Si l’histoire ne nous dit pas encore si Ye’ est selon ses propre mots le « Shakespeare/ Galilée/ Steve Jobs/ Léonard de Vinci » de notre temps, toujours est-il que le bonhomme se pose là (et pas qu’un peu) en matière de sneakers…
Dès son irruption sur la scène rap en tant qu’artiste solo au milieu des années 2000, Kanye Omari West se distingue par un sens du style qui tranche avec les canons en vigueur que sont à l’époque le port du triple XL, les baggys jeans, les jerseys Mitchell & Ness ou encore les du-rag.
Amour des marques designers, coupes resserrées, pastels à tous les étages, interdiction du survet’… l’attention qu’il porte à sa garde-robe est telle qu’il transforme cette dernière en antre à tendances de la pop culture – du sac à dos monochromé aux lunettes persiennes, des chaussons Stubbs & Wootton au pantalon en cuir.
Et puis un jour arrive ce qui devait arriver : Kanye finit par prendre au sérieux ses prétentions et se lance à corps perdu dans l’industrie de la mode, et plus particulièrement dans la production de lignes de sneakers.
Si comme toujours avec lui, les réactions se polarisent très vite, au-delà des gouts et des couleurs, de chacun, difficile de nier sa prédominance dans le game. En deux signatures avec Nike il accomplit ce qu’aucun non-athlète n’avait accompli avant lui : il s’impose comme un phénomène culturel.
Avant même l’émergence des réseaux sociaux, il est celui dont les baskets sont scrutées à la loupe à chacune de ses apparitions, celui capable de faire surchauffer cartes de crédit et comptes Paypal des hypebeasts, celui qui concurrence la Jordan Brand sur le marché de la revente, et, encore plus significatif, celui qui pousse les autre marques à s’aligner sur ses créations.
Autant de raisons donc de passer en revue son historique et de mesurer l’évolution accomplie par ce fils de la classe moyenne chicagoane qui vient de baptiser sa dernière collection du nom du voisinage le plus branché de Los Angeles, Calabasas.
Note : le présent article fait fi des innombrables coloris introuvables et obscurs échantillons qui trainent sur le net, tout comme de ses aventures sans lendemain dans la mode féminine chez Zanotti ou Balmain.
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Nike Air 180 « College Dropout » (2006)
Conçue pour célébrer la sortie du premier album de Ye’ The College Dropout (on retrouve l’ourson mascotte sur la languette et sur la semelle), cette paire dont la date de sortie exacte n’est pas connue n’a jamais été commercialisée. Seuls quelques rares exemplaires ont été distribués à ses proches.
Initialement disponible seulement en taille 12 (la pointure de Kanye), au fil du temps différents samples sont apparus de çà et là sur eBay.
Contrairement aux apparences, cette première collaboration « officieuse-officielle » avec Nike ne marque pas les grands débuts du Yeezus dans le monde de la sneaker. Comme l’a instagrammé l’année dernière l’ancien vice-président du département marketing d’Adidas Originals, le rappeur avait dessiné quelques mois auparavant un premier modèle resté dans les cartons pour l’équipementier à trois bandes.
A Bathing Ape « Dropout Bear » Bapesta (2006)
Culte de l’ourson et édition (très) limitée toujours, Kanye s’associe cette fois à la brand made in Japan et ses chaussures très inspirées des Air Force One qui au milieu des années 00 sont plus populaires que jamais.
Une collaboration qui ne surprend guère, Kanye étant un fan plus que fervent des créations de Nigo. Non content de porter du Bape à tire-larigot, il était même apparu dans quelques-uns de leurs look-books.
Reebok S.Carter CL Low (2008)
Dropout encore et encore, Jay enrôle Ye’ pour produire quelques variations de sa S.Carter de triste mémoire sortie chez Reebok.
Quatre colorways voient ainsi voir le jour, tous reflétant son style vestimentaire de l’époque. Pas certain que le Kanye d’aujourd’hui assume le Kanye millésimé 2008 sur ce coup.
Kanye West x Nike Air Huarache « Glow in the Dark Tour » (2008)
Là encore un modèle qui n’existe qu’à l’état d’échantillons. En tout et pour tout cinq paires ont été produites, toutes à destination de West qui souhaitait un design s’accordant avec l’ambiance de sa tournée Glow in the Dark – d’où ce geyser fluorescent.
Nike Air Yeezy 1 « Grammy » (2008)
Le 10 février 2008 coup de tonnerre ! Sur la scène de la cérémonie des Grammy Awards, West rend hommage à sa mère Donda récemment décédée en interprétant ses hits Stronger et Hey Mama chaussé d’une paire de Nike qui déchaîne la curiosité.
Et pour cause, il s’agit là à quelques détails près du premier modèle à venir de Air Yeezy.
Fait intéressant, l’un des premiers prototypes de ce prototype reprenait à l’identique la semelle de la Air Jordan VI, son modèle de Jojo préféré (et dont il soutenait être responsable à lui seul du succès des rééditions).
[Dans la même veine, plus tôt la même année, West avait désigné dans le plus grand secret une paire de 6 là encore pour commémorer le décès de sa mère.]
La collection Louis Vuitton (2009)
L’autoproclamé « Kan the Louis Vuitton Don » donne vie à ses lyrics avec cette collaboration haut de gamme (de 840 à 1140 dollars la paire) en trois temps : les LV Don, Mr. Hudson et Jasper.
Chaque modèle tire son nom d’un membre du cercle proche du rappeur, soit dans l’ordre son « barbier-mais-pas-que » Ibn Jasper, son manager Don C. et le chanteur britannique Mr. Hudson signé sur son label GOOD Music (guest fréquent sur 808s and Heartbreak et Watch The Throne).
Tandis que la Mr. Hudson capitalise sur le côté mocassin haute société (pompon + points de suture), la Don se distingue en proposant un coloris 100% rouge qui préfigure la mode du « all red everyting ».
Nike Air Yeezy 1 (2009)
Fini de rigoler, après des mois de spéculations (sortiront ? sortiront pas ?) Kanye fait son entrée sur le marché mainstream.
Et quelle entrée ! Les trois colorway officiels proposés (Zen gray, Blink et Net) sont immédiatement sold out, les célébrités s’affichent une à une avec ces basket aux pieds, tandis que le marché de la revente explose (jusqu’à atteindre plusieurs milliers de dollars pour un prix initial de 215$).
Ces Nike Air Yeezy premières du nom marquent un tournant dans la culture sneakers déjà en ébullition. Blogosphère, distribution en ligne, scène streetwear… elles agissent comme de l’huile sur le feu et consacrent la naissance d’un spécimen d’un genre nouveau : le sneakerhead.
Nike Air Yeezy 2 (2012)
Il aura donc fallu patienter trois longues années avant de voir naitre un nouvel épisode de la série Yeezy.
Teasée l’air de rien dans la pub Kobe Bryant/Black Mamba réalisée par Robert Rodriguez, la chaussure creuse encore un peu plus l’ADN de la version précédente en mariant la semelle de la Nike Air Tech Challenge II (les fans du Andre Agassi du début des années 1990 s’en souviennent) et les aspirations toujours plus esthétisantes du rappeur.
Portées avec ostentation sur la tournée blockbuster Watch The Throne, c’est peu dire que les colorways Platinum et Solar Red s’écoulent en un rien de temps.
Mention spéciale pour le second dont la popularité va pousser Nike à le dupliquer à la chaîne sur d’autres modèles : Foamposite 1, Air Max, Air Force, SB Dunk…. Le noir/rose/vert est désormais à Kanye West ce que l’imprimé cement est à Michael Jordan.
Nike Air Yeezy 2 « Red October » (2014)
Immédiatement après la sortie de la Yeezy 2, la rumeur veut que d’autres coloris sont sur le point d’être commercialisés. Des bruits de couloir accrédités par Kanye lui-même lorsqu’il apparaît dans l’émission Saturday Night Live avec un modèle qu’il surnomme « Octobre rouge ».
Problème, le emcee se fait de moins en moins discret quant à ses problèmes en interne avec la marque au Swoosh.
Il faudra ainsi attendre février 2014 (soit près d’un an et demi) et le départ de Kanye de chez l’équipementier nord-américain pour que ce dernier daigne (après plusieurs annulations) les mettre en vente, annonçant leur disponibilité sur le NikeStore via un simple tweet.
Onze minutes plus tard, plus une seule paire n’est disponible. Quelques jours après, les prix atteignent les 5 000$.
Adidas Yeezy 750 Boost (2015)
L’hystérie monte encore d’un cran (!) avec cette très (très) attendue première sortie chez Adidas.
Le rendu final provoque cependant dans un premier temps bon nombre de grattements de têtes, tout en donnant raison à ceux qui justifiaient ce changement de maison par un refus de Nike de laisser Kanye exprimer pleinement sa créativité.
Plus couture que streetwear, ce modèle à l’inspiration lunaire se veut la carte d’entrée du rappeur chez ses amis modeurs. Pas des plus faciles à porter, il met en tout cas la gomme sur les détails et s’apprécie dans un gris taupe des plus épuré.
De son côté, Kanye transpire tellement la confiance qu’il se pointe avec aux premiers rangs des Grammy sapé avec un survêt’ velours pourpre.
En revanche, contrairement à son ambition initiale (rendre ses collections accessibles), le prix en magasin reste élevé (350$).
Adidas Yeezy Boost 350 (2015)
Combinant la technologie Boost à la méthode de fabrication Primeknit (la chaussure est cousue à partie d’une seule et unique pièce), ces 350 révélées au grand public lors de la fashion week newyorkaise rallient tous les suffrages.
Distribuées initialement en trois coloris (Turtle Dove, Pirate Black et Moonrock), elles vont connaitre multiples rééditions. Le modèle est ensuite copié en pagaille, que ce soit au sein même de la gamme Adidas, chez ses concurrents, et bien évidemment sur le marché de la contrefaçon.
Adidas Yeezy Duck Boot 950 (2015)
Dernière pièce présentée lors de la saison 1, ces bottes workwear se veulent évidement moins mainstream que leurs consœurs. Non seulement parce qu’elles coutent un demi smic, mais aussi parce qu’exceptés les éleveurs de huskys, la question se pose toujours de savoir qui les porte au quotidien ?
Au final les débuts de Yeezy dans le grand bain sont encourageants et plus encore. S’il ne « jumpe pas au-dessus du Jumpman », il est dorénavant pris plus au sérieux.
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Adidas Yeezy Boost 350 V2 (2016)
À l’image du show d’introduction au Madison Square Garden, la Yeezy saison 3 marque la réelle prise d’indépendance artistique de Kanye question mode.
S’il s’émancipe cette fois-ci pour de bon de ses influences, question sneakers il se contente néanmoins de dupliquer ses précédentes 350 (à quelques détails près et à un « SPLY-350 » qu’on dirait coller au pistolet à bande adhésive) et d’enchainer depuis les colorways (Beluga, Zebra…).
Pour des raisons qui continuent d’en intriguer beaucoup (la silhouette fait tout de même très négligée), le succès est toutefois au rendez-vous.
Adidas Yeezy Boost 1050 (2016)
Saison 3 toujours, ces nouvelles duck boots se veulent là aussi une version plus évoluées de ses travaux précédents – et pour le coup pimpées à la technologie Boost.
Pas grand-chose de neuf donc, le monde demeurant toujours divisé en trois groupes distincts sur ce sujet : les fanatiques, les sceptiques, et tous ceux qui s’en tamponnent la raie.
Adidas Yeezy Calabasas Runner (2017)
Alors que seuls les plus avertis peuvent distinguer les défilés de la saison 5 des files d’attente de chez Emmaüs (Kanye faut arrêter de regarder Zoolander en replay), voilà un modèle à l’allure orthopédique que ne renierait pas feu Steve Jobs et avec lui tous les fans du tristement célèbre souag « patrons de startup de la Silicon Valley ».
Design asymétrique, absence de Boost, proportions amples aux limites de l’exagération… le modèle rompt avec ses aspirations précédentes et tente un nouveau pari.
Bon après si vous préférez porter des Crocs, sur ce coup personne ne vous jugera.
Les flip-flops Yeezy (2017)
L’histoire ne dit pas si pour ce prototype Ye’ s’est inspiré de son big brother Jay Z dans I Just Wanna Love You, du style de Floyd Mayweather, ou (et c’est moins probable) du look claquettes/chaussette qui fait fureur dans nos contrées.
Toujours est-il que la journaliste, créatrice et influenceuse Jazerai Allen-Lord a été aperçue sur le Gram avec un sample. Un cliché qui ne doit surement rien au hasard, même si pour l’heure aucune date de commercialisation n’a été annoncée – ni aucune éventuelle commercialisation d’ailleurs.
Rihanna et ses Fenty de chez Puma a-t-elle du souci à sa faire ?
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