Rencontre avec le groupe de Sevran, à l’occasion de la sortie du projet « Triple S ».
Débarquer avec un groupe à l’heure les artistes tiennent le haut du pavé en solo, cela pourrait être apparenté un drôle de choix. Loin de se poser des questions, c’est pourtant ce qu’ont fait nos kamikazes DeTess, OldPee, Zefor, et Zed au sein de 13 Block. La formation made in Sevran s’ouvre aujourd’hui à de nouvelles sonorités dans le très attendu Triple S, dirigé par le beatmaker Ikaz Boi. Fidèles à une utlrap toujours aussi puissante dans le propos, nos gars régènèrent le rap hexagonal avec la manière. Rendez-vous dans les locaux de Booska-P pour une autopsie du projet.
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Ikaz Boi, le maître artificier
13 Block, c’est d’abord Violence Urbaine Emeute et Vltrap, deux projets particulièrement nerveux. Des cartes de visite qui fleurent bon le goudron et le vécu, entre les tours de Sevran et le pavé du nord de Paris. Deux opus qui ont réellement posé les bases d’un des groupes les plus addictifs du moment. Auteurs d’une musique toujours accrocheuse, les Sevrannais enfoncent aujourd’hui le clou avec Triple S en compagnie du beatmaker Ikaz Boi. Un artiste reconnu qui a hosté le projet, à la manière de ce qui peut se faire de l’autre côté de l’Atlantique.
Il faut mettre aussi en avant la scène des beatmakers. Si t’as un hit qui claque, c’est notamment grâce à ton beatmaker
Loin d’un quelconque calcul, le Block assure qu’il s’agit là d’une entente naturelle entre deux entités : « Les gens nous attendaient, il fallait qu’on sorte un projet. On sortait beaucoup de clips, il y avait une vraie demande pour un projet. Du coup, on l’a fait avec Ikaz Boi, naturellement ». D’ailleurs, Oldpee et consorts n’oublient pas de louer l’apport des producteurs dans un rap qui change : « Il faut mettre aussi en avant la scène des beatmakers. Cela fait partie de notre état d’esprit, le délire ultrap c’est ça. Si t’as un hit qui claque, c’est notamment grâce à ton beatmaker. C’est aussi le but de notre projet ».
Altruistes et conscients des enjeux actuels du game hexagonal, nos rappeurs ont bossé sur un format particulièrement court. Parfait pour qu’il rentre en tête, en mode repeat. Une fois de plus, rien n’est dû au hasard pour des trapézistes sûrs de leur fait : « C’est un projet fait pour être réécouté. Plus le projet est long, plus ça saoule. Plus c’est court, mieux c’est, car pour nous les opus de 25 titres c’est terminé. Là, 11 titres c’est largement bon. Au départ on devait partir sur 9 puis on en a rajouté un petit peu. Il y a de la polyvalence dans tout nos morceaux et avec Ikaz Boi, Ponko, Myth Syzer… T’obtiens quelque chose de très unifié ».
Dur dans les textes, doux dans l’interprétation
Et si le format proposé parvient à nous séduire d’un coup d’un seul, il a quelque chose qui a changé chez le quatuor. Si le fond apparaît toujours aussi emprégné par un sacré vécu comme sur le titre Somme « Touché, par la vie du hall donc obligé qu’j’me lève tôt / Pour l’argent d’abord et peur qu’les keufs toquent à ma porte », il y a quelque chose de plus aérien sur la forme. Les formes trop bélliqueuses, c’est terminé? car oui, 13 Block est bien là pour « brasser, tout niquer en France de manière américaine » comme explicité dans Vide. Ici encore, personne ne se planque au moment d’expliquer cette évolution qui va de pair avec un hip hop en constante mutation : « On débarque avec quelque chose de plus doux, les productions ont changé. On essaye de faire comprendre aux gens qu’on peut s’ouvrir aussi. On n’est pas juste un groupe renfermé. Les messages passent mieux de cette manière, c’est clair, on le remarque direct. On a de bons retours dessus ».
Même dans les sons sombres, ça reste ouvert. Cela peut être dans un délire américain, mais c’est quand même très français dans la manière de rapper
Triple S se pose donc comme un opus plus mûr dans la veine du titre Essaye, point de départ de cette vague pour 13 Block. Une vibe presque US donc, comme la formation l’explique : « Même dans les sons sombres, ça reste ouvert. Cela peut être dans un délire américain, mais c’est quand même très français dans la manière de rapper. Pour nous, notre musique, c’est vraiment du 50/50. L’Amérique, c’est une influence, on écoute tellement d’artistes que c’est impossible de tous les citer. Le rap cainri change aussi, semaine après semaine ».
Mais malgré l’ouverture, on fait toujours face à un style propre et singulier, difficilement définissable. Une sorte de réalité crue, mise en musique sans fioritures. La bande acquiesce : « Il faut se dire que ça reste de l’ultrap, notre trap à nous. Il y a juste un peu plus de mélodie. Le but, c’est de ne pas faire comme les autres. Certaines personnes ont du mal à capter ça. Par exemple, on est le seul groupe de notre ville. On reste des trapézistes frérot, ce n’est vraiment pas une blague. Même si tu essayes, ça sera impossible de rapper comme nous ».
La secte 13 Block
Gonflé à Block, le groupe débarque avec du neuf tout en suivant une ligne de conduite très claire, celui de ne pas se fourvoyer dans le folkore de l’instant. Car s’il y a de la place pour tout le monde au sein du rap jeu, le 13 Block ne tient pas à tomber dans la facilité : « On fera toujours du hardcore, mais on ne rappe pas que pour les lascars, il y en a pour tout le monde, sans jamais aller vers la zumba. Quand tu vas à Brest en concert, il n’y a pas que des lascars et pourtant tout le public connaît tes paroles par coeur ». Avec eux, une brèche vers une musique plus entraînante ne rimera jamais avec trahison. Ils enchaînent : « Ne pas faire de zumba, c’est un de nos principes. Les trapézistes ne peuvent pas se le permettre. On en écoute, mais on ne veut pas en faire, ça nous ressemble pas et ça peut être une insulte pour ceux qui ont fait progresser le rap. Des mecs comme Akhenaton se sont battus pour ça. Le rap fait partie de la culture hip hop. On veut respecter ceux qui rappaient avant nous ».
Ne pas faire de zumba, c’est un de nos principes. Les trapézistes ne peuvent pas se le permettre
Reste désormais à transformer l’essai avec La sueur, la soif et les sous. La réussite n’est jamais loin dans la rhétorique de nos bonhommes : « Bien sûr qu’il faut scorer. Maintenant c’est à nous de pas nous louper. On ne rappe pas pour rien, il faut avoir des objectifs ». Et comme ils le rappellent, l’intégrité paye aujourd’hui grâce notamment à des artistes comme Ninho ou Sofiane qui restent proches de la rue malgré le succès « comme quoi, tu peux continuer à te battre en restant toi-même ». Intègre, le 13 Block comprend néanmoins qu’il est plus difficile aujourd’hui pour un groupe de percer face à la masse d’artistes en solitaire qui existe, mais préfère miser sur ce qui fait le sel de leur ultrap : « L’auditeur doit prendre du temps pour s’adapter à quatre flows différents. Quand t’es solo, ou en duo, c’est peut-être un peu plus facile qu’à quatre. Mais du coup, nos quatre caractères font notre particularité. La Sexion D’Assaut, laMafia K’1 Fry ou le Wu-Tang peuvent être des exemples ».
Avancer selon des principes bien établis, voilà la tâche de DeTess, OldPee, Zefor, et Zed : « Cela nous fait plaisir de voir la scène de Sevran exposée. Après nous, notre secret, c’est d’être une secte ». Une secte qui cependant su accueillir un certain Dosseh le temps featuring, le réussi Papillon : « Il kiffait de base et ça s’est fait comme ça. Si ça part d’un truc professionnel, dans le studio c’était très naturel. On s’est bien entendu, c’est notre premier feat avec lui, mais peut-être pas le dernier. Pourquoi pas sur un prochain projet, si Dieu le veut ».
Etau moment de questionner le groupe sur un futur opus, les sourires fleurissent : « On veut partir sur des surprises (rires), on bosse vraiment pour surprendre les gens. Pour l’instant on ne peut rien dire. Si on le dit maintenant, ça n’aura plus de flow après » ! Qu’on se le dise, une secte garde toujours très bien ses secrets…