Nous avons essayé de résumer la carrière de SCH en 10 morceaux
Deo Favente, « avec la faveur de Dieu », c’est le nom du nouvel album du rappeur marseillais SCH. Après Anarchie, il se trouve confronté à de nouveaux enjeux, il s’agit pour lui de poursuivre sa quête d’un nouveau public et donc d’un style musical plus ouvert sans s’éloigner de son univers sombre pour satisfaire son public actuel. Torturé par ses problèmes personnels, SCH livre un album complexe et très riche musicalement, qu’il convient d’envisager à la lumière de certains de ses meilleurs sons. Pour cela, nous avons sélectionné dix sons, qui retracent le parcours du rappeur et illustrent sa richesse musicale.
La mallette
Beaucoup découvrent SCH avec ce morceau sorti fin 2014, et pour la plupart c’est une révélation. La voix éraillée du rappeur et son style à la fois agressif, percutant et réfléchi, et le refrain obsédant du morceau rencontrent d’abord l’incompréhension de l’auditeur, puis retiennent son attention. Alors que la vague drill est à son apogée en France, SCH prend à contre-pied et rencontre son premier succès. Malgré le retentissement alors limité du morceau, c’est l’un des catalyseurs de la grande diversité qui se développe dans le rap français depuis 2015 avec l’apparition d’artistes aux identités très marquées. Le clip, tourné à Genève, n’est pas non plus étranger au succès du morceau, on y découvre le personnage de SCH, alors cheveux mi-longs et écarteurs dans les oreilles, et on ne peut qu’être interloqué. Le marseillais finira par adopter une véritable signature visuelle qu’on ne retrouve pas tout à fait ici, mais il commence déjà à déployer son univers extravagant.
John Lennon
Deux minutes à peine, c’est la durée de l’intro de la mixtape A7 intitulée John Lennon, et c’est également la durée qu’il faut à SCH pour entraîner l’auditeur dans on univers sombre et angoissant. Le street clip tourné en noir et blanc correspond parfaitement à l’atmosphère violente du morceau, sur une prod dont le timbre n’est pas sans rappeler celle de La mallette, le rappeur enchaîne phase sur phase avec sa voix éraillée et un ton incisif. C’est un prélude parfait au projet A7 qui est, à ce jour, le plus sombre du rappeur, on découvre un aspect plus « rue » de SCH, qui vient étoffer son personnage. À l’image, l’omniprésence de bouteilles d’alcool de luxe est un rappel à l’univers habituel de SCH. Le titre intrigue, John Lennon n’est pas une référence habituellement invoquée par les rappeurs… Le S, lui, nous habitue peu à peu à des références très poussées notamment sur le cinéma et la musique. Au-delà de la musique, c’est la place de numéro 1 de John Lennon que le rappeur revendique.
A7
Juste à la suite de John Lennon, A7 est produit par Guilty qui fait le choix de sampler des choeurs traditionnels bulgares, avec au refrain des notes de gadulka, un instrument traditionnel du pays. Le résultat est très puissant, il met en valeur un texte incisif qui joue sur la brièveté et des évocations instantanées. SCH crache son texte, le refrain avec le fameux passage selon lequel « se lever pour 1200 c’est insultant » qui sera repris lors de manifestations contre la loi Travail est la clef de voûte du morceau. Là encore, on retrouve de nombreuses références, Guy Ritchie y côtoie notamment une célèbre marque de prêt-à-porter italienne, et un déferlement lexical au refrain qui sans phrases construites reste extrêmement évocateur. Il est nécessaire d’évoquer le clip de Beat Bounce, manifestement inspiré du rôle d’Al Pacino dans L’avocat du diable, il fait du rappeur une personnification du diable derrière chaque mauvaise action.
Drogue prohibée
Après sa signature chez Def Jam, par l’intermédiaire de Lacrim, SCH est amené à travailler avec Kore, producteur qui tente de l’amener vers des sonorités plus dansantes avec des influences house perceptibles. Drogue prohibée et quelques autres sons tirés de la mixtape A7 dont le très célèbre Champs Elysées marquent ce tournant dans la carrière du rappeur, qui sera concrétisé sur Anarchie où Kore est crédité comme producteur ou co-producteur sur quasiment tous les sons. Drogue prohibée est une vraie réussite dans son genre, SCH s’essaye à un style qu’il avait jusqu’alors complètement ignoré et montre sa capacité à faire siennes toutes les sonorités possibles. Le refrain du morceau est particulièrement bien tourné autour d’un jeu d’assonances qui rentre rapidement dans la tête. Malgré ce début d’évolution dans la direction artistique, le rappeur conserve une plume très sombre qui contraste avec la prod.
Gomorra
Extrait de la mixtape A7, c’est l’un des morceaux emblématiques de SCH. La prod mélancolique de Kore et Katrina Squad donne une incroyable profondeur à sa plume. Ancré dans l’univers de la série Gomorra qu’on avait déjà évoqué, le morceau évoque la mafia sans la glorifier. Toujours avec cette aptitude à faire visualiser ses paroles, il décrit à plusieurs reprises un drive by largement inspiré, encore une fois, d’une scène en particulier de la série. Mauvaise synchronisation, SCH qui avait déjà tourné son clip des mois auparavant l’a finalement sorti après celui de Le monde ou rien de PNL, également tourné à la cité de la Scampia à Naples, en hommage à Gomorra. A travers son flow plus lent et mélodieux, le rappeur parvient à créer une véritable bulle autour de l’auditeur qui a facilité sa réception par le public étranger, notamment les italiens attirés par le featuring avec le rappeur Sfera Ebbasta qu’on évoquera un peu plus tard.
Anarchie
Presque dans la continuité de Gomorra, SCH introduit son album SCH par un son très sombre et qui crée un réel contraste avec les morceaux suivants, beaucoup plus aérés et dansants. La prod mélodieuse et lente donne toute sa force à la voix rauque du rappeur qui débite ses phases méthodiquement, il montre encore une fois sa capacité à renouveler la manière d’écrire et qui en fait un rappeur exceptionnel. La deuxième partie du morceau, plus ouverte, lui permet de placer un couplet sous autotune et un refrain au rythme beaucoup plus lent, qui crée une véritable cassure sans pour autant que la prod change radicalement. Anarchie, Comme si, et John Lenon sont autant de preuves que SCH sait exactement comment commencer un projet : en frappant l’imagination de l’auditeur. Le clip, lui, est un clin d’oeil à 3am d’Eminem et Alpha Omega de MGK, le plan sur la baignoire remplie de sang est particulièrement saisissant et reste une image forte.
Cartine Cartier
Sfera Ebbasta est l’une des têtes d’affiche italiennes, qui a été présentée à SCH via son producteur Guilty de Katrina Squad. Musicalement plus léger que la plupart des sons de SCH, Cartine Cartier se garde pourtant de sombrer dans l’excès. L’ambiance du morceau est planante, la douceur de la prod et du refrain lui donne un air d’été alors qu’à travers une métaphore centrée sur du papier à rouler et une marque de luxe les deux rappeurs évoquent leur passage de la misère au luxe. Pour autant, le S ne se départit pas de sa part d’ombre, avec notamment le passage très imagé : « la nuit je parle au diable, sang sur les mains ». La prod est une collaboration entre Charlie Charles, le beatmaker attitré de Sfera qui travaille aussi avec les étoiles montantes du rap italien Dark Polo Gang, et Kore qui est omniprésent sur Anarchie. Alors que l’album se voit reprocher son aspect trop lisse et commercial, Cartine Cartier remporte l’unanimité auprès du public.
Himalaya
Un autre morceau qui détonne sur Anarchie et sûrement l’un des plus complets de SCH. La prod de DJ Bellek est très réussie, mais elle passe clairement au second plan, éclipsée par le charisme que dégage la voix du rappeur. À la fois cynique et détaché, Himalaya garde cet aspect torturé qui caractérise l’oeuvre de SCH, « j’ai jamais cru en hier, laisse-moi croire en demain ». C’est un morceau dédié à son succès, qui apparaît en filigrane comme la thématique récurrente de l’album. C’est surtout un morceau qui montre le pessimisme du rappeur, qui parsème plus ou moins chacun des morceaux. En pleine ascension, il ne peut s’empêcher de regarder en arrière et de décrire dans un second couplet particulièrement imagé la misère sociale et la criminalité qui gangrènent la ville dont il vient, et plus généralement son enfance. Au final, le son laisse une impression amère, comme si l’argent et le succès n’arrivaient pas à combler les cicatrices.
Les années de plomb
C’est un titre très évocateur, les années de plomb sont des périodes particulièrement difficiles de l’histoire contemporaine, qu’il s’agisse de dictatures, de guerres civiles ou simplement de troubles sociaux. La prod de Tshek est très immersive, elle donne l’impression d’être coupé du reste du monde alors que la voix du rappeur retentit : « on crame ta piaule au gaz propane ». C’est un départ brutal, alors que le premier couplet commence par une nouvelle référence à Gomorra qui continue d’alimenter l’univers de plus en plus complexe de SCH. La plume rappelle Anarchie, l’instru est sensiblement différente en revanche de celles sur lesquelles le marseillais a pris l’habitude de poser. Encore une fois, on constate le talent de SCH pour faire parler des silences, des intonations, des lenteurs ou des assonances, parfois même plus que ses paroles. Deo Favente se révèle un album assez égal, mais Les années de plomb ne laissent pas indifférentes.
La nuit
Plusieurs autres morceaux de Deo Favente pourraient figurer dans cette liste, notamment Slow Mo où le rappeur s’essaye à un nouveau flow inspiré de 21 Savage, ou encore 6.45i. La nuit est un morceau extraordinaire en bien des points, c’est le seul crédité au nom de Katrina Squad, qui travaille avec SCH depuis ses débuts, c’est surtout le morceau le plus personnel du rappeur. Il évoque son père dans plusieurs morceaux de manière plus ou moins imagée, dans La nuit il lui livre un hommage poignant qui a des allures d’appel au secours. L’harmonie entre la voix du rappeur et la prod est totale, et la plume du S montre toute sa profondeur. Tout droit tirés de sa mémoire, les tableaux dépeints par le morceau n’en sont que plus forts et évocateurs. Il en ressort l’image d’une enfance difficile, mais aussi celle d’un amour très puissant pour son père qui rend le morceau d’autant plus fort que le rappeur a eu le malheur d’apprendre la mort de celui-ci au moment de la sortie de l’album.
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