L’intérêt autour de la catégorie reine du noble art est relancé comme jamais. F*ck le MMA, c’est reparti comme en 46 !
HISTOIRE D’UN DÉCLIN…
Sur le ring et en dehors, la boxe n’est pas des plus faciles à comprendre. Entre l’enchevêtrement des fédérations et des titres, la multiplication des intermédiaires (promoteurs, diffuseurs, managers…) et les intérêts parfois contradictoires des différentes parties, on en oublierait presque ce qui fait la beauté de cet « opéra du pauvre et des voyous » comme l’écrivait Jordi Bonells.
Si le noble art n’est plus le sport le plus populaire au monde, ce n’est pas uniquement la faute au football. Sa capacité à mettre en scène toute une mythologie autour de ses protagonistes les plus glorieux a pris du plomb dans l’aile.
Si dans les années 70 on a eu droit aux Ali, Foreman, Frazier, Holmes et Norton, dans les années 80 aux Leonard, Hagler, Hearns, et Duran et dans une moindre mesure dans les années 90 aux Tyson, Holyfield et Lewis, depuis lors aucune nouvelle épopée n’est venue prolonger la légende.
À l’exception d’un Floyd Mayweather bien esseulé, aucune personnalité n’a su rallier les faveurs (sic) du grand public.
En vertu du principe qui veut que lorsque l’eau monte le bateau en fait de même, ce sont ces destins croisés qui ont écrits les plus belles pages de la boxe, donnant lieu à des combats homériques restés gravés dans la mémoire collective.
UNE DÉCENNIE PEU ENTHOUSIASMANTE
L’écrasante domination de Vitali et Wladimir Klitschko chez les poids lourds n’a rien arrangé. Bien que la catégorie reine ne produise pas stricto sensu les meilleurs combats (il est plus intéressant de s’intéresser aux poids moyens et alentours), elle est de loin la plus attrayante pour le grand public.
Certes les deux frangins sont de très bons boxeurs, mais un peu comme Roy Jones Jr. en son temps, ils n’ont pas eu la chance de trouver sur leurs routes des adversaires leur permettant de se transcender.
Tout cela sans compter leur manque de flamboyance et un style soporifique à souhait sur le ring (jab, jab, jab…).
Oui en boxe la manière compte pour beaucoup. Ali ne serait pas Ali sans son trashtalk de légende et ses déplacements virevoltants, Tyson ne serait pas Tyson sans sa réputation sulfureuse et ses victoires expéditives, Mayweather ne serait pas Mayweather sans ses vidéos d’entraînement motivantes et son arrogance froide…
TYSON FURY, LE SÉISME !
27 ans, 2,06 m, 117 kg, 25 victoire (18 KO), 0 défaite
Dans ce contexte la victoire surprise de Tyson Fury contre Wladimir Klitschko en novembre dernier a redonné un sacré coup de sang neuf à la discipline.
Malgré son palmarès vierge de toute défaite et ses mensurations de colosse, personne ne croyait vraiment en ses chances. Grand favori, Klitschko défendait son titre pour la 19ème fois sur ses terres en Allemagne à Düsseldorf devant 55 000 spectateurs acquis à sa cause. Et Dieu sait qu’il est toujours délicat de remporter une victoire aux points loin de chez soi…
Désormais seul détenteur des ceintures WBA-IBF-WB, celui que ses parents ont prénommé en hommage à Iron Mike aime à se présenter comme le « Christ des lourds, le sauveur ».
Son style dégingandé et ses incartades (qu’il arrive déguisé en Batman en conférence de presse ou qu’il pousse la chansonnette dès qu’un micro se présente) font en tout cas de lui un personnage à part entière.
Fantasque, déjanté, mégalo et irrésistiblement sympathique, le « roi des gitans » dispose de tous les atouts pour redynamiser la boxe mondiale. Ne lui reste « plus qu’à » confirmer lors de sa revanche prochaine contre l’ukrainien prévue là encore en Allemagne.
DAVID HAYE, LE SAUVEUR ?
35 ans, 1,91 m, 95 kg, 27 victoires (25 KO), 2 défaites
L’australien Mark de Mori n’avait plus perdu un combat depuis 2004. Il aura cependant fallu moins d’un petit round à Hayemaker pour lui infliger un KO dont il mettra plusieurs minutes à se relever.
Connu pour sa force de frappe dévastatrice, le sud londonien confirme qu’il faudra compter sur lui après 3 ans et demi d’absence. La blessure à l’épaule droite qui l’avait poussé à prendre sa retraite semble désormais un mauvais souvenir.
Photogénique (ancien mannequin Versace), hâbleur, avide d’exposition médiatique, sur le papier Haye ferait un superbe champion. Dans les faits, ce retour n’est peut-être pas aussi fracassant qu’il en a l’air.
Trop facile, trop rapide, ce combat où il était donné largement favori ne lui a pas donné l’occasion d’être testé. Il faudra attendre la suite pour se prononcer sur son cas et effacer sa piteuse défaite de 2011 face Wladimir Klitschko, où en dépit d’une campagne de promotion très agressive (avec notamment ce tee-shirt à son effigie où il brandissait les têtes décapitées des frères ukrainiens), il avait alors perdu sans la manière, pour ensuite prétexter une blessure à l’orteil.
Si la logique médiatique voudrait que dans les prochains mois il en découse avec son compatriote Tyson Fury, ce combat n’est pourtant pas prêt d’avoir lieu. Les deux hommes avaient pourtant failli s’affronter à deux reprises, en septembre 2013 et février 2014.
Haye avait alors à chaque fois annulé pour cause de blessure à l’arcade, puis d’opération à l’épaule et de départ en retraite. Un épisode qui a laissé un goût amer à son rival qui a déclaré récemment : « Jamais je ne l’affronterais. Si la WBA m’y oblige, je laisserais le titre vacant, même pour 10 millions de livres. Je me fous de l’argent, ce type est une fraude. »
David Haye a toutefois fait savoir qu’il comptait défier l’étoile montante Anthony Joshua (26 ans, 1m98, 111 kg). Invaincu en 15 combats, tous remportés par KO, le médaillé olympique anglais des supers lourds en 2012 a relevé le défi.
Une belle affiche en perspective qui en cas de victoire permettrait à Haye de prétendre concourir pour une ceinture mondiale.
CHARLES MARTIN, LE JOKER ?
29 ans, 1,96 m, 112 kg, 24 victoires (21 KO), 1 nul
De l’autre côté de l’Atlantique, sous les yeux de Mike Tyson et Lennox Lewis présents pour l’événement, se déroulaient également samedi soir deux championnats du monde au Barclays Center de Brooklyn, New- York.
Le premier mettait en jeu le titre IBF. Initialement détenu par Fury, il lui a été retiré par la fédération quand ce dernier a préféré donner une revanche à Klitschko plutôt que d’affronter son challenger officiel (et obligatoire), l’ukrainien Vyacheslav Glazkov (21 victoires, 13 KO, 1 défaite, 1 nul).
Glazkov affrontait donc ce soir-là l’américain Charles Martin. Bien que favori il a du s’incliner au 3eme round par KO technique en raison d’une sale blessure au genou.
À sa décharge Prince Charles a plutôt dominé les échanges, montant en agressivité dans la troisième reprise.
Glazkov a immédiatement demandé une revanche, dès qu’il sera apte à remettre les gants « cette ceinture aurait dû être mienne ». De son côté, l’américain a affirmé qu’il voudrait maintenant unifier son titre.
Cette redistribution des cartes permet en tous cas d’élargir l’éventail des combats à venir et potentiellement d’accélérer la tenue de certains chocs.
DEONTAY WILDER, L’ÉLU ?
30 ans, 2,01 m, 98 kg, 36 victoires (35 KO), 0 défaite
La boxe n’est ni le ping-pong, ni le bilboquet, lorsque l’on perd (et bien souvent même lorsque l’on gagne) ça fait mal.
Artur Szpilka qui rêvait d’être le premier polonais sacré champion chez les lourds en sait quelque chose. Brutalement envoyé au tapis à la neuvième reprise, il a quitté le ring sur une civière, avant d’être transporté à l’hôpital par mesure de précaution.
Pour la troisième défense de son titre WBC (laissé vacant par l’aîné Klitschko parti se lancer en politique), Wilder est apparu une fois de plus comme le patron de la boxe américaine et le futur boss au niveau mondial.
Cette 35ème victoire avant la limite (!) acquise une nouvelle fois avec la manière n’a cependant pas impressionné Tyson Fury qui tel un catcheur est monté sur le ring sitôt le combat terminé histoire de voler le show.
« Je t’affronte quand tu veux, où tu veux, une fois que j’ai réglé son compte une deuxième fois à Klitschko », ce à quoi celui qui ambitionne de devenir le premier depuis Lennox Lewis en 1999 à unifier la catégorie a rétorqué : « Tu ne vaux rien, tu n’es qu’un provocateur, je n’ai peur de personne et je suis prêt à venir chez toi. J’aimerais que tu sois mon prochain adversaire, mais j’ai un challengeur officiel. Mais, Tyson, je te promets qu’on se retrouvera. »
Avant que nos gentlemen encore tous deux invaincus ne se retrouvent face à face, Deontay trouvera sur sa route son challengeur officiel, le Russe Alexander Povetkin (30 victoires, dont 22 par KO, une défaite) tandis que Tyson va remettre le couvert en mars face à Klitschko.
WLADIMIR KLITSCHKO, LE VÉTÉRAN
39 ans, 1,98 m, 112 kg, 64 victoires (54 KO), 4 défaites
Si Wilder a des faux-airs de Lebron James, le cadet Klitschko ressemble à s’y méprendre à un cousin de Drago dans Rocky IV.
Malgré sa contre-performance face Fury et ses bientôt 40 printemps, il serait bien imprudent de l’enterrer trop tôt. Il ne s’agissait là que de sa quatrième défaite en 68 combats, la première depuis avril 2004. Dans l’histoire de la boxe, personne n’a passé plus de temps que lui champion du monde des poids lourds.
La décision a beau avoir été unanime, la physionomie de la revanche s’annonce toute autre. En novembre dernier, Klitschko peu habitué à faire face à une telle allonge s’est englué dans un faux rythme. Cette fois-ci il se montrera à coup sûr plus offensif et Fury ne bénéficiera d’aucun effet de surprise.
Il n’est donc pas impossible qu’il récupère ses ceintures et poursuive son règne…