, il va falloir que tu nous expliques ta cover !

Aujourd’hui, je m’en fiche de me justifier, je n’en veux à personne. Moi, je suis contre la négativité. Donc on n’y est pas allé avec des pincettes (rires) ! Au départ, on a fait une photo où j’étais allongé au milieu de plein de filles. Mais cela ne collait pas à ce que je voulais, ni au message de l’album. Il fallait mettre en avant les femmes et la musique seulement, ce que Fifou a réalisé avec la guitare au centre de la cover. C’est un projet dans lequel je me livre, donc même si la pochette est explicite, elle n’a rien de vulgaire.

même si la pochette est explicite, elle n’a rien de vulgaire

Ce projet est-il dédié à une femme en particulier ?

Il est dédié à plusieurs femmes, car tout ce que j’y raconte est vrai. Tout est réel, quand je parle de la conseillère de la banque, c’est qu’il s’est vraiment passé quelque chose avec elle (rires) ! Pareil quand je parle de m’envoyer en l’air dans un taxi, mais aussi pour les relations compliquées. Par exemple, j’ai un texte qui traite d’une rupture difficile qui datait de 5 ans, mais que je n’arrivais pas à cracher… C’est un hommage aux femmes de ma vie. Certaines vont être choquées que je raconte des choses, mais je ne donne pas de noms. Il n’y a pas de fiction, j’ai voulu être le plus sincère possible.

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