Tatouages, tresses, bijoux, bandages… sur et dehors des parquets, l’arrière des Philadelphie Sixers reste dans les coeurs comme le plus street et le plus stylé de tous les basketteurs. Et ses sneakers n’y sont pas pour rien, la preuve.
Tant de fois l’histoire d’Allen Ezail Iverson aurait pu être si différente.
Il aurait pu ne jamais prendre le basket au sérieux si sa mère ne l’avait pas poussé à délaisser le foot US pour mieux se concentrer sur ses dribbles… Il aurait pu croupir 15 longues années en prison si le gouverneur de l’état de Virginie ne l’avait pas gracié suite à sa condamnation pour une rixe musclée dans un bowling… Il aurait pu n’être qu’un basketteur extrêmement talentueux s’il avait accepté de se conformer aux desideratas d’une NBA très soucieuse de maintenir les apparences…
Une drôle de trajectoire pour celui qui du haut de son petit mètre 83 est unanimement considéré comme le meilleur « little big man » de l’histoire de la balle orange.
Reste qu’au-delà de tous ses titres et distinctions (4 fois meilleur scoreur, 3 fois meilleur intercepteur, MVP de la saison régulière en 2001, 11 sélections au All-Star game…), c’est en tant qu’icône culturelle qu’Allen Iverson a le plus marqué les esprits, incarnant comme aucun autre athlète avant lui la fusion entre le monde du rap et le monde du sport – pour le meilleur et pour le pire.
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Si tout n’était pourtant pas écrit à l’avance donc, bien avant de jouer son premier match pro, Reebok avait déjà un œil sur lui.
Au milieu des années 90, l’équipementier alors complètement à la dérive dans sa guerre des parts de marché face à Nike recherche désespérément la perle rare capable de relancer la machine (en 1987 la marque au Swoosh n’accaparait que 18% du marché des sneakers contre 30% pour son homologue britannique, en 1996 ce rapport était passé de 43% contre 16% en sa faveur).
La cuvée de la draft 1996 a beau être extrêmement relevée (Kobe Bryant, Steve Nash, Ray Allen…), A.I. est celui qui attire tous les regards.
Pour s’offrir ses services, Reebok met le paquet en lui offrant un contrat de 50 millions de dollars sur 10 ans, un record pour l’époque, ainsi que le lancement de sa propre ligne de sneakers dès sa première saison.
[Comme Allen l’a rappelé à de nombreuses reprises, voir pour la première fois un ado porter ses chaussures figure parmi ses plus grands accomplissements professionnels.]
Le pari séduit le tout nouvel arrière des Sixers qui bien que grand fan de Michael Jordan (et de ses Concord XI), décide de tenter l’aventure, contrairement à ce que lui préconise une bonne partie de son entourage.
Étonnamment, Iverson ne s’engagera avec aucune autre marque. Il aurait pu servir de tête de gondole pour des sodas, des voitures, des barres énergétiques, mais non. Le roi du crossover va même jusqu’à décliner les appels du monde de l’entertainment (comme quand Spike Lee le courtise pour He Got Game ou quand Brandy et Monica lui proposent le rôle-titre du clip du tubesque The Boy Is Mine).
« Si j’avais voulu jouer la comédie, j’aurais fait acteur. Je ne joue pas au basket parce que je veux faire l’acteur. Je ne joue pas au basket parce que je veux faire du rap. Je ne joue pas au basket parce que je veux lancer une ligne de vêtements. Je joue au basket parce que j’aime profondément jouer au basket » déclare-t-il un jour.
De là découle peut être ce lien si particulier établi avec l’équipementier. Quand Iverson s’engage, c’est à fond. Avec lui le juste milieu n’existe pas.
Résultat, près d’une vingtaine de modèles verront le jour tout au long de sa carrière, principalement déclinés autour de deux noms : The Answer et The Question.
Voici une sélection des 8 meilleurs et les anecdotes qui vont avec.
8. The Answer XI (2007)
Attention basket concept.
Dessinée par un jeune talent de 26 ans, Drew Winfield (déjà responsable des G6-3 G-Unit), cette douzième collaboration se veut une illustration des deux facettes de la star : son « immortalité » et sa « mortalité ».
La sneaker (qui a des faux-airs de chaussures de running back) concilie deux styles distincts, à l’image du signe des gémeaux sous lequel est né d’Allen. Pas dit que tout le monde ait capté la subtilité, mais l’intention est là.
Pour les neuf petits matchs que dureront sa dernière saison sur les parquets chez les Sixers, Chris Webber choisira de les porter.
7. Reebok Answer VII (2003)
Sportivement la campagne 2003/2004 s’est révélée assez compliquée entre les blessures et le départ de son coach/ mentor Larry Brown. Philly manque ainsi les playoffs pour la première fois depuis longtemps.
Niveau style, l’honneur est sauf avec cette paire d’A7 d’excellente facture, et de surcroît très agréable à porter.
La campagne de publicité voit Iverson reprendre balle en main la montée des marches d’un de ses concitoyens les plus célèbres : Rocky Balboa.
6. The Answer (1997)
Malgré une petite baisse de forme statistique par rapport à sa première saison, cette seconde paire dédiée occupe une place à part dans la série et pas seulement pour son design qui lorgne vers le workwear.
Plus légère, plus confortable, elle incorpore plusieurs nouveautés comme le système DMX et l’apparition du logo I3.
Reebok rebaptise la série The Answer et Iverson hérite là d’un nouveau surnom qui ne le quittera plus.
5. The Answer VI (2002)
Sobre et élégante, cette sixième édition dont le design s’inspire d’une grenade dit au revoir au système DMX et le remplace par des semelles TPU. Le zipper fait son retour.
Plus explosive, plus proche du sol, la chaussure reflète parfaitement le style d’Iverson. Une multitude de coloris sont proposées à la vente, dont le très patriotique rouge-blanc-bleu.
Question promo, le basketteur s’associe une nouvelle fois avec Jadakiss à ceci près que cette fois-ci A.I. balance quelques mesures. Jewelz is back !
« Ballers wanna be rappers, rappers wanna be ballers »
4. The Answer XII (2008)
Surnommées les Invictus en raison de l’extrait du célèbre poème de William Ernest Henley imprimé sur le talon : « Je n’ai ni gémi ni pleuré. Meurtri par cette existence. Je suis debout bien que blessé. »
Écrit en 1875 à la suite d’une amputation du pied de son auteur, il s’agit du poème préféré de Nelson Mandela – le film de 2009 qui lui est dédié lui doit d’ailleurs son titre.
Combinant à merveille les inspirations des précédentes sorties de la gamme, ce douzième modèle sera peaufiné jusqu’au dernier moment et même plus : Iverson doit ainsi débuter les deux premières semaines de la saison avec d’anciens modèles aux pieds.
3. The Answer V (2001)
Cumulant les titres de meilleur marqueur et de meilleur intercepteur de la saison avec 31,4 points et 2,8 interceptions par match (son record personnel), le numéro 3 au sommet de sa popularité signe cette même année un contrat à vie avec Reebok – un prolongement qui lui garantit un bonus de 30 millions de dollars le jour de ses 55 ans histoire d’assurer ses vieux jours.
Pour couronner le tout, Iverson s’associe à Jadakiss pour tourner la pub la plus street jamais diffusée sur les réseaux mainstream.
Les plus techniques pointeront son poids un peu élevé (attendez les 9 ou les 10) et son manque de stabilité, tandis que les plus esthètes apprécieront l’attention portée aux détails (strap Vlecro, logo I3 près de la cheville, semelles à l’image du Christ…).
2. The Question (1996)
Désignée avant même la signature officielle d’Iverson chez Reebok (raison pour laquelle on peut l’apercevoir dans le clip Hypnotize de Notorious BIG), la sneaker tire son nom des multiples interrogations dont le rookie fait l’objet à l’époque : vaut-il vraiment tout cet argent ? sera-t-il le nouveau Jordan ? son caractère se pliera-t-il aux exigences de sa nouvelle vie ?
Immédiatement reconnaissable grâce à son embout couleur vive et son Hexalite ostentatoire (sans oublier ses lacets très inspirés des AJ 11), c’est avec cette paire qu’il a crossé sans vergogne son idole Michael Jordan.
Reebok réédite ce modèle extrêmement régulièrement, et l’a fait y compris lorsqu’A.I. jouait pour les très jaunes et bleus Denver Nuggets.
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1. The Answer IV (2000)
« If I don’t look good, I ain’t playing good » balança un jour Allen Iverson aux réprésentants de Reebok.
S’il est une paire qui au final symbolise à elle seule tout le personnage c’est celle-là. Légère, flashy elle tranche tant par ses qualités techniques que par son style encore aujourd’hui si singulier.
Équipée d’un chausson zippée que les plus soignés ne manqueront pas de ne jamais fermer complètement, les IV accompagnent le zénith sportif du Sixers qui s’arroge cette année le titre de MVP de la saison régulière (et aussi celui de meilleur marqueur, et de meilleur intercepteur, et de MVP du All-Star game), mais qui aussi et surtout emmène à lui seul Philadelphie en finales NBA.
Les spectateurs du game 1 où il a planté 48 points s’en souviennent encore. Tyronne Lue aussi.
Mention spéciale aux Answer IX qui bien que particulièrement disgracieuses (l’ajout du système Pump les fait ressembler à des grolles pour cosmonautes) ont connu leur heure de gloire grâce à l’inoubliable campagne de pub I Am What I Am.