Parce qu’il y a des jours où DeAndre Cortez Way résume à lui seul tout ce qui ne va pas dans le rap…
Il y a 10 ans, sortait Crank That, alias la Macarena du rap.
Accompagné d’une chorégraphie empruntant à Superman et Robocop qui très vite sera reprise en chœur dans les clubs et les cours d’école (précédant d’une certaine façon la vague des Harlem Shake/Mannequin/Ice Bucket Challenge), le morceau passe près de deux mois en tête des charts, établit le record d’alors des ventes digitales et s’écoule au final à plus de 5 millions d’exemplaires (sans oublier les pelletées de sonneries de téléphones vendues au passage).
En l’espace d’un titre écrit, produit et uploadé depuis sa chambre, du haut de ses tout juste 17 ans Soulja Boy met intuitivement en pratique ce qu’aucune major au budget multimillionnaire n’a su comprendre avant lui.
Apôtre du « Do It Yourself », il bâtit à la vitesse du météore un petit empire grâce aux différentes plateformes mises à sa disposition (les défunts ou presque MySpace, SoundClick, Bebo…), et ce à une époque où la notion même de viralité reste encore à définir (la sextape de Kim Kardashian leak la même année).
Non seulement l’ado originaire de Batesville, Mississippi devient ainsi la première véritable méga star made in internet, mais son ascension vers les sommets se retrouve documentée à la face du monde dans les moindres détails – et oui, sans Soulja Boy tous ces rappeurs nés dans les années 90 ne se seraient probablement pas mis à faire de la musique à partir de leur ordinateur portable.
Le Steve Job du rap c’est lui. Ou plutôt ça a été, car très vite la bulle dégonfle et il passe en trois albums à peine du statut d’ex-petit prodige à celui d’expert en glissage sur peau de bananes.
Une dégringolade qui ne s’explique pas uniquement par la cruauté d’une industrie du disque toujours prompte à broyer jusqu’à ses élèves les plus appliqués.
Là où ses aînés faisaient mâtiner leur art dans un patchwork d’influences diverses et variées (la culture ghetto, la musique soul, la blaxploitation, la lutte pour les droits civiques…), Soulja Boy incarne peut-être plus que n’importe qui cette génération biberonnée quasi exclusivement aux codes du hip hop mainstream et qui cherche à tout faire pour les reproduire, quitte à sombrer toujours un peu plus dans une pose aussi artificielle que caricaturale.
Musique, crédibilité de rue, patrimoine, clashs, sens du style… revivez les plus grand coups d’éclat de celui qui a érigé le fail en discipline olympique et la parodie en art de vivre.
Soulja Boy ou le proctologue du rap jeu.
LA PIÈTRE QUALITÉ DE SA MUSIQUE
En 2010, la sortie de son The DeAndre Way marque son chant du cygne commercial. Avec seulement 13 400 petits exemplaires écoulés en première semaine, le bide est tel que Soulja Boy ne sortira plus qu’un seul et unique album lors des sept années qui vont suivre – album qui pour le coup ne sera même pas classé dans les charts.
D’aucuns diront que ce scénario était prévisible tant il a réussi dès le départ à mette d’accord critique et public quand il s’agit de désigner le pire rappeur de l’histoire du rap.
Lyrics de cour de récré, instrus de console 8 bits, flow de marchand de sable… si ses sons donnent envie de bouger la tête, c’est pour se la taper contre les murs.
Et commencez pas à avec les « Soulja Boy c’était mieux avant » : déjà avec son Crank That il y avait de quoi douter au-delà du raisonnable – pour les non-anglophones lorsqu’il parle de « Superman that hoe », il s’agit d’éjaculer sur le dos d’une meuf pendant qu’elle dort.
Reste qu’à l’argument de la qualité, les plus zélés rétorqueront non sans fondement celui de la quantité. Il est vrai qu’avec plus de 40 mixtapes à son palmarès (et un nombre incalculable de titres lâchés dans la nature), niveau productivité le bonhomme se pose là – même Wikipédia est largué sur ce coup.
Dommage qu’il ne daigne pas se réécouter après enregistrement, il comprendrait que son silence vautf… de l’or comparé à ses pénibles copiés/collés de Lil B, Gucci Mane et autre Waka Flocka Flame.
Sérieux même lorsque armé de bonne volonté (et de pas mal d’opportunisme) il rend un « hommage » à Stephen Curry (ou plutôt quand il répète 45 fois de suite son nom en 3 minutes 30), le principal intéressé a du mal à cacher son malaise quand lui est demandé en interview ce qu’il en pense.
Avec un tel flair artistique pas étonnant que son label SODMG (Stacks On Deck Entertainment) n’ait jamais rien produit de tangible (AGoff, Calico Jonez, Arab… mais qui sont ces gens ?). Seul fait de gloire : les apparitions très (très) brèves de Riff Raff, Lil B et Chief Keef qui tous ont pris leurs jambes à leur cou sitôt qu’ils ont vu la lumière.
Dur.
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SA TRÈS SUSCPECTE CRÉDIBILITÉ DE RUE
Comme beaucoup de ses homologues, en studio Soulja Boy joue au baléze sans complexe, sauf qu’à la différence de ces derniers, lui continue d’y croire une fois sorti de la cabine d’enregistrement.
En 2009, alors la police intervient sur le tournage de l’un de ses clips, emporté par sa fougue notre jeune apprenti thug détale à toute allure… et ce quand bien même personne ne lui avait rien demandé. Résultat il se fait coffrer quelques heures plus tard (attention génie : en revenant sur les lieux chercher sa voiture) et placer en garde à vue pour délit de fuite.
Quelques années plus tard, il tweete à la surprise général avoir déjà tué un homme, faisant référence à un braquage remontant supposément à 2008 et où il aurait agi en état de légitime défense. « Supposément », car outre le fait qu’il ait changé sa version des faits à plusieurs reprises, la police affirme ne détenir aucune trace ou rapport d’un incident de ce genre.
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Vrai braquage cette fois, le jour de son 26ème anniversaire le boy Soulja se la raconte en direct sur les réseaux sociaux en exhibant du cash. Ni une, ni deux un homme masqué décide de se joindre à la petite sauterie attiré par l’appât du gain. Si le rappeur n’était plus sur les lieux au moment de l’attaque, l’un des convives a pris une balle dans le bras.
Pas de quoi cependant impressionner quelqu’un qui se prétend directement connecté aux gangs de Los Angeles (même s’il est né à Chicago, puis a vécu dans le Mississipi et à Atlanta, mais bon bref), et qui pour prouver qu’il pèse lors de son clash face à Chris Brown en ce début d’année se met en tête d’aller faire un tour dans le ter-ter.
En villégiature dans les rue de Compton, SB s’en va tagger des trottoirs (hein ?) avant d’aller checker hardiment des mecs qu’il ne connait pas et qui ne sont étonnamment pas si ravis que ça de le voir. Quelques minutes plus tard, il manque ainsi de se faire piquer son phone et passe à deux doigts de s’en faire coller une… le tout sous l’œil des caméras.
Dernier épisode en date, estimant qu’il est bien plus sûr de jouer au voyou derrière un écran qu’IRL, il décide de se surnommer Young Draco, et pour faire bonne figure de s’équiper du gun du même nom pour agrémenter ses vidéos clash, le Mini Draco AR-15.
Pas de chance, déjà en probation depuis 2014 pour possession d’arme illégale, la police le choppe dans la foulée. Il manque alors de prendre quatre ans de prison.
SON PATRIMOINE SUJET À CAUTION
Millionnaire avant d’avoir fêté ses 18 ans, comme beaucoup de rappeurs qui n’ont rien à dire Soulja Boy loue jusqu’à plus soif les vertus du matérialisme. Une stratégie qui tourne vite à la farce quand on se la joue cigale tout l’été de sa brève renommée.
Là où le commun des mortels fait généralement profil bas, il adopte à l’inverse l’attitude « du plus c’est gros plus ça passe ».
Le jour de ses 21 ans, celui dont le patrimoine était alors estimé généreusement à 6 millions de dollars annonce ainsi à la cantonade s’être offert un jet privé G5 à 55 millions de dollars – dont 20 millions « d’améliorations » pour peu que cela veuille dire quelques chose (des jantes alu ? une sono dans la soute ?).
La news fait le tour du net plus vite que Phileas avant d’être démentie par son attaché presse qui croyant bien faire en clarifiant cette « rumeur » tacle son patron. Le malaise monte ensuite d’un cran quand quelques jours après l’Oncle Sam tape à sa porte pour lui réclamer de payer la somme riquiqui de 26 000$ impôts.
Pas de quoi l’ébranler pour autant, puisqu’il réitère son coup l’année dernière en clamant avoir signé un deal à 400 millions avec une obscure société de jeux en ligne qui devant les rodomontades de son nouveau porte-parole parole finira par admettre par communiqué qu’il s’est une fois de plus emballé un peu, beaucoup, à la folie.
Et puis bon ce n’est pas comme s’il s’était fait griller en train de se pavaner avec de faux billets ou s’était fait chopper à ne pas payer 675 petits dollars (!) de caisses en leasing.
Du coup lorsque son meilleur ennemi Chris Brown balance qu’il est tellement fauché qu’il en est réduit actuellement à vivre chez la mère de son pote Sean Kingston, on aurait plutôt tendance à le croire…
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SA COMMUNICATION PLUS QUE DOUTEUSE
Alors qu’il avait révolutionné la manière de promouvoir en ligne la musique, Soulja Boy s’est ensuite évertué à illustrer par tous les moyens les limites de l’adage qui veut que peu importe la conversation, ce qui compte c’est d’en faire partie.
Candidat légitime au titre de pire Community Manager du rap chaque année, il est capable de balancer 70 tweets le jour de la sortie de son album ou de monnayer sans honte ses interactions sur ce même réseau (2$ pour un suivi, 3$ pour une dédicace). Une hyperactivité d’autant plus louche que 65% de ses abonnés sont bidon.
Côté Instagram, ses posts se divisent en deux catégories, avec d’un côté des séries d’autoportraits à n’en plus finir donnant l’impression qu’il vit seul au monde, et de l’autre, des vidéos aussi fantasques qu’aqouardes où il menace des gens en faisant joujou avec des guns en plastique – ces dernières étant bien souvent supprimées dans les 24 heures qui suivent.
Définition même de l’attention whore, il clashe absolument tous ceux qui ont un jour eu le malheur de le rencontrer de près ou de loin, de Quavo, à Lil Yachty, en passant par l’acteur Shia LaBeouf, sans oublier Chris Brown (avec qui il s’est fourvoyé en promettant pendant des semaines un combat de boxe qui n’a jamais eu le moindre début d’existence) et même sa mère !
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SON INCOMPARABLE SENS DU STYLE
Passe encore que l’auteur de Turn My Swag On se soit fait connaitre déguisé avec des hoodies XXXXL et des lunettes blanches où il écrivait son nom au Tipp-Ex sur les verres, le pire était à venir.
Immunisé contre la contrefaçon, il s’est fait flasher à d’innombrables occasions avec de fausses Air Jordan aux pieds (à se demander s’il lui arrive d’en porter des vrais), avec de fausses chaînes en or, avec un faux maillot des Golden State Warriors (alors même qu’il tournait son clip Stephen Curry), et mieux, avec une fausse montre Audemars Piguet dont il n’a même pas pris soin de changer la pile et qui sur toutes ses photos affiche 10h25…
Détenteur du titre de pire pendentif du monde avec sa « Lambo Chain » au bout de laquelle pend une voiture téléguidée (une fantaisie à 130 000 billets verts selon ses dires), il concourt également dans la catégorie pires tatouages faciaux grâce à son logo Gucci gribouillé entre les sourcils (effacé au laser depuis), ses signes chinois ou le nom de son label tout pété.
Presque de quoi faire oublier ses séances photos crypto gay avec Bow Wow et 50 Cent…
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Paradoxalement dans un monde où l’attention des masses équivaut à celle d’un poisson rouge, c’est cette constance dans le fail qui permet à Soulja Boy de toujours rester d’actualité malgré sa déchéance artistique, là où les Ahster Roth, Cannibus, Nipsey Hussle, J Know, Papoose et autre Cory Gunz ont tous aujourd’hui complètement disparu de la circulation.
Belle performance, drôle d’époque.