Aux pieds de tous, elles sont devenues indispensables.
Femme, homme, enfant, personnes âgées de 7 ou 77 ans, tous portent des baskets. Loin de l’image réductrice que cette chaussure a pu connaître en étant considérée, seulement, comme un accessoire d’adolescent ou de sportif, la sneaker est devenue essentielle, et plus que ça, un business. Zoom sur cette industrie qui a bouleversé le monde de la mode ces dernières années, en compagnie du sneakerhead David Benhaïm, co-créateur de la plateforme de revente Wethenew.
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Petite histoire de la basket
Si l’on a tendance à faire le parallèle entre l’émergence du hip-hop dans les années 1980 et le début de la basket, il est toutefois bon de rappeler que cette dernière a fait ses débuts quelques années avant cela. Commercialisée à la fin du 19ème siècle, la basket séduit par un confort exceptionnel dû à une innovation marquante apparue à cette même époque : la semelle en caoutchouc. D’abord réservée aux sportifs avec, notamment, la commercialisation de la Converse en 1908, la basket se fait connaître et reconnaître à travers différentes pratiques du genre : basketball, athlétisme, aérobic et bien sûr, un peu plus tard, le breakdance.
Les B-boys alors à la recherche d’une chaussure garantissant une excellente stabilité, un confort de qualité et surtout capable de s’accorder à leur style vestimentaire, jettent leur dévolu sur ces baskets. Les sneakers font, dès lors, partie intégrante de leur look, deviennent un indispensable et s’immisce petit à petit dans la culture hip-hop jusqu’à être au coeur des louanges des plus grands rappeurs. Les membres du groupe Run DMC iront même jusqu’à dédicacer un titre à la marque allemande aux trois bandes avec « My adidas » en 1986. Une référence qui ne manquera pas d’attirer la curiosité de la marque en question qui proposera, suite à cela, un contrat de sponsoring aux rappeurs. Cette corrélation entre le mouvement hip-hop et la basket a été un véritable tremplin pour l’industrie de la sneaker et il continue à l’être encore aujourd’hui. Intimement lié à ce genre musical, le succès de la basket a en effet suivi celui qu’à connu le rap ces dernières années. Aux pieds des plus grandes stars de ce mouvement, les sneakers deviennent un symbole d’appartenance à la culture urbaine et séduisent, entre autres, le grand public par ce message qu’elle véhicule.
Un business florissant
La popularisation de la sneaker n’est plus à prouver ces dernières années. Aux pieds de tous, elle s’affiche de toutes les tailles, de toutes les couleurs, toutes les formes. David souligne le fait que : « 2018 a été une année de rupture. Le marché de la basket s’est ouvert et s’est agrandit depuis. Aujourd’hui, il n’est plus seulement réservé aux initiés. » Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette expansion du business de la basket, parmi ceux-ci la volonté d’être « bien dans ses baskets », une expression qui résume notre volonté de praticité et de confort dans une société accélérée. Ajoutez à cela l’enrôlement des stars, de la musique principalement, dans ce business avec la multiplication des collaborations entre ces acteurs et les géants de ce business de la basket (adidas x Pharell Williams ; drake x Jordan ; adidas x Kanye West ; Jay-Z x Reebok…) qui permettent, finalement, de toucher un public plus large.
Des partenariats avec des maisons et grands noms de la haute-couture (Chanel x Reebok Pump Fury ; Jeremy Scott x adidas adiColor ; Chanel x adidas…) permettent également d’enrôler un public originellement éloigné de la cible et faire de la basket un objet de luxe. Devenue plus qu’une paire adoptée pour une activité sportive, la basket est ainsi devenue un objet du quotidien. Selon un sondage réalisé par le cabinet d’analyse The NPD Group en 2018, 60% des acheteurs de chaussures de sport interrogés n’ont, en effet, pas pour intention de pratiquer une activité sportive avec.
Il y a une recherche d’authenticité culturelle de la part du public
Évalué à 55 milliards de dollars en 2018, le business mondial de la sneaker a bel et bien explosé. Si l’engouement pour celles-ci ne date pas d’hier, le marché a connu une progression majeure ces dernières années, allant jusqu’à représenter 47% du marché des shoes en France selon les études de la Fédération Française de la Chaussure. Un bouleversement qui s’accompagne de nouveaux acteurs notamment du côté de la haute-couture qui font de la basket une de leurs pièces maîtresse : Louis Vuitton avec sa Archlight, Balenciaga avec sa Triple S ou encore Gucci avec le modèle Rhyton….
Mais si la basket de luxe séduit indéniablement le public, elle reste tout de même derrière les ventes de sneakers de grands noms du sportswear et du streetwear comme Adidas ou Nike. La raison ? « Plus qu’une raison financière, il y a une recherche d’authenticité culturelle de la part du public. Une authenticité que l’on ne retrouve pas forcément dans une paire de luxe qui ne fait qu’emprunter des codes qui lui sont extérieurs. Le grand public aura plus de facilité à acheter une Yeezy ou une collaboration Off-White à plusieurs centaines d’euros plutôt qu’une paire de Chanel ou Gucci. Ces paires ont cette touche particulière, ce caractère, ces racines street-culture en plus. » Aujourd’hui, ce marché de la sneaker a prit une ampleur si importante qu’il possède, depuis 2016, sa propre bourse de cotation via la plateforme StockX qui permet au passionné de sneakers d’être plus qu’un simple consommateur passif.
De la passion naît une profession
En pleine ère des collaborations, vendues en édition limitée pour la plupart, les paires trouvent une valeur ajoutée dû à leur rareté. De là né un vaste marché secondaire de la basket. Si l’achat-revente de baskets n’est pas chose nouvelle, elle fait déjà ses débuts dans les années 90 avec la parution des premières Air Jordan et a trouvé un nouvel élan avec la création d’internet, ce marché s’est largement démocratisé et connaît son apogée ces dernières années. « Le business de la revente de sneakers est né il y a une dizaine d’années en France. Il ne fait que s’agrandir depuis » souligne David.
Le contrôle et l’authentification des paires est une étape clé.
Ce marché de seconde main fait ses débuts en passant d’abord par les réseaux sociaux, Ebay, ou encore Craiglist qui réunissent passionnées, collectionneurs, revendeurs, mais aussi arnaqueurs qui n’hésitent pas à faire preuve de mauvaise foi en proposant des contrefaçons. Malgré ces risques, ce business de second main grandit jusqu’à devenir la seconde poupée russe de ce marché florissant. Plusieurs plateformes naissent alors de cet engouement et viennent apporter une solution pour contrecarrer l’arnaque à l’achat : le legit-check, un processus d’authentification de l’article réalisé par des experts. David explique : « Le contrôle et l’authentification des paires sont une étape clé. Nous avons une équipe d’experts chargé de ce contrôle, nous veillons à toujours avoir une paire authentique en stock pour pouvoir comparer. » En contrepartie de cette transparence et cette sécurité garantie, ces sites internet profitent d’une commission plus ou moins élevée.
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Stock X, Klekt, Kick Game, Larry Deadstock ou Wethenew, ces plateformes qui se comptent par centaine et ne cessent d’augmenter. David, créateur de la plateforme française souligne le but cette dernière qui est de « donner l’opportunité à tous les amateurs et passionnés de sneakers d’accéder rapidement à la paire recherchée tout en profitant d’une expérience-client qui s’approche d’une clientèle luxe » Sur ces sites internet, les baskets peuvent atteindre un prix de revente équivalent à trois ou quatre fois le prix original selon leur niveau de rareté. Les bénéfices tirés peuvent être si colossaux qu’il est aujourd’hui possible de vivre de ces reventes, motivant certains particuliers à devenir reseller professionnel.
Le réseau est primordial dans ce business. Il permet de minimiser le risque d’arnaque et faciliter les transactions.
Si la logique voudrait qu’être un bon revendeur tient dans le simple fait de tenir un agenda précis des sorties, d’être à la pointe des news lifestyle et ne pas avoir peur de se lever tôt ni d’être prêt à camper des heures, la clé pour devenir un bon reseller selon David réside dans la bienveillance : « La possibilité d’un bénéfice élevé est une chose acceptée et démocratisée, mais il ne faut pas en oublier son professionnalisme. Mieux vaut y aller doucement, faire ses premiers deals, se faire un réseau solide et surtout ne faut pas griller les étapes. Le réseau est primordial dans ce business. Il permet de minimiser le risque d’arnaque et faciliter les transactions. »
L’exemple de succès le plus parlant dans ce domaine reste celui de Benjamin Kickz aka Sneaker Don qui, a à peine dix-huit ans a réussi à créer sa propre entreprise de revente de sneakers. Son business est estimé à un million de dollars et attire entre autres des grands noms de la scène musicale américaine comme Dj Khaled. Le marché du resell est aujourd’hui si important qu’il se cantonne plus seulement au web et devient physique à travers le développement de plusieurs magasins à travers le monde, à l’exemple d’Afterdrop, magasin spécialisé situé dans le Marais.
En bref, le business de la sneaker en pleine expansion s’accompagne d’un nouveau public, de nouvelles arnaques et de nouveaux acteurs. Et cela ne fait que commencer…