Portrait du chef suprême de Cosa Nostra, décédé récemment après plus de trois décennies de règne impitoyable…
Retour sur une vie entre cavale, omerta et meurtres sanglants. Celle d’un Salvatore «Totò » Riina imperméable à une quelconque justice, si ce n’est celle de la Cosa Nostra…
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Féroce comme un fauve
1. Salvatore Riina, également connu sous le nom de Totò Riina est né le 16 décembre 1930 à Corléone. Cette commune italienne de la province de Palerme en Sicile est notamment célèbre pour avoir donné son nom au Parrain du roman de Mario Puzo et à son adaptation cinématographique par Francis Ford Coppola.
2. Totò Riina était surnommé «Totò u curtu » (« Toto le petit » en dialecte sicilien), pour sa petite taille (1,58 m), mais aussi « la belva » (« le fauve ») pour sa férocité.
3. À 13 ans, il perd son père et son frère dans des circonstances tragiques. Alors qu’ils tentaient d’extraire la poudre à canon d’une bombe américaine tombée sur une de leurs terres pour la revendre, cette dernière explose.
4. À 19 ans, il dessoude un rival lors d’une dispute. Il est alors condamné à douze ans prison et sera libéré au bout de sept.
5. C’est à sa sortie dans les années 50 qu’il devient l’un des soldats du clan du boss mafieux Luciano Leggio (mieux connu sous le nom de Liggio suite à une mauvaise retranscription de son nom par les services de police). Il prendra sa place en 1974.
Sa devise : « Soumettez-vous ou mourez »
6. En 1969, les deux hommes font l’objet d’un mandat d’arrêt pour une série de meurtres. S’ils sont acquittés, l’année suivante Riina entre dans la clandestinité après avoir eu vent de nouvelles accusations d’homicides à son encontre. Sa cavale durera près d’un quart de siècle.
7. En 1974 Totò Riina se marie avec Antonietta Bagarella, une institutrice elle-même issue d’une grande famille mafieuse (elle est la sœur de Leoluca Bagarella, autre parrain de renom des Corleonesi arrêté en 1995). Un prêtre célèbre leurs noces dans une planque de campagne et les deux tourtereaux partent en lune de miel à Venise.
8. Le couple aura ensemble quatre enfants, tous enregistrés sous leurs vrais noms à l’hôpital local. Plutôt que d’aller l’école, c’est leur mère qui leur apprendra à lire et à écrire.
9. En 1982 Totò Riina prend la tête de « la Cupola » (« la Coupole »), l’organe de direction de Cosa Nostra.
10. Bien que « capo dei capi », il continue de se salir les mains en assassinant lui-même ses rivaux. Gaspare Mutolo, l’un de ses tueurs devenu en 1991 collaborateur de justice, raconte que lorsqu’il voulait en finir avec un « ami », Riina l’invitait d’abord à manger, trinquait avec lui, puis l’étranglait au dessert.
Le plus grand criminel de l’histoire de l’Italie ?
11. Quand traditionnellement la mafia ne s’en prenait ni aux femmes, ni aux enfants, Toto Riina rompt avec ce dogme en commanditant des attentats à la bombe (Rome, Milan et Florence…) ou en ordonnant la séquestration du fils d’un informateur. Âgé de 11 ans, le jeune Giuseppe Di Matteo sera ainsi torturé 26 mois durant, tandis que sa famille recevra régulièrement des photos macabres afin de pousser son père à se rétracter. Devant le refus de ce dernier, son corps sera alors dissout à l’acide afin d’empêcher toutes funérailles.
12. En 1980, il fait exécuter par balles Piersanti Mattarella, le frère de l’actuel président de la République italienne Sergio Mattarella.
13. Au début des années 90, un peu comme sur le modèle de Pablo Escobar quelques années plus tôt en Colombie, Totò Riina s’engage dans une guerre ouverte avec l’État afin d’obtenir l’arrêt de l’intensification de la lutte anti-mafia via l’opération Mains Propres.
C’est ainsi qu’il fait supprimer les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino en mai et juillet 1992. Le premier est assassiné (avec sa femme et ses gardes du corps) en faisant sauter 500 kilos d’explosifs sur une portion d’autoroute, le second un dimanche matin en sortant du domicile de sa mère.
14. De son propre aveu, s’il n’avait pas été stoppé par la justice la belva aurait « continué le massacre au plus haut niveau ». Giovanni Brusca, l’un de ses hommes de main a révélé que Riina projetait de faire exploser la tour de Pise.
15. Le 15 janvier 1993, Totò Riina est interpellé dans la banlieue de Palerme à l’âge de 62 ans. La version officielle veut que cette arrestation ait été rendue possible grâce aux témoignages croisés de plusieurs repentis ainsi que de son chauffeur personnel.
« No io non conosco l’organizzazione Cosa Nostra »
16. Une version moins officielle veut qu’il ait été balancé par Bernardo Provenzano, son bras droit et successeur à la tête de la « pieuvre ». Partisan de la stratégie traditionnelle qui veut que la mafia privilégie la discrétion et la corruption plutôt que l’affrontement armé, il aurait accepté de sacrifier le sanguinaire et incontrôlable Riina pour préserver la survie de l’organisation.
17. Lors de son procès, il rejette l’intégralité des accusations dont il fait l’objet, affirmant ne pas connaître la mafia. Le 2 mai 1995, il va jusqu’à déclarer « ne jamais avoir entendu parler de Cosa Nostra » et prétend être entré en clandestinité pour échapper à des accusations mensongères.
18. Reconnu coupable de plus d’une centaine de meurtres, il est condamné au cours de ses divers procès à 26 peines de détention à vie. Il se voit également confisquer quelque 125 millions d’euros de biens divers.
20. En 2009 il reconnaît implicitement l’existence de Cosa Nostra lorsqu’il revendique en off les attentats contre les juges Falcone et Borsellino.
« Je ne regrette rien. Ils ne me briseront jamais, même s’ils me donnent trois mille ans »
21. Enfermé sous le régime du 41 bis (isolement total), Totò Riina occupe une cellule éclairée 24 heures sur 24 et n’a droit de recevoir d’autres visites que celles de son avocat.
22. Il y a quelques années, il n’a pas hésité à demander sa mise en liberté devant la Cour européenne des droits de l’homme. Affaibli par un double cancer, celui qui n’avait jamais exprimé le moindre remord pour ses actes s’offusquait de ses conditions de détention.
23. Depuis son arrestation en 1993, la Coupole ne s’est jamais réunie, car seul le boss peut la présider. La structure de Cosa Nostra est en effet similaire à celle d’une monarchie absolue : tant que le roi est encore en vie, personne ne peut le remplacer.
24. Son successeur le plus probable serait aujourd’hui Matteo Messina Denaro, un cinquantenaire originaire de la région de Trapani (ouest de la Sicile) dont la seule photo connue remonte au début des années 90. En fuite depuis 1993, il est accusé de plusieurs meurtres.
25. Son fils aîné Salvatore (lui-même condamné à neuf ans de prison pour association mafieuse en 2009) voyait en son père « quelqu’un d’intègre, de respectueux des valeurs de la famille et des traditions », tandis que sa fille Lucia se souvenait d’un homme qui lui faisait faire « ses prières chaque soir pour remercier Jésus et les personnes qui leur étaient chères ».
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