828 jours séparent la sortie du « Freestyle P.S.G » de Niska et « Réseaux ». Deux pépites pour le même homme, sauf qu’entre temps le Charo a passé deux ans à muscler son art dans un jeu où les règles ont évolué à son avantage. Cette fois-ci le commando du 91 est bien parti pour récolter ce qu’il a semé. Analyse d’un futur succès que tout le monde trouvera prévisible.
Niska a gagné au loto sans que personne ne remarque
Mars 2015 Niska et ses copains décident de rendre hommage au milieu Matuidi et à sa détermination (qui lui vaut le sobriquet de « Charo », charognard qui ne lâche pas sa proie) dans le désormais célèbre « Freestyle P.S.G ». Jusqu’alors presque inconnu, Niska se diffuse sur des millions d’écrans avec ce qui fera l’ADN de son rap : gestuelle, influence africaine et énergie. Autour du morceau s’opère une magie inexplicable au point qu’il explose les frontières du rap, le « buzz » devient tellement puissant que les médias généralistes s’emparent du sujet, Matuidi reprend la danse du Charo pour ses célébrations et Niska est propulsé au rang d’espoir du rap français.
Pour capitaliser sur ce buzz grandissant, Niska enchaîne sur la mixtape « Charo Life » qui sortira 6 mois plus tard en octobre 2015. Au moment de sa sortie, tout le monde a dans le viseur le récent disque d’or de son compère au parcours similaire : Gradur. La mixtape, aux inspirations américaines et africaines, connaît un accueil moindre. Elle score à 8.400 exemplaires en première semaine (à titre de comparaison d’autres espoirs dépassaient allégrement les 20.000), un chiffre que beaucoup vont trouver insuffisant au regard de son buzz. Il faut dire que Niska accumule les millions de vues sur ses clips (Gros Bonnets, Ochoa et même son freestyle Booska-P) et sur sa collaboration avec Gims (qui au moment de la sortie de son album n’est disponible qu’en audio et est encore loin d’être un tube). Au point que Madrane précise sur le morceau True : « Pour tous les rageux qui parlent mal derrière nous, on n’achète pas de vues, c’est du réel ».
Dans un game accro aux chiffres, certains font l’erreur d’enterrer trop tôt la carrière de Niska. Ils n’imaginent pas un instant que ces millions de vues sont que le résultat de sa fanbase aussi street que son rap (l’omniprésence de la marque Charo dans les quartiers des DOM-TOM nous le confirme). Un éditeur précisait d’ailleurs au détour d’une conversation que « le public de Niska c’est 5 petits qui regardent son clip sur un smartphone. S’il ne transforme pas dans les bacs c’est parce que son public ne s’y trouve pas », d’autres se félicitent du chiffre d’affaires généré par ses streams. Contrairement aux autres étoiles du rap des mêmes années, on pense notamment à MHD et Gradur, Niska reste synonyme d’un rap sans concession qui doit potentiellement enfoncer plus de portes pour parvenir au succès public.
Un rap sans concession
On oublie souvent que Niska a cosigné le plus gros tube du rap français : Sappés Comme Jamais, 300 millions de vues et une Victoire de La musique. Ce qui lui a d’ailleurs sûrement laissé le temps de préparer son premier album en toute sérénité pendant que ses détracteurs ironisaient sur sa fin de carrière oubliant le montant de sa SACEM. Mais ce morceau, ainsi que ses autres tentatives de tubes (Mustapha Jefferson, Elle avait son Djo), sont très loin d’avoir forgé sa carrière (malgré leur certifications en single d’or). Niska est l’un des rares rappeurs à pouvoir se vanter de se hisser vers le sommet uniquement à grands renforts de Bangers. Encore plus à notre époque où les flirts avec la pop urbaine sont acceptés par le public. Ce luxe lui a-t-il attiré la sympathie de ses pairs ? Ils sont nombreux à s’être passé le mot pour croiser le fer dans le premier album de Niska : Zifukoro. Sur la tracklist on retrouve notamment Booba, Gradur et SCH dans leur versant le plus sombre accouchant tous d’un bon banger sauce 91.
Le premier extrait éponyme de l’album Zifukoro annonce la couleur. Malgré Sappés Comme Jamais, malgré une mixtape trop street pour exploser, Niska s’enfonce dans son vice et se revendique « Violent comme à l’ancienne ». Dans ce clip très sombre, où l’on peut voir un sosie deThomas Ngijol gonflé aux stéroïdes, on ne peut qu’apprécier la progression de Niska. Cet album, fruit de la collaboration avec DJ Bellek (enhardi par son travail réussi sur Lacrim), apparaît plus mature et maîtrisé. Comme tous les rappeurs qui ont connu un buzz rapide, leur marge de progression est énorme à condition de charbonner tel un charognard. À nouveau Niska s’impose, cette fois-ci plutôt dans le microcosme du rap, profitant moins de l’effet du « rappeur à la mode ». À sa sortie l’album score à 8.615 exemplaires, encore trop peu au regard de sa popularité, mais cette fois-ci l’attente autour de Niska était plus raisonnable. Surtout que personne ne peut nier l’évolution artistique, la construction progressive d’une fanbase (qui lui a permis d’obtenir son disque d’or sur la durée) et on commence de plus en plus à parler de la prise en compte d’un nouveau facteur dans le game : le streaming.
Dernière ligne droite avant le podium
Niska n’est pas de ces rappeurs amoureux de leurs morceaux. Il a fait table rase de « Charo Life » pour avancer sur « Zifukoro », qu’il conclut par la sortie du clip de « Cala Boca » en featuring avec Gradur. Un mois plus tard, le 2 décembre, il adopte une nouvelle forme (tah Freezer) pour détruire la concurrence. C’est la sortie de « Commando », un morceau qui marque le ton de la suite de sa carrière : une nouvelle forme de trap teintée d’afro-trap, avec une énergie débordante et une maîtrise parfaite de son rap. En quelque sorte, un trait d’union entre son premier et second projet, comme si Niska avait réussi à apprendre de leurs erreurs et à en extraire le meilleur. Le succès est immédiat et, tel un boxeur ayant repéré le point faible de son adversaire, Niska frappe coup sur coup avec ses Freestyles #KeDuSal (« B.O.C » pour l’OVNI Batards Ont Courus qui vise l’instinct animal de ses auditeurs, « J’suis Dans Le Baye » un karaoké déconseillé en famille et le très vivant « Chasse à L’homme »).
Comme pour être sûr que personne ne passe à côté de son état de grâce, Niska multiplie les apparitions. La plus marquante est sûrement sa prestation dans un Freestyle Couvre-Feu coude à coude avec Damso, Kalash et Booba. L’outsider trompe toutes les statistiques et crame le micro. On remarque aussi l’attachement de Booba au rappeur du quartier Charlie Delta. Celui qui se définit comme le numéro 1 du hardcore voit certainement en Niska le plus fervent défenseur du genre. De ce freestyle, que l’on peut déjà qualifier de classique, on retiendra surtout le fameux « Elle a mal aux reins quand je la démonte » qui deviendra le refrain de son featuring avec Ninho. On le retrouve aussi sur les projets de Keblack, Alkpote, Dehmo ou Naza. Mais c’est surtout les playlists de streaming que Niska va squatter, comme sur Apple Music où il est devenu incontournable depuis le début de l’année 2017. Sans avoir encore sorti de projet, Niska a totalement vampiriser le début d’année et fait la course en très bonne position pour être le rappeur de l’année 2017.
Le streaming, c’est ce qui va changer la donne pour Niska. Il va transformer son succès populaire, au sens plébéien du terme, en un succès commercial. Niska est probablement, depuis un moment, l’un des rappeurs les plus écoutés, il était juste hors des radars. Avec l’explosion du streaming (et sa prise en compte dans les certifications), tout le monde sera obligé de s’en rendre compte, pour preuve Commando et B.O.C sont tous deux singles d’or sans pour autant être taillé pour. Début juillet, au sortir de ses trois freestyles #KeDuSal, est publié son featuring avec Sadek « En Leuleu ». Les chiffres sont élevés, quelque chose est en train de se produire. Deux jours plus tard, il dévoile, uniquement sur les plateformes de streaming, le morceau « Réseaux », c’est une confirmation. Le titre est un énorme banger, un hit de rue qui a un potentiel beaucoup plus large grâce à sa gimmick musicale « Pouloulou ». Face au succès du morceau, Niska nous offre le clip 10 jours plus tard, et c’est l’explosion. Réseaux est le morceau de tous les records, un titre street à la Niska et qui arrive à exploser tous les records. 20 millions de vues en 2 semaines, 4 millions de streaming hebdomadaire faisant reculer le rouleau compresseur Despacito. Niska nous refait un « Freestyle P.S.G », sauf que cette fois-ci il a toutes les cartes en main et rien n’empêchera le Charo de récolter ce qui lui revient de droit avec un troisième projet que l’on espère pour la rentrée.
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