En ce mois d’Août, Les Secrets de la Créations vous raconte l’histoire d’un titre qui aura achevé la concurrence en s’affirmant sur la durée: « Finis-les ».
Dans le cadre de la Sélection du mois d’août consacrée à Alonzo, Booska-P vous propose le troisième volet des « Secrets de la Création« , un nouveau concept qui retrace la vie du morceau le plus important de la carrière d’un artiste. Qu’il soit rappeur ou autre, chaque acteur de la scène musicale connait un titre dans sa carrière qui lui fait passer un cap. Ca peut être celui qui lui fait découvrir sa vocation, celui qui lance son ascension, celui qui marque une nouvelle direction artistique ou celui qui le fait exploser aux yeux du grand public. Le choix d’Alonzo s’est porté sur le titre « Finis-les », un joyau sonore au parcours atypique qui aura marqué au fer rouge la carrière déjà imposante du marseillais. Le genre de titre que tout artiste rêve d’avoir. Deuxième extrait de la mixtape « Capo Dei Capi Volume 1 » sorti en septembre 2015, le morceau suivait de près « Normal« , le featuring avec Jul lancé comme premier single.
Quand la création dépasse le créateur
IMAGE ERROR
J’étudie ce morceau. Je me dis: ‘comment j’ai fait ?’
« Finis les » a toutes les caractéristiques du classique mais a la particularité d’émerger un peu à retardement, s’imposant doucement mais sûrement comme l’un des titres phares de la carrière déjà bien remplie du Papé. Passer après « Normal », le premier extrait couronné de succès en feat avec Jul, était un challenge de taille pour une chanson dont le titre sonnait davantage comme un banger efficace que comme un morceau intemporel. Au beau milieu de l’été, la machine est lancée pour ne plus jamais s’arrêter. Un phénomène difficilement expliquable par Alonzo: « Des fois tu fais des calculs: tu trouves un thème, une belle prod’, tu mets tout ton coeur à l’ouvrage et il s’avère qu’au final le morceau n’est pas aussi extraordinaire que tu le voulais. Mais un morceau comme « Finis les », j’ai l’impression qu’il y a une magie« . Des propriétés extraordinaires qui échappent encore à Alonzo: « J’ai beaucoup de titres dans ma discographie mais la magie que ce morceau procure aux gens, que ce soit sur scène, dans leur vie au quotidien, elle est extraordinaire. Et je t’avoue que j’étudie ce morceau. Je me dis: ‘comment j’ai fait ?’« .
Je me suis réveillé en sursaut
A morceau particulier, procédé particulier. Après avoir élaboré une petite mélodie et l’avoir enregistrée en studio, Alonzo rentre chez lui, sans se douter que l’inspiration entrerait sans frapper, un beau matin : « Je me suis reveillé en sursaut, il devait être 9h du matin. Je suis allé dans la cuisine, j’ai pris un café, une cigarette et j’ai écrit le morceau en 15 min, pas plus. J’ai appelé l’ingénieur son, je lui ai dit ‘il me faut une session maintenant: j’ai besoin de poser quelque chose‘ ». C’est sur une composition de Benjay Beatz envoyée à Alonz’ par l’intermédiaire de son manager que le rappeur enregistrera le titre. Bien loin d’imaginer qu’Alonzo poserait sur sa production en si peu de temps, le beatmaker avoue avoir senti une énergie particulière en la créant : « J’aimais beaucoup le pad spatial, qui est l’instrument principal du morceau. J’ai vraiment été emporté par le beat lorsque je l’ai composé« . A ce moment-là, Benjay Beatz ignore la destinée de « Finis les », une instru initialement composée d’après l’acapella de The Game sur le morceau « Or Nah », qu’il aura même songé à poster sur son compte soundcloud sous forme de remix. Après quelques jours d’hésitation, le producteur finit par l’envoyer à Quentin, son manager, avant d’apprendre le jour-même qu’Alonzo l’avait utilisé pour enregistrer un refrain. Benjay Beatz sent alors que quelque chose se passe, notamment en découvrant la story Snapchat du Capo en studio.
Itinéraire d’un classique
IMAGE ERROR
Le morceau met les gens en transe, il faut vraiment le voir
Si le choix de sortir le titre durant l’été ne constituait pas un risque selon Alonzo, le morceau n’aura néanmoins pas rencontré le public immédiatement. L’essor de « Finis les » fut progressif. Au fur et à mesure que les semaines passent, les vues montent et le son prend de l’ampleur. Des dizaines de millions de français découvrent un morceau qui finira par toucher bien plus que les seuls amateurs de rap : « J’ai eu des remarques de mamans qui ne comprenaient pas forcément très bien le français mais qui, juste au niveau de l’interprétation, arrivaient à ressentir des émotions sur ce morceau. Au niveau de l’interprétation, de l’émotion qui émane de ma voix, il y a une magie qui opère« . Alonzo avoue pourtant qu’à l’origine, ce n’est pas le genre de titre destiné à faire un carton en boite de nuit. Une fois encore, le Capo est comme dépassé par la capacité de son titre à embarquer les foules : « Le morceau est incernable. Il met les gens en transe, il faut vraiment le voir. Je pose le micro quand je fais ce morceau sur scène« . Un envoûtement visible en concert ou en showcase, comme sur cette vidéo tournée pendant la Booska-S’maine d’Alonzo dédiée à la sortie d' »Avenue de Saint-Antoine », captée au Club 36 de La roche Sur-Yon :
IMAGE ERROR
C’est le peuple qui décide, point.
La symbiose entre le public et « Finis les » se révèle d’autant plus remarquable qu’Alonzo n’aura pas atteint les playlists radiophoniques et n’aura bénéficié que de très peu de passages TV. Alors pourquoi un tel succès ? Pour Alonzo, le peuple a poussé le morceau, l’a choisi. « Tu as beau mettre tout ton coeur, toute ton énergie sur des titres, quand le peuple ne veut pas, il ne veut pas. C’est comme ça. On passe du temps, on passe des des mois en studio pour sortir des fois des albums avec lesquels on pense tout exploser, et en une seule écoute, le public le juge pourri et ne l’écoute plus. L’album passe aux oubliettes« . De ce constat un peu amer Alonzo tire des conclusions : la musique est inexplicable et n’est définitivement pas une science exacte.
Quand à savoir si le phocéen attendait un tel engouement, sa réponse est catégorique: « Tu ne peux pas t’attendre à ça. L’artiste qui va te dire ‘je savais que ce titre-là allait être un classique’, je le prend pour un mytho« . Pour Cédrick Cayla, le réalisateur du clip, c’est la spontanéité et l’alchimie entre les trois piliers de la création qui a conféré au titre une saveur particulière: « Sur ce son, tout est lié. La prod déjà est particulière. Alonzo a su trouver la bonne mélodie, les bonnes paroles, il a trouvé la clé qui mettait en harmonie son flow et l’instru. C’était tellement naturel; il y a eu une flamme entre Alonzo, Benjay Beatz et moi: je pense que c’est ça la réussite de ‘Finis les’ même si on ne peut pas tout expliquer« .
IMAGE ERROR
Dans 20 ans, on en reparlera
Par définition, le « classique » résiste au temps. Et à en croire l’analyse du Capo dei Capi lui-même, « Finis les » aurait rencontré le succès dans un autre contexte temporel : « Quel que soit le mois et l’année, le morceau aurait pris. La musique rap est très générationnelle, on s’adapte aux tendances et chacun le fait à sa manière, mais ‘finis les’ c’est pas un morceau qui est à la mode. Dans 10, 15, 20 ans peut-être même, quand la trap va passer, quand l’afrotrap va passer, quand toutes les modes de rap actuelles vont passer, ce morceau-là va rester. Parfois je parle aux jeunes d’IAM ou de la FF, de ce que j’écoutais à leur âge. Si tu leur mets certains morceaux de cette génération, ils vont ressentir exactement la même sensation que j’ai ressenti à cette époque là, par rapport à l’interprétation, au poids des mots. Je pense que ‘Finis les’ s’inscrit dans ce genre de titres. »
Si pour « Finis les » une issue heureuse semblait inévitable, c’est aussi en partie grâce au clip qui l’accompagnait à sa sortie, indissociable de la magie du titre car constituant le premier contact avec le public.
Un clip sous l’emprise de la magie noire
Sur ce clip là, lui et moi y’avait une pu*** d’alchimie !
A l’origine du visuel, il y a Cedrick Cayla, réalisateur réputé dans le milieu hip-hop. L’idée du clip lui est venue à l’instant même où il a écouté le son, le guidant vers des inspirations plutôt sombres: »Ca m’a tout de suite inspiré. Possession, maison hantée… c’est ce que j’ai ressenti quand j’ai écouté le morceau. Je sentais une atmosphère, une ambiance un peu mystique. On a fait le clip dans un vieux manoir abandonné. On a tourné à 3h du matin et jusqu’au lever du soleil. Je voulais des endroits sombres à l’intérieur du manoir, donner un peu une ambiance de film d’horreur« . Un visuel tourné dans le 91, tardivement pour donner au décor toute la pesanteur nécessaire à la vision de Cedrick et Alonzo. Ce dernier n’était pourtant pas réellement préparé, n’ayant eu connaissance que d’un court synopsis présentant l’intention générale mais dépourvu de références précises. Le réalisateur avait carte blanche : « Alonzo m’a fait confiance à 100%, il n’est intervenu sur rien. Quand je lui ai exposé l’idée, il a tout de suite accepté. Je lui avait parlé du décor mais il a tout découvert en arrivant« .
IMAGE ERROR
Le mec se transformait, c’était bizarre !
La gestuelle utilisée par ALZ porte aussi la responsabilité de ce succès. Le marseillais s’est laissé guider par ses émotions tout en donnant à Cedrick les attitudes attendues. Avec des ad lib ajoutés en superposition, comme des voix de Djoun résonnant dans la tête du rappeur, il était nécessaire pour Cedrick d’avoir des mouvements à la hauteur: « Il fallait créer ce côté un peu dark et que l’artiste s’intègre à l’atmosphère, dans son attitude. Comme s’il était envoûté ou possédé. Alonzo c’est un des rares artistes qui te fait confiance et qui te prend pas la tête sur les détails, il laisse le réal bosser. Je lui disait ‘vas y, fais comme si un démon t’habitait’ et il ressentait des pulsions et jouait le jeu. Le mec se transformait, c’était bizarre !« . D’abord un peu perplexe, le Papé y flaire finalement un grand potentiel: « La première version j’étais pas hyper satisfait. Au bout de la troisième fois où je le visualise, je me dis p***** il y a quelque chose de fort, de fou. La magie a continué à opérer dans le clip« .
De la même manière, la vidéo ne fut pas tout de suite apprécié par Cedrick Cayla, frustré de n’avoir pu mettre en boite la scène finale qu’il espérait pour le clip :
« Pour moi c’était raté. Ce clip là je l’ai aimé 1 an après la sortie, je l’ai pas avoué à Alonzo parce qu’il avait kiffé. Mais j’étais pas allé au bout de mon idée: la fille, sous cape, dans le clip, c’est un démon qui pousse Alz à faire du sale mais qui le retient en même temps. A la fin, je voulais qu’il marche dans un long couloir, qu’il suive la femme et qu’elle disparaisse. Il faisait jour, on avait pas le temps de boucler ça. Du coup j’étais bloqué là dessus et je voyais plus le reste du clip. Quand j’ai fait le deuil de cette séquence, j’ai vu la magie de ce clip« . Aujourd’hui, le visuel est une référence pour certains artistes, réclamant parfois au réalisateur « un clip comme celui d’Alonzo« .
L’histoire continue
IMAGE ERROR
‘Finis les’, c’est son papa
L’alchimie entre les deux hommes s’est illustré à nouveau de tout son éclat à travers « J’écris« , un extrait du cinquième album d’Alonzo: 100%, disponible le 25 août. Alonzo raconte: « Ca s’est passé à peu près pareil pour « J’écris ». « Finis les », c’est son papa, je m’en suis inspiré« . Cedrick Cayla, lui, explique avoir reçu un appel d’Alonzo pour mettre en images ce nouveau titre: « Alonz’ m’a dit: ‘je vois personne à part toi’. On s’est retrouvé dans les mêmes conditions, mais avec plus de moyens et un délire plus customisé. » Un morceau introspectif à l’image d’un nouveau projet plus personnel, dans lequel le Capo dei Capi avoue s’être beaucoup livré.
Pour vous refaire la discographie d’Alonzo, abonnez-vous à Apple Music. Les trois premiers mois d’essai sont gratuits. Et si vous avez la chance d’être encore étudiant, vous ne payerez que 4,99€ par mois !