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Aftermath : que sont devenus les poulains de Dr. Dre ? [DOSSIER]

Aftermath : que sont devenus les poulains de Dr. Dre ? [DOSSIER]

Très nombreux sont ceux qui ont signé, très rares sont ceux qui ont percé…

Aftermath est-il un cimetière pour rappeurs ? Si Dr. Dre est tout sauf un manche lorsqu’il s’agit de propulser sous les feux de la rampe des jeunes loups du calibre de Snoop Dogg, Eminem, 50 Cent, The Game ou Kendrick Lamar, lorsqu’il s’agit de ses artistes 100% maison la question se révèle plus délicate.

Fondée en 1996 suite à son départ de chez Death Row, son écurie semble en effet depuis reproduire encore et toujours le même schéma : le maître des lieux adoube un nouveau protégé ou annonce l’arrivée d’un franchise player à la recherche d’un second souffle, lui offre un contrat en bonne et due forme, le fait apparaître sur quelques-unes de ses productions… et puis plus rien ou presque.

Ainsi sur les 22 albums étiquetés Aftermath sortis en 22 ans, en réalité seuls 8 d’entre eux ne sont pas de Dre, Eminem ou Fifty ! Un chiffre ridiculement bas donc, et ce d’autant plus si l’on considère la kyrielle d’emcees à avoir un jour déposé leurs valises au sein du label.

Bien que le talent soit là, pourquoi l’histoire se termine-t-elle à chaque fois ou presque en queue de poisson ? Début de réponse avec la bonne douzaine de portraits dressés ci-dessous.

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Tout juste échappé de chez Death Row, Dre part tenter l’aventure en solo en créant son propre label, Aftermath. Et quoi de mieux pour capitaliser sur sa réputation sans pareil de découvreur de talents que de sortir une compil’ faisant la part belle à tout une ribambelle d’inconnus aux dents longues ?

Au final, le casting a beau être pharaonique, pas un des emcees mis en avant ne marquera les esprits – Kim Summerson, Sid McCoy, Cassandra McCowan, Mike Lynn, Flossy P Stu-B-Doo, Maurice Wilcher, Jheryl Lockhart, Nowl quelqu’un ?

Un flop retentissant dont le doc’ a bien failli ne jamais se remettre… et dont les principaux intéressés ne sont eux jamais remis – à tel point qu’en 2018 même Wikipédia n’a pas le moindre début d’information sur eux.

Rakim

Au début des années 2000, c’est peu dire que l’excitation était à son comble quand le meilleur rappeur de l’histoire et le meilleur producteur de l’histoire ont annoncé faire cause commune pour un album intitulé Oh My God.

Si dans un premier temps les singles et featurings s’enchaînent (Addictive de Truth Hurts, The Watcher Part 2 de Jay-Z, son morceau solo sur la bande originale de 8 Mile…), très vite la machine se grippe et le God MC annonce son départ en 2003 pour « différents créatifs ».

D’humeur prolixe, Rakim est revenu l’année dernière plus en détails sur le fond de l’affaire.

« Dre et moi avions deux conceptions opposées sur la manière dont devait sonner le disque. Pour lui, ce devait être du gangsta rap, et c’est ce qu’il voulait que je fasse. C’était sa formule l’époque tandis que moi, je commençais à voir les choses différemment, à devenir plus mature. »

« Je voulais faire un méga projet qui tout en restant hip hop aurait pu être écouté par tout le monde. Dre lui de son côté s’asseyait près de moi en studio, m’envoyait des instrus et me disait ‘Yo je veux que tu parles de ça, ça et ça’. Moi, je le lui rétorquais ‘Mais c’est que tu rappes déjà… Quand vas-tu me laisser rimer ? Pourquoi dois-je clasher untel ou untel ?’ »

[Pour info, parmi les beats proposés figuraient pas mal de titres qui finiront sur le Get Rich Or Die Tryin’ de 50 Cent dont Back Down et Heat.]

« Encore une fois, pour lui c’était sa formule, il n’allait pas la changer alors qu’elle cartonnait. Nous avons tout de même enregistré quelques sons, mais entre ses directives et mon entêtement, j’ai fini pas réaliser que ça ne marcherait pas. Je suis donc allé le voir et je lui ai dit que j’avais apprécié l’opportunité, mais que je rentrais à New-York. »

Si la carrière de Rakim va ensuite définitivement piquer du nez (The Seventh Seal sorti en 2009 sera un flop), le fait qu’il ait choisi de ne pas compromettre son héritage et son intégrité artistique en échange des millions du rap de masse en dit beaucoup sur sa personne.

Busta Rhymes

Recruté en 2004, Bus a Bus quitte le navire en 2008 non sans avoir sorti entretemps l’album The Big Bang en 2006.

De bonne facture, mais sans plus, si le projet n’a pas pleinement satisfait ceux qui attendaient trop de cette collaboration (du genre ceux qui attendaient 90 minutes non-stop de Break Ya Neck), il ne s’en classera pas moins numéro 1 des charts, devenant par-là même son plus gros succès commercial ever (plus de 800 000 copies vendues sur le sol US).

Désireux de reprendre « un total contrôle de sa destinée », le boss du Flip Mode Squad décide néanmoins de tailler la zone deux ans plus tard.

Reste que s’il a sorti en 2009 son huitième essai Back on My B.S., depuis, c’est le calme plat. Ce qui, si l’on en croit l’intéressée, serait la faute… de Dr. De !

« Cela fait neuf ans que je bosse sur mon album, neuf ans ! Je dois toute cette patience et toute cette abnégation à mon passage sur Aftermath, c’est là que Dre m’a fait comprendre que seul le temps me permettrait de tirer le meilleur de moi-même et de franchir de nouveaux paliers. »

Hittman

Mais si souvenez-vous, Hittman, le rookie responsable de la moitié des titres du pharaonique 2001, celui qui d’après Snoop et Eminem était programmé pour tout dévaster.

Sauf que non. Candidat au titre de plus gros flop de l’histoire du rap (2001 s’est tout de même écoulé à plus de 10 millions d’exemplaires de par le monde, question exposition difficile faire mieux), son solo annoncé dans la foulée sera repoussé deux ans durant avant que son contrat ne lui soit rendu.

La faute à pas de buzz, mais aussi la faute au manque d’envie du Doc sitôt les premières étincelles passées.

« Lorsque Dre se concentre sur son album à lui, toute votre énergie se concentre également sur son album. Dès qu’il perd son enthousiasme à votre égard, tout s’estompe. Je pense que c’est ce qui est arrivé à tous les artistes passés sur Aftermath. »

Ne reste comme témoignage de ses 15 minutes de célébrité, son seul et unique album Hittmanic Verses sorti en 2005 sur Sickbay Records dont la tracklist comporte plusieurs titres enregistrés au cours de cette période.

Bishop Lamont

En 2004, le Californien sort sa mixtape Who I Gotta Kill to Get a Record Deal? qui lui vaut d’être engagé sur Aftermath sans avoir à faire couler le sang.

Sur le même modèle que Snoop sur The Chronic et Hittman sur 2001, Dre souhaite faire de lui son bras droit sur l’arlésienne Detox. Bourreau de travail, Lamont va selon ses dires bosser sur plus de 700 titres.

700 titres qui pour des questions d’ordre contractuelles reposent toujours à l’heure actuelle dans des cartons, y compris ceux destinés à son album solo The Reformation.

Passablement dépité, le rappeur finit donc sans surprise par prendre la tangente. S’il clame alors que Dre reste et restera son « big bro », et s’il continue à sortir à échéances régulières street albums et mixtapes, il n’en a pas moins avoué qu’à trop se frotter à l’aspect business du rap il n’est pas passé loin de « perdre son âme ».

Dawn Robinson

Chanteuse r&b couronnée de succès dans les années 90 via ses participations aux groupes En Vogue et Lucy Pearl, miss Robinson décide d’aller promener ses talons du côté d’Aftermath en 2001 afin de lancer sa carrière solo.

Prometteuse sur le papier, l’expérience durera pourtant moins d’un an.

Si la rupture se fait là encore à l’amiable, ce qui a coincé selon elle, c’est que le producteur était non seulement « submergé par les projets », mais il n’avait en plus « pas la moindre idée quant à la façon de gérer une artiste r&b ».

Ironiquement, c’est sitôt dégagé de ses obligations qu’elle parvient à sortir son tout premier album intitulé Dawn.

La suite a cependant été moins glorieuse, entre télé-réalités et tentatives de reformations avortées avec ses copines.

Slim the Mobster

Connu pour être l’homme qui a découvert Kanye West, John Monopoly est également l’homme qui a présenté en 2008 le cousin du dealeur ‘Freeway’ Rick Ross à Dr. Dre.

Engagé comme ghostwriter, il coécrit alors le single Kush, puis annonce l’arrivée prochaine de l’album S.O.O.N. (Something Out Of Nothing) qui invite au micro Xzibit, Eminem, Kendrick Lamar, Snoop Dogg, Jay Rock et Busta Rhyme.

L’histoire se passera différemment et l’ami Slim finira par se faire lourder en 2012, non sans s’être embrouillé auparavant sur Twitter avec 50 Cent qu’il traite de « steroid junky ».

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, ce Crip revendiqué tombe dans les mailles de la justice et écope de deux ans d’incarcération pour divers chefs d’accusation.

Libéré en 2015, il crée la surprise en postant une photo de lui en studio au côté du Christ et clame que l’arrivée de S.O.O.N. n’est qu’une question de temps.

Les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, ceux qui attendaient encore cet album sont à l’heure actuelle toujours en train de l’attendre.

Stat Quo

En voilà un qui n’a pas volé son pseudo.

Repéré par Eminem et Mel-Man en 2003, il est la seul personne avec 50 Cent à pouvoir se vanter d’avoir été signé à la fois sur Shady Records et sur Aftermath.

Un départ en boulet de canon donc qui lui donne une visibilité nouvelle (la tournée Anger Management Tour, la compilation The Re-Up…) et lui vaut de boucler son tout premier album Statlanta dans les mois qui suivent.

Problème : le produit fini ne satisfait pas ses patrons et Stat Quo se voit dans l’obligation de retourner une deuxième fois en studio, puis une troisième.

Cinq ans plus tard, voyant que le conte de fées a pris du plomb dans l’aile, il lâche l’affaire et part voler de ses propres ailes – et tant pis pour les « 300-400 titres » sur lesquels il aurait bossé avec Dre et « la centaine d’instrus » qu’il aurait composé pour Eminem.

Après un premier street album, il sort finalement Statlanta dans l’indifférence générale (85ème du top album rap en première semaine) avant de sombrer encore un peu plus dans l’anonymat (son second essai ATLA Vol. 1 connaît le même sort).

Et tant pis pour les généreux donateurs qui via le crowdfunding ont financé à hauteur de 30 000 dollars un hypothétique troisième album sans que rien de concret ne se matérialise.

Eve

L’autoproclamée « pitbull en jupe » s’engage une première fois en 1997 avant de réaliser que la seule chose qui occupe vraiment l’esprit d’Andre Young à l’époque, c’est de terminer 2001.

Bien lui en a pris puisque Jimmy Iovine lui propose alors d’aller jouer à la première dame chez les Ruff Ryders de DMX. Résultat, pour ses grands débuts en 1999, elle écoule deux millions d’exemplaires de Let There Be Eve… Ruff Ryders’ First Lady.

Pas rancunière, « Ee-vee-ee » retente l’expérience Aftermath en 2004 pour repartir en 2007 avec le même résultat.

Si à nouveau la séparation se fait à l’amiable, elle reconnaît néanmoins qu’elle et Dre « ne s’entendaient pas ».

« Je suis une meuf forte qui n’aime pas qu’on lui dise ce qu’elle à faire, peu importe que vous soyez le meilleur dans ce que vous faites. »

« Sérieux, un jour, il m’a fait répéter 45 fois le même mot. Et il ne voulait pas que je sorte du studio. J’ai alors posé le micro et jeté une bouteille d’eau contre la vitre. Après ça je me suis dit qu’il était de temps de passer à autre chose. »

Raekwon

Abeille tueuse la plus venimeuse du Wu-Tang Clan dans le milieu des années 90, le Chef est en 2006 en sacrée perte de vitesse.

Histoire de se secouer les puces, il s’en va lorgner du côté de la Californie pour préparer la suite de son méga classique Only Built 4 Cuban Linx.

Évidemment rien ne se passe deux ans durant. Rae révélera que malgré ses effets d’annonce, il n’a en réalité jamais été formellement membre d’Aftermath.

OB4CL2 finit toutefois par voir le jour en 2009 sur EMI, avec ô surprise deux co-productions d’un Dre plutôt en forme.

Truth Hurts

À la base un peu choriste et un peu auteure, Shari Watson finit par se faire repérer par Dr. Dre qui voit en elle la future perle r&b de son roster.

Rebaptisée « La Vérité Blesse » par ses soins, elle prépare ainsi de 2000 à 2002 son arrivée dans le grand bain. Malheureusement pour elle quand sort Truthfully Speaking c’est la scoumoune.

Si sur Addictive DJ Quik a le nez creux en allant piocher dans la catalogue de la musique indienne avant tous les Timbaland et Missy Elliot de la Terre, encore eut-il fallu qu’il paye les droits du sample afin d’éviter un procès retentissant qui a plombé dans les grandes largeurs la compta.

Et si le second single The Truth met en valeur sa voix chaude et puissante, encore aurait-il fallu ne pas inviter R. Kelly tout juste empêtré dans un scandale de détournement de mineur.

Prisonnière de toute cette mauvaise publicité, Watson fait ainsi ses valises en 2003 pour rejoindre le label naissant du chanteur soul Raphael Saadiq. Malgré un second opus de bonne facture en 2004, faute de succès sa carrière s’est arrêtée là.

Joell Ortiz

Au milieu des années 2000, c’est peu dire que l’avenir s’annonçait radieux pour le rappeur d’origine portoricaine.

Remarqué par The Source, courtisé par Jermaine Dupri, invité sur la bande son de NBA Live 2005, son premier solo The Brick: Bodega Chronicles lui vaut de rejoindre le super groupe Slaughterhouse, puis de se voir offrir un contrat par Dre et son équipe.

Douze mois plus tard, changement d’ambiance : « J’ai un million de personnes qui attendent que je sorte un album. Je me serais menti à moi-même si je voulais rester là à attendre. J’ai un buzz et j’ai besoin d’en profiter. Je dois sortir un album le plus vite possible. »

Avec cinq projets au compteur depuis la rupture, Ortiz, 38 ans, semble clairement avoir pris la bonne décision, même si à l’instant T ce ne fut pas une chose facile.

« Lorsque j’ai su que j’aillais quitter Aftermath, je me suis rappelé toutes ces fois auparavant où j’ai démarché de labels et je me prenais des stops pour des trucs qui n’ont rien à voir avec la musique. Un tel me disait de faire des trucs pour les meufs, un autre de travailler mon côté latino… Tout le business qui entoure le rap et moi ça fait vraiment deux. »

Jon Connor

Brûleur de mixtapes certifié, en 2012 le meilleur ennemi de Skynet a la bonne idée de lancer le concept Best in The World qui le voit freestyler sur les beats de classiques du rap US – pour le premier volet, il a ainsi fait son marché dans les Blueprint de Jay Z.

Le buzz occasionné lui vaut de partir en tournée avec Xzibit, et une chose en amenant une autre de rencontrer Dr. Dre.

Débarqué en 2013 chez Aftermath, il bosse sur l’album Compton puis sur The Documentary 2 de The Game, tout en sortant une petite douzaine de mixtapes.

À l’heure actuelle toujours signé chez le Doc, Connor devrait sortir son album Vehicle City « prochainement » même si aucune date précise n’a encore été annoncée de près ou de loin.

On a presque envie d’y croire.

Anderson .Paak

Clairement le petit chouchou de tout le monde ces derniers temps.

Bon attention, comme avec Kendrick Lamar, le bon docteur Young n’est absolument pas celui qui l’a découvert et fait murir artistiquement : avant de lui offrir six featurings sur Compton en 2015, Anderson .Paak avait en effet déjà sorti le très bon Venice un an plus tôt.

[Note : Yes Lawd! (2016) et Malibu (2016) valent également toute votre attention.]

Il n’empêche que l’annonce du partenariat entre les deux hommes n’est pas allée sans provoquer un frisson d’enthousiasme… mais aussi, à la vue des cas précédents, une légère d’appréhension.

Première bonne nouvelle, la galette Oxnard a fini par voir le jour (le 16 novembre dernier, date du vingt-et-unième anniversaire de 2001). Seconde bonne nouvelle, elle se situe dans la lignée de ses efforts précédents, le mélange proposé à base de rap/funk/pop/punk se faisant toujours aussi harmonieux.

Rayon bémol, on ne peut cependant s’empêcher de remarquer une sorte d’inhibition, comme si à trop vouloir franchir un cap Anderson .Paak avait, consciemment ou pas, brider sa créativité.

Mais bon, au moins l’album est sorti.

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