Le rap français est une industrie où se côtoient artistes (beatmakers, rappeurs) et hommes de l’ombre (producteurs, managers, journalistes, etc). Sur ce grand « rap game », tous les joueurs n’exercent pas la même influence. L’influence ne doit pas être confondue avec la popularité, certaines personnalités de ce classement sont inconnues du grand public, mais agissent dans les coulisses du rap français. Que ce soit en faisant émerger de nouveaux artistes, en créant la tendance musicale du moment, en imposant la cadence des sorties, en augmentant la part du marché du rap hexagonal ou en le rendant encore plus fréquentable. Sur Booska-p, nous avons décidé de dresser le classement des 20 personnalités les plus influentes du rap français. Ce classement porte sur la saison dernière, soit du 1er septembre 2016 au 31 août 2017.
1 – PNL, rappeurs
Le duo originaire des Tarterêts a marqué de son empreinte la saison 2016-2017 avec la sortie de leur deuxième album « Dans La Légende ». Leur succès populaire est indéniable, ils ont enchaîné tous les records en streaming jusqu’à décrocher un disque de diamant en indépendant, mais leur influence va bien au-delà des chiffres. Sans accorder d’interviews, ils ont bénéficié d’un écho phénoménal dans la presse : couverture du magazine américain The Fader, sujets dans tous les JT, pléthore d’articles dans la presse généraliste. Ils ont réalisé des « coups » qui ont favorisé cette influence, que ce soit par leur série en quatre clips, leur Bercy complet en 3 jours ou leur communication (métro tapissé de rose et or, énorme affiche sur le périphérique, clip annoncé par téléphone, deux versions du même album). Aujourd’hui, on retrouve leur musique dans les festivals branchés, leur coupe de cheveux dans tous les quartiers et leur cloud rap chez leurs pairs.
2 – Sofiane, rappeur
La saison dernière, la vague Fianso a déferlé sur le rap français. Après des années de « galère », il a enfin trouvé sa recette avec sa série de freestyles #JeSuisPasséChezSo. Ses clips, ayant pour décors les pires quartiers de France, ont remis au goût du jour un rap très street. Le rappeur « qui a bloqué l’autoroute » s’est aussi invité de l’autre côté du périphérique avec quelques coups médiatiques (son portrait dans « 7 à 8 », sa descente chez Ardison) et collaborations extramusicales (la bande-son du King Arthur ou son film avec Médine et Catherine Deneuve).
Son influence est devenue flagrante quand Fianso s’est improvisé « grand reuf » capable à la fois de descendre la pression d’une foule (lors des manifestations pour Théo) ou de faire monter la carrière d’un artiste (ses nombreux feats et apparitions n’ont été que les prémices de son émission « Rentre dans le Cercle » qui marquera assurément la saison actuelle).
3 – Screetch, réalisateur et média, Daymolition
Screetch est l’homme à la tête de la chaîne YouTube Daymolition et la société de production de clips Daylight avec son compère Styck. Pendant des années, ils ont marqué le rap en réalisant les visuels du Wati B ou l’émission Rap Contenders.
Côté clips, toujours avec son associé Styck, ils ont travaillé pour Fianso (notamment sa série des #JeSuisPasséChezSo dans les quartiers de France et celui de l’autoroute qui a fait grand bruit) mais aussi pour Gims, NAZA et Mac Tyer. Côté Daymolition, ils viennent de réaliser leur saison la plus importante avec le succès de Ninho, la montée en puissance d’Hornet La Frappe et l’émergence de Timal. Outre ces succès, le passage par leur chaîne s’est installé comme la première étape pour faire ses armes en tant que « rappeur street ».
4 – Booba, rappeur
Cette année Booba a réussi le tour de force d’être aussi haut placé dans ce classement sans avoir sorti d’album. Si son dernier projet date de décembre 2015, il a connu une saison 2016-2017 très productive. Le rappeur du 92 a squatté les charts avec la sortie de son tube D.K.R, son apparition sur Ghettho, Kiname et Infréquentables. Il a aussi créé l’évènement par son featuring avec Lacrim. Pour cette saison, ce n’est pas sa propre musique qui a le plus assis son influence, on lui attribue l’émergence des membres du 92i, en particulier celui de Damso qui a rencontré un énorme succès populaire. Le dernier argument qui le place aussi haut dans ce classement est son impact digne d’un média. Chacun de ses posts Instagram agite les réseaux sociaux, et certains partages peuvent changer une carrière.
5 – Julien Kertudo, fondateur de Musicast
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Crédits photos : Yann Rabanier pour Les Inrockuptibles
Julien Kertudo est un des piliers du rap français indépendant qu’il met en rayon avec son entreprise Musicast. Il se charge de la distribution physique et digitale de rappeurs indépendants depuis plus d’une décennie. C’est grâce à lui que vous avez pu écouter des classiques comme « Mauvais Oeil » de Lunatic ou « Vivre et Mourir à Dakar » de Alpha 5.20 et plus récemment les albums de PNL et JUL.
En étant l’interlocuteur privilégié des plus gros vendeurs du rap français, Julien Kertudo s’est imposé comme un acteur incontournable, au point que son bébé Musicast a été racheté fin 2015 par Believe Digital pour un montant tenu secret. Fort de cette nouvelle acquisition, Believe (aujourd’hui valorisé à plus de 400 millions de dollars), cherche de nouveaux investisseurs. Le succès cette saison de PNL, JUL et Djadja&Dinaz ne viennent que confirmer l’influence du distributeur.
6 – Benjamin Chulvanij, patron de label, Def Jam
Crédits photos : L’atelier de Cédric
Benjamin Chulvanij est un producteur emblématique du rap français, il a fondé Hostile à la fin des années 90, et a travaillé avec des grands noms comme Rohff. Il a été choisi par Universal Music pour diriger la filière française de Def Jam. La saison dernière a été particulièrement lucrative pour le label qui a rencontré le succès avec l’album de Lacrim (Force et Honneur double platine), le tube Tchoin de Kaaris (extrait de son album « O.G » lui-même platine) et la confirmation de Kalash Criminel. On notera que Benjamin a « perdu » le contrat de SCH, passé depuis chez Capitol/Millénium, comme il l’expliquait dans une interview remarquée chez nos collègues de Rapelite. Il a aussi pris la direction de la maison Barclay. Son influence dépasse sa position de patron de label puisqu’il est aussi conseiller stratégique chez Universal Music France.
7 – MHD, rappeur
MHD, le petit prince de l’afro-trap a été couronné de succès l’année passé. Il a surfé sur son propre mouvement, l’afro-trap, pour s’exporter partout : dans le football (l’afrotrap part. 8 a été dévoilée en exclusivité sur la vidéo de présentation de la collection capsule de Pogba et adidas), aux USA (avec sa nomination au BET Awards 2017 auprès de Beyoncé et Drake, sa tournée aux USA et son apparition dans le reportage Ebro in Paris pour Apple Music) et dans la mode (il est devenu l’égérie de Puma au même titre que Rihanna). Aucun rappeur français n’a été aussi courtisé par les marques, encore plus avec seulement deux ans dans de carrière à son actif. Son influence dans le rap, elle, se remarque en écoutant les albums de ses collègues rappeurs, ils ont presque tous un morceau afro-trap.
8 – Anne Cibron – manageur, Booba, Orelsan, 92i..
Juriste de formation et manager de métier, Anne Cibron a défendu ses dernières années les intérêts de nombreux artistes. On retrouve dans ses clients actuels les membres du 92i (elle est la manager historique de Booba) mais aussi de Grand Corps Malade, du hitmaker Dany Synthé ou encore d’Orelsan. Elle a managé un temps Nekfeu, la Mafia K’1 Fry ou encore Mylène Farmer.
Elle a connu une très grosse saison avec le 92i et les albums de Shay, Damso, Siboy et Benash, sans compter les très nombreux tubes du collectif (DKR, Ghetto, PMW et presque tout l’album de Damso). Dans l’ombre, elle a activement participé à ce succès et peut se vanter de posséder un des portefeuilles clients les plus en vogue du game.
9 – Lacrim, rappeur
Après plus d’un an d’incarcération, le retour du rappeur était très attendu. Retour gagnant puisqu’il a marqué la saison avec la sortie de son album « Force & Honneur » et sa promotion hors du commun. Il a bousculé le game en sortant une série en 4 épisodes surfant entre fiction et réalité. Il s’est offert le meilleur démarrage de la saison avec 62.000 ventes en première semaine et un feat retentissant avec Booba. Au-delà du succès, on notera l’évolution de la place de Lacrim dans le rap game. Son influence a explosé à en croire ses records de ventes pour du rap hardcore et la popularité de la marque Phillip Plein dont il est devenu l’ambassadeur non-officiel dans tous les quartiers de France. Dans le même temps, il a lancé son propre label : Plata-O-Plomo.
10 – Double X, duo de beatmakers
Si le grand public ignore leurs noms, il reconnaîtra sûrement leur tag. Ce tag, le duo de hitmaker, l’a apposé sur la plupart des gros hits de cette année. On peut leur attribuer, entre autres, la composition de « Tchoin » de Kaaris, « Macarena » et « Signaler » de Damso, « Chasse à l’homme » de Niska, « Pardonner » de L’Artiste ou encore « Traitres » de Lacrim. Une saison de haute voltige où il leur aura seulement manqué d’être identifié par les auditeurs se déhanchant sur leurs morceaux. Leur coup de maître sera surtout d’avoir réussi à se placer chez tous les poids lourds avec des instrumentales très diverses et non pas une seule recette.
11 – Nekfeu, rappeur
Après le raz-de-marée de son album Feu, sa pause avec le S-Crew, ou sa tournée des festivals, enchaîner sur un second album était forcément une étape importante pour Nekfeu. Pour augmenter la difficulté, il a opté pour une sortie surprise (le soir de son concert à Bercy) et de ne pas le promotionner (aucun clip ou interview pour le défendre). Il a décroché un triple disque de platine en quelques mois. Même si Nekfeu a largement levé le pied sur les feats, il a quand même signé quelques grosses collaborations comme Skurt Kobain avec Sneazzy ou Putain d’Époque avec Dosseh.
Côté extramusical, il a été annoncé à l’affiche d’un nouveau film, L’Échappée, où il campera la vedette à côté des espoirs les plus prometteurs de la nouvelle génération du cinéma français. Nekfeu c’est surtout l’artiste qui arrive à ramener tout un nouveau public au rap, pour lequel il est le leader incontesté, tout en conservant le respect de ses pairs du rap game.
12 – Alexandre Kirchhoff, patron de label, Capitol
Crédits images : Générationsfm
Alexandre Kirchhoff c’est LE patron de label qui monte ses dernières années. Il s’est distingué en 2015 avec la signature de Gradur et Niska dans son label Millenium, propriété d’Universal Music France. Il a pris la tête du label Capitol et a réalisé une saison exceptionnelle grâce à son catalogue aussi impressionnant que varié : le 92i (Booba, Damso, Siboy, Benash et Shay), Fianso (a signé en début d’année), Niska, MHD, Gradur, Niro, VALD et SCH. Même s’il est encore peu connu du grand public, Kirchhoff a tiré les ficelles en coulisses. La saison prochaine s’annonce encore plus belle avec le succès de Niska et le retour très attendu de Booba.
13 – JUL, rappeur
Le rappeur marseillais assailli le game d’albums avec sa productivité qui n’a que d’égal que le sens de sa mélodie. Un cocktail qui lui assure le succès le plus impressionnant d’une décennie de rap français. Même si l’influence de JUL dans tous les quartiers de France était indéniable, elle restait très populaire au sens premier du terme en atteignant plus la plèbe que l’aristocratie. Mais depuis septembre 2016 JUL a changé de sphère avec la sortie de Tchikita, un énorme tube certifié diamant qui cumule 186M vues (sans clip), qui lui a permis d’exister aux yeux du show-biz. Récompensé d’une Victoire de la Musique, on le retrouve auprès de Cauet et Hanouna pour son concert au Zénith. Son influence se retrouve aussi dans la montée de scène marseillaise (y compris le succès d’artistes comme Naps), la pratique de plus en plus décomplexée de l’auto-tune et l’attrait pour l’indépendance dont JUL est le plus bel exemple de réussite.
14 – Heezy Lee, topliner et compositeur
Crédits Photo : Antoine Ott
Heezy Lee est typiquement l’artiste dont tout le monde entend ses œuvres sans connaître son nom. Plus discret encore qu’un beatmaker, il est aussi topliner. Son job consiste à trouver les mélodies des plus grands hits du game, on retrouve sa touche sur : P.M.W de Shay, D.K.R de Booba, Fume à Fond de Lorenzo et, surtout, Réseaux de Niska. Il est aussi derrière le succès de Aya Nakamura.
Par nature très discret, il a entamé une carrière solo avec le clip « Qu’est-ce qu’on s’aime » où il a soigneusement caché son visage. La plus forte des influences n’a pas de visage.
15 – Soprano, rappeur
Il est difficile d’encore placer Soprano dans le rap tellement il en a explosé les frontières et les codes. Soprano, la saison dernière, c’est l’artiste avec la plus grande tournée française, tous genres confondus. Côté ventes, il vient de décrocher un quadruple disque de platine pour L’Everest (sorti il y a moins d’un an) et un disque de diamant pour le précédent album « Cosmopolitanie ». Des trophées qui viennent confirmer une décennie de succès pour Soprano et son équipe, sa carrière est très liée à Only Pro, un label familial indépendant dirigé par Matteo le manager de Sopra.
Son image et son succès lui ont permis aussi de placer sa marque Kwell dans les hypermarchés ou d’être le centre de la stratégie de communication de marques comme Wiko ou Nerf. Il fut même un temps question qu’il devienne juré de The Voice Kids. L’influence de Soprano n’est plus sur le rap français, mais sur l’image qu’il en donne auprès du grand public.
16 – William Edorh, patron de label, Rec. 118
William Edorh a fait ses classes dans le label Nouvelle Donne qu’il a cofondé (label de Disiz La Peste et Ol’Kainry). Il a ensuite travaillé au sein d’Hostile, label au sein duquel il gérait Rohff, Youssoupha, Diam’s et Soprano. En 2016, il a fondé Rec. 118, un label de Warner spécialisé dans le rap qui compte dans son écurie Ninho, Sadek, Aya Nakamura, Leto (PSO Thug), Hamza, Hornet La Frappe, Soprano, K-Point. Là où l’influence de William, et de ses équipes, s’est distinguée, c’est sur leur capacité à attirer toute la nouvelle génération dans leurs filets lors d’un mercato endiablé et de réussir à les développer. Leurs plus grands faits d’armes : Ninho, Hamza, K-Point et Hornet la Frappe.
17 – Yoan Prat et Tom Brunet, média et agence, YARD
Cette saison Yard a confirmé son influence en faisant de sa Yard Summer Club la soirée rap incontournable de la Capitale (avec comme plus gros invités PNL et Damso). Ils ont d’ailleurs aussi réussi à exporter leur Yard Party jusqu’à l’Olympia. Agence créative pour de grandes marques, ils ont collaboré avec Nike, Converse, Beats et Jordan. En tant que média, ils ont produit (en collaboration avec Nike), un documentaire référence sur le foot de rue « Ballon sur Bitume ». Ce dernier s’est même hissé jusqu’à Netflix, affirmant un peu plus une influence déjà bien présente chez tous les amateurs de party rap.
18 – Mehdi Maizi, journaliste et éditeur
Crédits photo : Street Press
Mehdi Maizi s’est formé sur le fanzine l’ABCDRduson, et leurs émissions vidéos (dont la classique Alkpote). Il s’est improvisé auteur le temps d’un livre (Rap français: Une exploration en 100 albums) pour ensuite venir grossir les rangs d’OKLM. Animateur vedette du média, ses heures d’antennes n’ont rien à envier à un Cyril Hanouna sur C8 (dans un tout autre style). Outre son rôle d’animateur star du 2ème ou 3ème site urbain, il est aussi responsable éditorial chez Deezer pour la partie Hip-Hop. Une double casquette qui vient asseoir son influence dans le rap français.
19 – Maskey, youtubeur
Par son concept « La Recette », Maskey a trouvé une nouvelle manière de parler du rap. Avec ses 700K abonnés et 2M de vues en moyenne par vidéo, il fait presque pâle figure par rapport aux YouTubers « généralistes ». Mais Maskey est spécialisé dans le rap, et dans le domaine son influence a grossi au point que les artistes surfent sur ses vidéos pour faire leur promo (certains vont jusqu’à lui faire des propositions financières pour se faire cuisinier). La saison dernière sa faible productivité, a été contrebalancée par sa présence dans Clique et le Ptit Délire Show, au point qu’on oublierait presque qu’il n’a sorti que deux recettes : Nekfeu et Damso.
20 – Fifou, photographiste
Fifou a été le photographiste derrière la cover de la quasi-totalité des gros projets de la saison passée avec entres autres : Fianso, Niro, Alonzo, Bigflo & Oli, Kalash Criminel, Kaaris, Rim’k, Médine, Lacrim et PNL. Notre interview sur cette cover lui a permis de mieux se faire connaître du public vu qu’il est le seul collaborateur à s’être aussi longuement exprimé sur les deux frères. Durant cette année pleine, il a aussi travaillé au-delà du rap français en réalisant la cover de Florent Pagny ou en shootant des joueurs du PSG pour adidas. La marque Fifou est tellement influente qu’il est toujours l’étape presque obligatoire pour tout visuels de projets rap.
C’est la fin de ce classement qui portait sur l’année dernière (du 1er septembre 2016 au 31 août 2017). À la vitesse où évolue le game, il est fort probable que le prochain laisse place à de nouvelles têtes. Déjà en ce mois de septembre des artistes comme Ninho ou Niska affichent des scores pharaoniques, il leur reste maintenant 11 mois pour les transformer en influence. De son côté Damso, très présent par son entourage dans ce classement, va très probablement asseoir son influence quand d’autres rappeurs vont suivre sa direction artistique. Il reste un grand absent à ce classement : vous, le public, qui reste l’unique arbitre de ce rap jeu.
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