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La Yeezy Red October, la première paire qui les a tous rendus fous

La Yeezy Red October, la première paire qui les a tous rendus fous

Dans le l’histoire des sneakers, il y a eu un avant et un après cette sortie…

Si l’envie vous prend sans plus attendre de vous payer une paire flambante neuve de Nike Air Yeezy 2 Red October, sachez qu’il vous en coûtera au minimum 10 000 euros.

Et si c’est une paire signée de la main de Kanye West lui-même qu’il vous faut, l’argent ne suffit pas : en 2014 un fan du rappeur qui a eu la chance de voir son idole dédicacer ses sneakers lors d’un concert a préféré les garder pour lui plutôt que d’accepter une offre à 98 000 dollars !

Bien entendu, la question qui se pose immédiatement dans la tête de ceux pour qui les baskets sont avant tout faites pour marcher c’est comment a-t-on pu en arriver là pour une paire vendue initialement 250 dollars, composée essentiellement de synthétique et qui de surcroît ne va avec rien ?

Pour y répondre, il est nécessaire de comprendre un truc primordial : au début de la décennie, les Yeezy Red October ont bouleversé à elles seules ou presque les mentalités.

Certes, à l’instant T pour citer Matt Powell, l’un des analystes les plus réputés du monde de la chaussure de sport, « à grande échelle il s’agit d’un non-évènement, on parle de quelques milliers de paires là où Nike en écoulait 180 millions », sauf qu’en fait pas vraiment.

En tout cas pas pour ceux qui brûlent un cierge à chaque raffle ou font et refont leurs comptes à l’infini pour pouvoir renchérir au resale.

Plus encore que n’importe quelle Jordan ou collab’ avec une célébrité, les Red October ont en effet marqué l’avènement d’un marché nouveau : celui de la hype, des sneakerheads et des médias spécialisés.

Un marché aujourd’hui tout sauf de niche pour peu que l’on considère que les modes et tendances se diffusent de manière pyramidale, que tout part à la base d’une poignée de passionnés pour ensuite se retrouver dupliquées jusqu’à saturation.

Et question passion, Kanye Omari West se pose là.

Fou de fringues depuis le départ, dès ses premiers pas dans le monde de la musique au début des années 2000 il se distingue en adoptant un style d’inspiration preppy (coupes resserrées, « pink polos » et sacs à dos Louis Vuitton) qui tranche radicalement avec les canons XXXL en vogue à cette période.

Mieux, loin d’être un simple consommateur, l’auteur du Late Registration s’intéresse très vite à la mode en tant que telle, lui qui en dehors des studios se fait très souvent voir aux premiers rangs des défilés et fréquente dans le privé certains cadors du milieu comme Hedi Slimane, le designer en chef de chez Dior Homme.

C’est ainsi qu’à ses heures perdues, celui qui la plupart du temps porte aux pieds soient des Jordan 1 Bred ou des Jordan 6 Infrared dessine des croquis de sneakers avec dans l’idée de créer un jour de A à Z sa propre paire.

Coup du destin, la légende veut qu’en 2007 il se retrouve dans le même avion que Mark Parker, le PDG de Nike (le type assis à gauche sur la photo ci-dessus).

Tout aussi passionné par les rapports comptables que par les sneakers, Parker, qui a débuté sa carrière au sein de la firme de l’Oregon en tant que designer et à qui il est arrivé de collaborer à plusieurs reprises avec le grand Tinker Hatfield, s’engage alors dans une discussion passionnée sur le sujet avec West. Ce dernier ne résiste alors pas au plaisir de lui montrer ses croquis.

Enthousiasmé par ce qu’il voit, une fois arrivé sur la terre ferme, selon le rappeur Mark Parker aurait aussitôt clamé devant son entourage : « Ce type est intéressant, faisons une chaussure avec lui. »

De là, l’idylle entre Kanyeezy et Nike démarre pour de bon – la Nike Air 180 College Dropout de 2006 ça compte pour du beurre hein.

L’échauffement

S’il n’est pas exactement clair de savoir quand ‘Ye a signé chez Nike, toujours est-il que courant 2008, le rappeur est aperçu avec différents prototypes, notamment sur la scène de la cérémonie des Grammy Awards (photo ci-dessus).

Il faut toutefois attendre avril 2009 pour que sorte la Nike Air Yeezy, la première collaboration entre la marque au Swoosh et un non-athlète – voire la première « vraie » collaboration entre un non-athlète et un équipementier pour peu que l’on considère les S.Carter de Jay Z, les G-Unit Sneakers et autres Pharrell Ice Cream comme des bananes.

Disponible en trois coloris, l’engouement est immédiat.

Blogueurs, blogueurs stars, stars… la paire se retrouve au centre toutes les conversations du fait de son positionnement unique à une époque où les marques de luxe comme Gucci et Balenciaga snobaient les sneakers et où Off-White et Fear of God n’existaient pas.

Malgré cette effervescence, cela n’empêche pas Kanye de prendre trois longues années pour concevoir ses successeurs, les Nike Air Yeezy 2.

Là encore, l’attente participe à bâtir une excitation sans précédent, d’autant plus que musicalement, entre My Beautiful Dark Twisted Fantasy en 2010 et Watch The Throne en 2011, il marche sur l’eau.

Patiemment teasée (genre une pub blockbuster avec Kobe Bryant devant la caméra et Robert Rodriguez à la réalisation), la paire sort en juin 2012 dans deux coloris, Platinum et Solar Red.

Sold out en rien de temps, si elle n’est pas rééditée, il se murmure aussitôt qu’un troisième coloris est sur le point d’être proposé en magasin.

Grisé par ce succès, ‘Ye se vante sur New God Flow d’avoir mis la fessée à la Jordan Brand (« Look I’m not trying to stunt, man, but these Yeezys jumped over the Jumpman »).

De là, les ennuis commencent.

La naissance du mythe

Au mois d’octobre, Gentry Humphrey, cadre chez Nike Sportswear, répond sur Twitter à un abonné lui demandant si une troisième édition est en cours : « Things r still n the works ».

Pas de quoi casser Internet, si ce n’est qu’un bruit insistant veut que la Nike Zoom Kobe VII Cheetah (base violette contrastée par des touches de rose et de blanc, semelle « glow in the dark ») servirait de base… à ceci près qu’émerge au même moment sur toile un sample qui n’a rien à voir : la Nike Air Yeezy 2 Cement.

Mystère de l’internet, six mois plus tard, le 5 avril 2013, le collectionneur Simon5302 poste sur son compte Instagram la toute première photo d’une Yeezy 2 entièrement rouge (à l’exception des lacets gris à bouts dorés) qu’il surnomme la « Nike Air Yeezy 2 Red ».

Caption : « Peut-être s’agit-il des prochaines Yeezy ? Vous les coppez ou pas ? »

Quelques semaines plus tard, le 18 mai, l’excitation monte sérieusement d’un cran quand, à côté de ce qui apparaît d’une démo de l’album Yeezus, Kim Kardashain partage un premier cliché de la paire sur ses réseaux, tandis que le soir même Kanye lui-même se montre avec dans l’émission de télévision Saturday Night Live où il interprète les morceaux Black Skinhead et New Slaves.

Ambiance ténébreuse, lumières d’outre-tombe… impossible de distinguer clairement autre chose que le rouge vif du modèle.

Un nom, enfin !

En juin 2013, les choses s’accélèrent, quand bien même Nike dément officiellement toute release pour la journée du 16.

Dans Hold My Liquor, la cinquième piste de son éminent Yeezus, le maître des lieux baptise officiellement la paire en rappant « Yeezys all on your sofa, these the Red Octobers », un nom qui rappelle immédiatement le film The Hunt for Red October/À la poursuite d’Octobre rouge (1990) avec Sean Connery en capitaine de sous-marin soviétique qui essaye de rejoindre l’Ouest.

Ni une ni deux, la rumeur enfle que Kanye est un suppôt de Karl Marx qu’un millier de tickets permettant de se procurer la paire seront insérés au hasard dans la boîte du CD Yeezus prévu pour le 18 juin.

Ce n’est malheureusement absolument pas le cas, ce qui n’empêche pas Kanye de continuer de promouvoir avec ardeur ses bébés, entre l’organisation d’un jeu concours sur son site internet kanyewest.com où il met en jeu 50 paires et son apparition au festival newyorkais Governors Ball (ci-dessous).

Ensuite, plus rien pendant six mois.

Pour la première date du Yeezus Tour le 19 octobre à Seattle, Ye est fièrement chaussé de Red October, lui qui croise quand même sur scène le Christ en personne.

L’optimisme est donc de mise quant à une sortie prochaine, ce que confirme son manager et proche parmi les proches Don C qui partage un cliché du binôme Kanye/Jésus de Nazareth sur son Insta accompagné du hashtag #redoctobersimeanjan.

Sauf que le 21 novembre, patatras, c’est le drame.

Le divorce avec la Virgule

En concert au Barclays Center, Kanye West se lance dans une diatribe anti-Nike particulièrement virulente où Mark Parker en prend pour son grade, lui qui est directement accusé de lui mettre des bâtons dans les roues.

« Ils m’ont laissé faire les Yeezy et ils ont vu comment l’univers a réagi. Ils ont alors essayé de minimiser les résultats du mieux qu’ils pouvaient. Mark Parker s’est même permis de me dénigrer, de dire haut et fort qu’il ne comprenait pas pourquoi les gens aimaient les Yeezy. Mais ils les aiment comme moi j’aimais les Jordan quand j’avais dix ans, ils connectent avec elles sur le plan émotionnel et créatif. »

Le rappeur s’est ensuite plaint de ne pas avoir été tenu informé des dates de sortie et de n’avoir à aucun moment été consulté au sujet des quantités distribuées ou des prix proposés.

« Nike veut vous faire croire que c’est de ma faute si vous ne pouvez pas vous les procurer, mais c’est faux. Je voulais qu’il y ait autant de Yeezy que de Lebron, et je les voulais à un prix correct. Il en a été décidé autrement, mais nous allons changer tout ça de fond en comble ! »

Si comme souvent avec Kanye l’exagération est de mise, il n’est pas illégitime de se demander pourquoi diable Parker et son staff ne semblent pas prendre la pleine mesure de la manne financière que représentent les Air Yeezy ?

En réalité le Steve jobs de la sneaker comme il est parfois surnommé estime que la ligne n’apporte tout simplement pas grand-chose de neuf à Nike dont la stratégie globale se veut axée sur l’innovation.

Mélange d’éléments plus ou moins repris aux Air Tech Challenge 2, aux Air Jordan 3 et aux Air Jordan 4, les Yeezys ne sont en sus pas nées de l’unique imagination débordante de West, ce dernier ayant été assisté dans sa tâche par les créateurs maison Mark Smith et Nathan Van Hook.

Parker considère ainsi qu’à ce stade lui signer un chèque en blanc pour gérer sa propre marque façon Jordan Brand constitue un investissement bien trop lourd et bien trop risqué.

Évidemment l’intéressé ne l’entend pas de cette oreille (on n’ose pas imaginer l’ambiance de réunions internes), lui qui suite à sa déclaration coup de massue ne sera plus jamais vu une seule fois sur scène avec des Yeezy.

[Comme il n’existe aucun modèle « design » ailleurs que chez certaines marques de luxe, ‘Ye se reporte alors sur les Visvim FBT Folk Boots, les Balenciaga Arena et les Maison Martin Margiela Future.]

Pas calmé pour autant, il en remet une couche le 27 novembre en interview avec Sway quand ce dernier le relance sur une éventuelle sortie.

« Tu sais ce que Nike m’a répondu quand je leur ai posé la question ?? ‘Nous ne sommes pas sûrs. »

Pire, le 3 décembre, Kanye douche définitivement les espoirs de toute une génération de sneakerheads en annonçant son transfert chez Adidas début 2014.

Fini les Yeezy, fini les Yeezy « all-rouge-everything ».

Alléluia !

Le 20 décembre, Foot Locker annonce pourtant une sortie pour le 27, ce qui paraît somme toute assez logique pour peu que chacune des parties souhaite se faire un dernier billet.

La veille de Noël, virage à 180°, Foot Locker se rétracte.

À partir de là, quand bien même LeBron James, Macklemore ou le basketteur NBA PJ Tucker se font voir avec, plus personne n’y croit.

Le choc est d’autant plus retentissant quand le vendredi 14 février 2014, Nike tweete sans prévenir un très sobre « La Nike Air Yeezy 2 est désormais disponible », suivi d’un lien pointant vers la boutique en ligne.

Ou quand le plus grand drop de l’histoire de la basket est évacué en 43 caractères…

https://twitter.com/booska_p/status/432574746736467969

Toujours est-il que seulement onze petites minutes plus tard il ne reste plus rien, certains acquéreurs n’hésitant pas à mettre aux enchères sur eBay leurs simples tickets de caisse pour plusieurs centaines dollars.

Un comeback dans les tuyaux ?

Vraisemblablement commercialisées à 5 000 petits exemplaires (encore une fois, Nike vend dans les 180 millions de paires par an), les Red October n’ont depuis jamais été rééditées.

D’où les prix délirant au resale, d’où le fait que sept ans après le soufflé ne soit pas retombé.

Il existe néanmoins quelques raisons de croire à une prochaine rétro.

D’une part, parce qu’en 2018, Kanye West s’est tout bonnement excusé auprès de Mark Parker pour son comportement passé, et de l’autre, parce qu’en avril dernier à l’occasion d’un portait réalisé par GQ il s’est prononcé pour un retour des Air Yeezy 1 et 2.

« Ce que les kids veulent, ce que les gens veulent, ils devraient l’avoir. »

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