« Sors le cross volé, même si la roue est voilée », c’est par ces mots que JUL s’est présenté au rap français. Au commencement sujet de toutes les moqueries, il a obtenu, à la force de ses ventes, le respect de ses pairs.
« Je n’ai peur que de JUL » disait Booba avant le choc du 4 décembre. Il avait vu juste, JUL a écrasé la concurrence. En un an, il aura terrassé en duel Nekfeu, Booba, Rohff et maintenant La Fouine. Si tout le monde s’entend à dire que JUL est hors normes, la fameuse exception qui confirme la règle, personne ne se l’explique. Nous avons décidé d’essayer de percer le « Mystère JUL » à travers une trilogie d’articles (avec différents témoignages), dont la première pierre est consacrée à sa musique.
Un doigté de génie
« Dans ma Paranoïa » premier tube de JUL est le morceau éponyme de son premier album. Déjà se dessinait la recette du rappeur marseillais, celle qui lui a permis de vendre 1 million d’albums en 3 ans. Une voix très modifiée qui masque probablement des faiblesses, un texte simple qui parle déjà de sa ville et des jaloux, le tout sur un rythme dansant. Mais quel rythme … JUL fait toutes ses instrumentales lui-même, avec un seul doigt. Il a appris sur le tas en demandant des conseils au magasin d’informatique du coin. Un manque de technique qui le font aller à l’essentiel : trouver des airs dansants sur lesquels il pourra pousser la chansonnette.
Si on s’arrête à l’aspect uniquement musical, JUL est extrêmement radiophonique. Machine à tubes, avec les défauts que cela implique : chansons répétitives et simplistes. La musique a parlé au-delà de son image et de son message. Énormément ont tenté de lutter contre les sirènes de JUL mais beaucoup ont fini par céder. Pourtant, d’autres continuent à prendre de haut sa musique lui niant la moindre qualité, sûrement un manque d’ouverture qui les empêchent de regarder au-delà de l’image qu’il leur renvoie. Pour mieux se rendre compte du phénomène, nous sommes allés à la rencontre de touristes pour leur faire écouter notre JUL national. La barrière de la langue évitant tous préjugés vis-à-vis des paroles, le résultat est édifiant : ils ont « kiffé ». Qu’ils soient jeunes ou âgés, Américains ou Brésiliens, tous ont appréciés le rythme du pur produit marseillais.
Un rappeur décomplexé
De son déhanché sur Briganter à la reprise de tubes des années 80, rien ne fait peur à JUL. Sa force est d’avoir réussi à s’inspirer de beaucoup d’influences et d’en ressortir un patchwork à sa sauce. Sa première inspiration, qui va faire sauter au plafond les puristes, reste Le Rat Luciano. S’il a gardé l’authenticité de son aîné, il a ajouté le mainstream de sa musicalité. Lorsque JUL a signé le morceau « Normal » avec Alonzo, il n’a fait qu’officialisé cette influence des années 80 qui teinte sa musique depuis toujours. Un an après, cette reprise des « Démons de minuit » de Émile et Images culmine à 50 millions de vues sur YouTube.
JUL a eu la témérité de faire le lien entre chanson française et rap français, lien qu’il a confirmé lors de sa première télé sur France 2 pour « La Fête de la Chanson Française ». Dans un playback aussi dynamique que raté (peu habitué à l’exercice, JUL n’a pas cherché à vraiment faire illusion), il a déchainé les foules faisant de l’ombre à Pascal Obispo ou Johnny (quand ces derniers faisaient 2.000 vues sur le replay en deux jours, JUL en comptabilisait 450.000). Une première expérience télévisée tardive, mais logique. Par ailleurs, comme un pied de nez au thème de la soirée, sa chanson « My World » est une reprise de .. « Barbie Girl » de Aqua, on est loin de Tupac !
Qui ouvre une nouvelle voie ?
Lorsqu’on observe le rap français, on aperçoit une rupture lors de la sortie d’Or Noir de Kaaris. Le succès imprévisible du rappeur a ouvert une nouvelle voie : la trap (ou plus précisément la drill), dans laquelle se sont engouffrés de nombreux rappeurs. La révolution musicale de JUL (et le succès qui va avec, on ne va pas se mentir) n’a pourtant pas, à première vue, créé un mouvement. Nous avons interrogé Laurent, le programmateur de Générations, qui est un observateur privilégié de la scène rap française et qui est d’ailleurs la première radio d’envergure à avoir diffusé le rappeur.
« On observe un petit peu le même phénomène [en référence à la vague de copies qui a suivi le succès de Kaaris] on voit qu’en France ça chante un peu plus. Même si je ne suis pas sûr qu’il se soit inspiré de lui, je vois quelques similitudes dans le premier album de Lartiste, que ce soit au niveau de l’interprétation ou de la réalisation. Aujourd’hui, on a des hybrides, par exemple SCH ou PNL, je pense qu’ils ont écouté le sens de la mélodie de JUL, il était là avant eux et il a quand même permis cette musicalité. Et quand on voit le succès de Lartiste, PNL ou SCH on peut dire que l’influence de JUL, même minime, est plus efficace que celle de Kaaris ».
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La première force de JUL est sa musicalité et son sens du rythme. Jean-Michel Jarre des temps modernes il est capable de trouver des accords qui vont aller plus loin que son image très « ter-ter ». D’abord méprisé par ses pairs et des médias, on le retrouve maintenant sur France 2. La plupart de ses hôtes ne comprennent pas son succès, mais s’inclinent face à la force des chiffres. Certes sa musique éclate les codes, mais ce n’est qu’une facette d’un rappeur hors norme. Le prochain article de la trilogie « Le Mystère JUL » abordera sa communication aussi étrange qu’efficace.