En l’espace d’un an, c’est tout en douceur que le rappeur bruxellois s’est mué en poids lourd du rap francophone. Dems, un cépage bien plus savoureux que la Gordon qu’il affectionne…
Crédits photos : Guillaume Durand
Il ne tient déjà plus dans le rôle d’apôtre où les médisants ont cherché à l’enfermer. Mis en lumière par celui que certains considèrent comme un prophète dans le rap game, Damso fait son chemin, captant la lumière sans vraiment la chercher. Habile alliage de forces et de faiblesses, toutes pleinement assumées, Damso parvient à mêler douceur de façade et rudesse intérieure. Attention aux apparences, il sait les rendre trompeuses…
Cloué au « Sol »
Si la tendance est à se mettre en scène pour provoquer fascination et envie, Damso œuvre définitivement à contre-courant. Lui raconte sa vie, la vraie, sans fioritures ni adoucissants. Loin d’être celle d’un monarque en devenir, son existence est marquée par la difficulté. Entre expérience traumatisante de la guerre au Congo (Graine de Sablier) et périodes d’errances dans les rues de Bruxelles (Bruxelles vie), Damso collectionne les cicatrices à l’âme à défaut de les avoir sur son enveloppe charnelle. La culpabilité résultant de la tragédie décrite dans Amnésie ajoutée à cet inventaire et l’on comprend bien que le parcours de l’artiste a été tout sauf un long fleuve tranquille. Pour autant, là où certains se noient dans l’extrapolation de leur vécu, lui navigue avec classe entre ses tourments. Comme bouée de sauvetage, une passion dévorante pour la musique. Sa clé pour avancer, celle de sol, deuxième ligne sur la portée…
Un air de Black Skin
Si les plus limités en matière de culture hip-hop se contenteront de voir en lui un parallèle soi-disant évident avec Kaaris, cette comparaison est en réalité largement erronée. Si proximité artistique ou ressemblance il devait y avoir, elle serait probablement bien plus avec un certain Salif , artiste aujourd’hui retiré, ayant laissé un grand vide derrière lui. Comme le Boulogne Boy, Damso a cette capacité à parler de lui avec le coeur et pas forcément sous les formes les plus avantageuses. Un exercice délicat et délaissé par le plus grand nombre, par ego, par crainte ou simplement par incapacité. Comme le rappeur du Pont-de-Sèvres (92) Damso sait mélanger verve, flegme et phrasé percutant; il parvient à voguer entre différents domaines musicaux. Une polyvalence qui pourrait lui apporter l’exposition qu’il mérite.
Point com’
Habile communiquant, Damso sait parfaitement comment gérer son image. Solide sur ses positions quand il s’agit de boycotter un Planète Rap en raison d’une non-présence en playlist, il se plaît également à garder un côté mystérieux sur les réseaux sociaux. Le teasing actuel autour de son futur projet en témoigne, l’homme diffuse les informations au compte-goutte et de manière implicite afin de faire monter la pression. Une date de sortie dévoilée avec l’alphabet grec, des inédits balancés par surprise au milieu de la nuit sous la forme de morceaux destructurés comme s’il n’était qu’à l’entrainement. La formule trouvée est finement jouée, loin du racolage habituel de ses homologues.
Rappeur de proximité
Outre ses qualités rapologiques incontestables et le non-négligeable « facteur Booba », si Damso plaît, c’est aussi parce qu’il est comme les gens, il leur parle, se place à leur niveau et finit par gagner leur confiance. Pas de personnage entre lui et le public, Damso se met à nu et l’assume. Bien que particulièrement cru, ses propos parfois dérangeants passent mieux parce qu’ils transpirent la sincérité – On est toujours plus conciliants avec ses proches – Chaque mot, chaque syllabe est pesée, rien n’est gratuit, ni le fruit du hasard. Derrière chaque morceau, le travail tout en maitrise d’un homme multi-casquettes (auteur, compositeur et interprête) pour qui tout s’est passé aussi vite qu’un aller-retour derrière les vitrines de la rue d’Aerschot. Damso, c’est un artiste de proximité qui a compris que son art possède quelque chose d’humain.
50 nuances de Dems
Sous une apparente pudeur, Damso aborde sans sourciller des thèmes où peu nombreux s’aventurent. Entre confessions et mise en scène, Damso tisse un univers à la fois flou et accueillant. Rempli d’humilité et de certitudes, Damso apparaît commun et singulier en même temps. Alternant à merveille entre vérités générales et pragmatisme, la musique de Damso s’apparente à la chambre rouge de Christian Grey. On y trouve une réalité teintée d’une extrême violence, mais l’on se plaît étrangement à y retourner… Que les plus masochistes d’entre vous se rassurent, après avoir envoyé quelques claques avec parcimonie sur les réseaux, Damso sortira son deuxième album le 28 avril prochain. Libre à vous de tendre l’autre joue…