Du Carter I de 2004 au Carter V, retour sur une série d’albums incontournable…
Mais que serait depuis dix ans le monde du rap sans Lil Wayne ? Si ces dernières années ce sont ses problèmes avec la justice et ses soucis de santé qui font la une plus que sa musique, il n’en reste pas moins le rappeur le plus influent de son époque, et ce peut-être plus encore auprès de la toute nouvelle génération.
Art de la punchline, éthique de travail, stratégie marketing, sens du style, utilisation de l’auto-tune, consommation de drogues nouvelles… il est celui qui pour le pire et pour le meilleur a su populariser des tendances créées par d’autres jusqu’à en faire des standards de la scène mainstream.
De Young Thug à Drake en passant par les rappeurs Souncloud ou encore Tyler the Creator, Nicki Minaj et A$AP Rocky, innombrables sont les emcees qui reconnaissent d’ailleurs volontiers lui en avoir piqué un max pour construire leur identité.
Il faut dire que ces derniers ont de quoi piocher : à la tête d’une discographie fleuve qui s’étale déjà sur près d’un quart de siècle (douze albums studio, des camions de mixtapes, des projets collaboratifs en veux-tu en voilà…), il maîtrise comme personne l’art du renouvellement.
Points d’orgue de cette boulimie musicale, la série des Carter.
Alors que le cinquième acte est sorti il y a quelques jours à peine, revenons en détails sur ces opus qui font à la fois figure de fils conducteurs et de vaisseaux amiraux dans la carrière de Dwayne Michael Carter Jr.
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Tha Carter
Sorti le 29 juin 2004 sur Cash Money/Universal.
Quatrième album solo de Lil Wayne depuis Tha Block Is Hot en 1999, ce tout premier Carter enregistré l’année de ses 22 ans s’écoute, non pas comme un disque de rupture, mais comme un disque de transition.
Dernier effort de son auteur à sonner vraiment bounce (du nom de ce courant sudiste aux rythmiques synthétiques et répétitives), il reprend les ficelles qui ont fait le succès de Cash Money première mouture tout en incorporant çà et là des indices quant à sa mutation à venir (les dreadlocks en cover, mais pas que).
Plus structuré dans ses textes et dans son exécution, sans être un carton, Tha Carter séduit non seulement la critique de l’époque (ce qui n’était pourtant pas gagné, le Ptit Dwayne étant vu jusque-là comme un gadget), mais aussi le public notamment grâce à toute une rangée de titres bien pêchus (This Is the Carter, Bring it Back, Ain’t That a Bitch…), dont Go DJ, son premier véritable hit solo.
Aujourd’hui encore, le rendu est facile et agréable.
Tha Carter II
Sorti le 6 décembre 2005 sur Cash Money/Universal.
Album préféré des fans, ce C2 se défend plus que bien dans la course au titre du meilleur album de Lil Wayne.
Libéré de l’influence du producteur canal historique Mannie Fresh parti voguer vers d’autres horizons, l’ancien Hot Boy s’affirme ici comme le véritable franchise player de la maison Cash Money, n’hésitant désormais plus à rapper ce qui lui passe par la tête ce qui lui plaît sur les instrus qui lui plaisent – dans le désordre : les bangers Fireman et Hustler Musik, le côte ouest Lock and Load, les soulful Shooter et Get Over, le brut de décoffrage Oh No…
Si tout n’est pas parfait (et comment pourrait-ce l’être avec pas moins de 22 pistes au compteur ?), impossible de nier la légitimité des ambitions nouvelles d’un Lil Wayne qui se pense de plus en plus grand.
Pas encore « best rapper alive » comme le proclame la piste 7 de l’album, il n’en demeure pas moins qu’à force d’essayer, il s’en rapproche à grands pas.
Tha Carter III
Sorti le 10 juin 2008 sur Cash Money/Universal Motown.
Très certainement l’album le plus attendu de l’histoire du rap, tant Weezy F. a inondé le marché deux ans et demi durant en posant sur absolument tous les beats possibles et imaginables.
Précurseur du rappeur star des internets de la décennie suivante, Wayne réussit à proposer un album consistant du début à la fin, et ce, malgré les nombreuses fuites en amont qui l’ont poussé à rajouter jusque dans les derniers mètres des titres inédits.
Éclectique mais pas brouillon, absurde mais maîtrisé, accessible mais pas impersonnel, ce Carter troisième du nom parvient à tenir en équilibre du début à la fin, un petit exploit que résume son duo de singles phares : Lollipop qui déchaîne les enfers dans les charts, et A Milli qui aujourd’hui encore résonne avec obsession dans les oreilles des puristes.
Ajoutez à cela la meilleure pochette d’album depuis Illmatic, et comprenez pourquoi il y a dix ans tout pile pour s’asseoir sur le trône du rap, il fallait s’asseoir sur les genoux de Lil Wayne.
Tha Carter IV
Sorti le 29 août 2011 sur Cash Money/ Young Money/Republic.
Sujet délicat que celui du comeback dans le rap, et ce notamment après un passage par la case prison (8 mois à Rickers Island pour port d’arme).
Si question attentes, Tunechi a mis tout le monde d’accord en première semaine (964 000 copies écoulées), question retour qualité, ces mêmes chiffres ont démontré une franche déception quant au produit proposé (chute de 72% en deuxième semaine).
La faute à un manque de cohésion et à une batterie de titre franchement mauvais (qui peut décemment écouter How To Love ou le feat avec T-Pain deux fois d’affilé ?), mais aussi la faute au fait qu’en cabane le rappeur ait dû se calmer sur le sizzurp, avec pour conséquence des rimes moins débilo-géniales qu’à accoutumée.
[Exception faite de la très controversée « Real G’s move in silence like lasagna ».]
Sept ans après les faits, hormis quelques singles très honnêtes (6 foot 7 foot/John/Mirror) et d’une interlude culte sur lequel Wayne n’est même pas présent, C4 tient plus du mauvais souvenir qu’autre chose.
Tha Carter V
Sorti le 28 septembre 2018 sur Young Money/Republic/Universal.
De la première à la dernière note de ce numéro 5 annoncé pour la toute première fois en 2012, une seule et unique question se pose : valait-il l’attente ?
Bon point : dans la peau d’un boxeur millionnaire qui après une longue période d’inactivité se doit de remettre les gants une ultime fois pour cimenter son héritage, Lil Wayne s’autorise à regarder droit dans les yeux ses fils spirituels, voire à sérieusement leur donner la fessée par moments (Don’t Cry ! Mona Lisa ! Let If Fly !).
Moins bon point : le choix de se mettre en scène façon jubilé (interventions de sa Maman, reprise de la célèbre quote de Barack Obama, feat avec sa fille…) donne à l’exercice déjà un peu long (90 minutes), un côté un peu mou.
Du coup, il est malheureusement fort à parier qu’une fois l’agitation retombée ce Carter V fasse figure dans l’œuvre de Weezy, non pas d’album de trop, mais d’album pour rien.
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