Retour sur une époque où on a jamais aussi bien chanté l’amour…
Si tout n’était pas toujours mieux avant, difficile ne pas regretter le rnb des années 90.
Né dans la continuité du gospel et du blues, puis de la soul, de la funk et du disco (pour aller vite), le genre prend une tournure toute particulière à la fin du siècle dernier sous l’influence du rap et d’une poignée de producteurs visionnaires.
Dès lors il est question de chanter l’amour, non pas sous autotune et shooté aux drogues médicinales comme aujourd’hui, mais avec un premier degré qui flirte avec la parodie.
Ruptures, lamentions, plaisirs de la chair… tout est prétexte à des cascades de sentimentalisme, accompagnées, pour ne rien gâcher, de chorégraphies et de looks rentrés depuis dans la légende – typiquement des mecs sous la pluie tout abdos dehors habillés de baggys salopettes et de lunettes rondes.
Ben ouais, le rnb des années 90, il était cool, insouciant, coloré, suave, mais il était aussi et surtout furieusement mélodique.
Bien évidemment cela n’empêche pas d’apprécier les contemporains The Weeknd, Jhene Aiko, Chris Brown et autre The Dream, même si ce n’est pas vraiment pareil.
Avis donc à ceux qui n’ont pas connu cette époque bénie et à ceux qui en seront nostalgiques à jamais, les douze portraits ci-dessous sont écrits pour vous.
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Bobby Brown
La première star du rnb moderne, c’est lui.
Adolescent vedette au sein du boys band New Edition dont il est l’un des deux chanteurs principaux, Robert Barisford de son vrai nom quitte le bateau en 1986 à 17 ans pour cause de royautés impayées – ou selon une autre version, après s’être fait virer par ses petits camarades en raison de son comportement de diva.
Il connaît ensuite la gloire en solo grâce à son album Don’t Be Cruel sorti en 1988. Porté par les hits My Prerogative et Every Little Step, il s’écoule à plus de sept millions de copies, s’arrogeant là le titre de disque le plus vendu de l’année aux États-Unis.
Marié en 1992 à Whitney Houston avec qu’il entretient une relation des plus tumultueuses (drogues dures à tous les étages, violence conjugale, séparations et retrouvailles fracassantes…), il commence à faire de plus en plus parler de lui pour ses frasques à répétition (incartades judiciaires, bagarre, conduite en état d’ébriété…) que pour sa musique – quand bien même son second solo, Bobby est certifié triple platine.
À deux doigts de signer avec 2Pac avant que ce dernier ne succombe d’une fusillade (ce même 2Pac qui selon Brown aurait eu à cette période une liaison avec Houston…), il revient aux affaires en 1997 avec un Forever qui n’intéresse déjà plus grand monde.
En 2002, il rejoint très brièvement le Murder Inc. sans que rien de concret ne se matérialise, à l’exception du duo Thug Lovin’ avec Ja Rule où il apparaît complétement déchiré dans le clip.
Il rempile peu de temps après avec les New Edition qui, tout juste réchappés d’un comeback raté sur Bad Boy Records, s’en vont faire le coup de la tournée revival.
En 2006 après quatorze années de hauts et de bas, « Whitney & Bobby » comme on les appelle désormais divorcent, non sans s’écharper publiquement quant à la garde de leur petite fille Bobbi Kristina.
Loin d’être plus clémentes, les années 10 sont au contraire marquées par deux tragédies : le décès par overdose de Houston dans la baignoire de son hôtel de Beverly Hills en février 2012, puis trois ans plus tard, le décès à 22 ans de Bobbi Kristina qui succombe elle aussi d’un abus de drogues et de médicaments après avoir passé six mois dans le coma.
Devenu père pour la septième fois en 2016 à 49 ans, celui qui s’était un jour vanté d’avoir couché avec « plusieurs milliers de femmes » (dont Madonna et Janet Jackson) se tient désormais éloigné des studios.
Teddy Riley
L’homme qui a ni plus ni moins créé puis popularisé son propre style de musique.
Influencé par les productions de Jimmy Jam & Terry Lewis sur l’album Control de Janet Jackson sorti en 1986, il concocte alors une formule bien à lui, à la croisée des chemins entre ses influences black music et les sonorités hip hop du moment, le tout enrobé d’une caisse claire très marquée et de voix soul/gospel.
« Je rêvais de mélanger Michael Jackson, James Brown, Prince, Marvin Gaye et Luther Vandross. J’ai mis tout ça dans ma musique. »
Et c’est ainsi que le 7 septembre 1987 I Want Her de Keith Sweat devient officiellement le tout le premier tube de « new jack swing », une expression inventée quelques jours plus tard par le journaliste Barry Michael Cooper.
S’ensuivent moult collaborations (I Get The Job Done de Big Daddy Kane, le remix de Don’t Wanna Fall in Love de Jane Child…), les deux premiers albums de son groupe Guy, quantités de copiés/collés (dont le Don’t Be Cruel de Bobby Brown), avant qu’en 1991 ne vienne la consécration : Michael Jackson le débauche pour Dangerous.
Remplaçant du légendaire Quincy Jones, Teddy Riley, 23 ans, produit ainsi la moitié des titres du dernier grand album du King of Pop, dont les singles Jam, Remember the Time et In the Closet.
Suite au démantèlement de Guy, il fonde dans la foulée un nouveau groupe, les Blackstreet, dont le second album Another Level est en 1996 un carton plein (No Diggity, Don’t Leave Me, Fix…).
Ce coup d’éclat marque cependant de début de la fin pour Riley qui, victime de son succès, voit des jeunes loups comme Puff Daddy ou Rodney Jerkins le ringardiser en modernisant sa recette.
Qu’importe alors le retour de Guy (Guy III en 2000), un dernier effort des Blackstreet (Level II en 2003), ses productions pour Melanie B des Spice Girls, une tentative de faire son Dr. Dre sur le Ego Trippin’ de Snoop Dogg en 2008, une implication malgré lui sur le pas très glorieux album posthume de MJ ou sa série de featurings sur le marché coréen (genre le LP Teddy Riley, The First Expansion In Asia du girls band Rania).
Difficile d’être et d’avoir été.
BabyFace
Qui peut s’asseoir à la table de Kenny ‘Babyface’ Edmonds et décemment prétendre avoir produit, composé, écrit ou interprété plus de hits que lui dans les années 90 ?
Crédité dans 47 titres classés dans le top 10 US (dont 7 numéros 1), détenteur de 11 Grammy Awards (dont trois d’affilée de meilleur producteur en 1996, 1997 et 1998), outre ses collaboration avec Whitney Houston, Michael Jackson, Beyoncé ou encore Madonna, le Michael Jordan du rnb peut s’enorgueillir d’avoir franchi à quatre reprises la barre du million avec ses albums solos !
Absolument ahurissante, son hégémonie s’est néanmoins construite pas à pas.
Guitariste à la fin des années 70 au sein du groupe soul Manchild, celui qui doit son nom de scène au célèbre bassiste Bootsy Collins intègre ensuite en 1981 le groupe The Deele aux côtés d’Antonio ‘L.A.’ Reid.
Quand l’aventure prend fin en 1989, les deux hommes s’en vont fonder leur propre label, LaFace Records. Très vite la petite entreprise compte dans ses rangs toute une flopée de nouveaux talents (Toni Braxton, Goodie Mob, OutKast, Usher, TLC…), tandis que Babyface décroche en parallèle son tout premier numéro 1 des charts avec It’s No Crime.
De soucis de calendrier empêchent malheureusement Edmonds et Reid de travailler pour le Dangerous de Michael Jackson, eux qui avaient su attirer son attention au moment de la sortie de Bad en déclarant « que MJ est peut-être le meilleur chanteur de tous les temps, mais qu’il n’a pas les meilleures chansons ».
Qu’à cela ne tienne, Babyface retombe très vite sur ses pieds en composant de A à Z la bande originale du film Waiting To Exhale (avec Whitney Houston et Angela Basset au casting) qui en 1995 s’écoule à plus de 10 millions d’exemplaires.
En 1999 LaFace passe sous le contrôle d’Arista avant d’être dissout quand Reid accepte le poste de PDG de la nouvelle entité.
Babyface se concentre alors pleinement sur la musique, quand bien même son type de rnb n’est plus aussi sollicité par le grand public, ce qu’il admet sans fard : « Si vous n’entendez plus parler des gens de cette période, ce n’est pas qu’ils manquent de talent, mais vous ne restez dans le game que si les gens vous suivent. »
Loin de regretter un quelconque âge d’or, il se relance dans les années 10 en collaborant avec la nouvelle génération (Zendaya, Ariana Grande, Bruno Mars…), non sans oublier de revenir à l’occasion à ses fondamentaux Cf. l’album Love, Marriage & Divorce enregistré en 2014 avec Toni Braxton qui lui a valu d’ajouter un nouveau Grammy à sa collection.
Boyz II Men
À n’en point douter le groupe plus iconique de la génération rnb nineties.
Originaires de Philadelphie, en 1985 Marc Nelson et Nathan Morris s’associent avec quatre autres de leurs potes lycéens pour fonder un groupe inspiré par les New Edition – et dont le nom reprend directement le titre de l’une de leurs chansons.
Moins motivés par une carrière dans la musique, ces derniers passent à autre chose au moment de rentrer à l’université, laissant là leur place à deux nouvelles recrues, Shawn Stockman et Michael McCary.
Ce changement modifie alors profondément l’identité du groupe. Là où les formations traditionnelles mettent en avant un chanteur entouré de faire-valoirs, les Boyz II Men exploitent eux à parts égales les spécificités vocales de chacun de leurs membres (Wanya et Shawn sont des ténors, Nathan un baryton, McCary une basse).
En 1991 ils sortent leur premier album avec le soutien de Michael Bivins (leader en chef des New Edition et des Bell Biv DeVoe) qui a accepté de les produire et de les manager après qu’ils lui aient interprété un de ses morceaux a cappella à la sortie de l’un de ses concerts.
Intitulé Cooleyhighharmony, l’opus est un raz de marée avec près de 10 millions d’unités vendues.
L’année suivant ils enregistrent sous la férule de Babyface End of the Road pour la bande originale du film Boomerang (avec Eddy Murphy et Halle Berry) qui leur vaut de passer 13 semaines numéro 1, égalant là le record d’Elvis Presley avec Don’t Be Cruel.
En 1994 leur second album II les propulse encore plus haut : non seulement leur single I’ll Make Love to You se classe 14 semaines sur la première marche, mais il est ensuite détrôné par une autre de leur chanson, On Bended Knee !
Résultat : avec près de 15 millions de ventes les Boyz II Men sont à cet instant T le plus grand groupe du monde tous genres confondus.
Malheureusement, Motown Records chez qui ils ont signés vient mettre la pagaille en lâchant dans la nature sans leur consentement une compilation de remix (The Remix Collection) provoquant là leur départ.
Désireux de rebondir, leur troisième album manque toutefois de convaincre le public (qui préfère se tourner vers des nouveaux venus un peu moins propres sur eux comme Jagged Edge ou Dru Hill) et la critique (qui lui reproche d’être un ersatz des travaux de précédents de Babyface).
En 2002 le quatuor se mue en trio suite au départ McCary dont la sclérose en plaques l’empêche de se produire sur scène – il accusera plus tard ses camarades de « trahison ».
Il leur faudra néanmoins attendre 2006 pour toucher le fond avec The Remedy, un album uniquement distribué au Japon.
Depuis le groupe a plus ou moins accepté son statut de gloire du passé entre albums de reprises (Motown: A Journey Through Hitsville USA en 2007, Love en 2009), albums anniversaires (Twenty en 2011), tournées nostalgie et cachetons pour payer les factures (concert dans des casinos de Las Vegas, pub télé pour une assurance automobile…).
Toni Braxton
Que tous ceux qui ont embrassé leur crush (ou rêver très fort d’embrasser leur crush) sur l’uber mélodramatique Un-Break My Heart lèvent la main.
Élevée au sein d’une famille méthodiste très pratiquante (pas de Noël, pas de films), rien ne prédestine Toni Michelle Braxton à devenir la diva qu’elle va devenir, si ce n’est que sa mère chanteuse d’opéra la laisse elle et ses sœurs Traci, Towanda, Trina, et Tamar reprendre des classiques de gospel.
Chemin faisant, elles forment un groupe, The Braxtons, puis une fois majeures et vaccinées elles sortent un premier single en 1990, Good Life.
Passé inaperçu aux yeux du grand public, le morceau attire néanmoins l’attention de L. A. Reid et Babyface qui proposent de ce pas un contrat à Toni.
Sa carrière décolle quelques mois plus tard quand elle se retrouve en studio pour poser des démos à destination d’Anita Baker pour la bande originale de Boomerang. En déplacement, Baker écoute au téléphone les compositions du duo sans que rien ne l’emballe plus que ça, si ce n’est la voix de la jeune choriste dans le fond. Magnanime, elle demande alors à Babyface pourquoi il ne la laisserait pas les interpréter elle-même.
Et c’est ainsi que Toni Braxton décroche son tout premier tube, Another Sad Love Song.
Très vite sa voix chaude de contralto se fait entendre dans tout le pays, tant et si bien qu’en 1996 son second album Secret s’écoule à 8 millions d’exemplaires (en grande partie grâce à Un-Break My Heart donc, mais pas que).
Il n’en reste pas moins que Braxton en choque plus d’un en se déclarant deux ans plus tard en faillite.
À sa décharge elle prétend n’avoir reçu qu’un petit chèque de 1 972 dollars une fois les avances de sa maison de disques déduites des misérables 33 cents par CD vendus qu’elle touchait.
Qu’à cela ne tienne, en 2000 The Heat lui permet de renflouer les caisses – He Wasn’t Man Enough à jamais dans les cœurs.
Mariée en 2001, « Tony B » s’en va lorgner du côté du rap que ce soit aux côtés de Pharrell (Hit the Freeway meilleure instru ever des Neptunes ?), Dr. Dre ou Birdman (hum-hum ?), sans toutefois réussir à accrocher pleinement le train de la nouvelle génération.
En 2007 elle est ainsi programmée comme artiste résidente du Flamingo Hotel à Vegas, mais après quelques représentations elle s’effondre sur scène. Diagnostiquée du lupus (une maladie qui dérègle le système immunitaire), elle arrête toute activité pendant trois ans, quitte à se déclarer à nouveau en faillite en 2010.
Et plutôt que de se refaire la cerise en posant pour Playboy comme elle l’envisage un temps (snif), elle préfère aller donner des concerts en Russie, flirter avec l’eurodance et s’afficher au casting d’une télé réalité en compagnie de sa mère et de ses sœurs (Braxton Family Values diffusé de 2011 à 2018).
Heureusement pour elle, en 2014 Babyface la sort de sa retraite musicale annoncée un an plus tôt avec le très bon Love, Marriage & Divorce.
Enfin, impossible de pas mentionner le couple qu’elle forme avec Birdman depuis son divorce, ne serait-ce que pour les repas de famille lunaires en sa compagnie.
En Vogue
Le chaînon manquant entre les Supreme et les Destiny’s Child.
Né en 1989 à l’initiative du duo de producteurs Denzil Foster et Thomas McElroy qui cherchent à renouer avec la tradition des girls bands des années 70, En Vogue se compose à la base de Dawn Robinson (au centre sur la photo), de l’ancienne Miss Californie Cindy Herron et de Maxine Jones, toutes recrutées lors d’une gigantesque audition.
Arrivée en retard, Terry Ellis arrive à convaincre in extremis Foster et McElroy de la rajouter au trio.
Bien leur en a pris si l’on en juge l’impressionnant rythme de croisière du groupe dans la première partie des années 90, des cinq millions d’exemplaires écoulés de l’album Funky Divas sorti en 1992 aux triomphes de leurs singles Hold On, You’re Never Gonna Get It, Free Your Mind et Don’t Let Go.
Alléchée par une carrière solo, en 1997 Robinson quitte sans crier gare ses copines alors en pleine session d’enregistrement de leur troisième album.
L’aventure ne s’arrête pas pour autant et les albums se succèdent comme si de rien n’était jusqu’en 2004 (Masterpiece Theatre, The Gift of Christmas, Soul Flower…).
À partir de là les choses se compliquent, anciens membres et nouveaux (Rhona Bennett) allant et venant sans que tout soit toujours très clair.
Après l’expérience Lucy Pearl, le solo Dawn et une pige foirée chez Aftermath, Robinson revient en 2005, s’embrouille avec tout le monde, puis re-revient en 2009 pour la tournée En Vogue: 20th Anniversary, puis re-repart.
En 2018, toujours sous la houlette de Foster et McElroy, un nouveau disque a toutefois vu le jour après 14 ans de silence, Electric Café. Prétexte à partir sur les routes, il récolte un joli succès d’estime.
Tony! Toni! Toné!
Le groupe de Raphael Saadiq avant qu’il ne devienne Raphael Saadiq.
Originaires d’Oakland, Tony! Toni! Toné! s’appuie principalement sur D’wayne Wiggins (chant et guitare), son frère Raphael Wiggins (qui se fera plus tard appeler Saadiq donc, chant et basse), et leur cousin Timothy Christian Riley (batterie), tandis que d’autres membres s’ajoutent à l’occasion (Elijah Baker, Carl Wheeler, Randall Wiggins, Antron Haile…).
Auteurs en 1988 d’un premier album intitulé Who?, ils se font d’entrée une spécialité d’enchaîner les hits (Little Walter, Feels Good, Whatever You Want…) avant de connaître la consécration en 1993 avec leur troisième album Sons Of Soul (Anniversary, If I Had No Loot, Lay Your Head On My Pillow…) qui, non content de passer la barre des deux millions de ventes, initie officieusement le mouvement neo soul.
Tony! Toni! Toné! réfute virulemment cette appellation, eux qui n’ont jamais considéré la soul music comme éteinte – « Either have soul or you don’t ».
Après un tout dernier album en 1996 agrémenté d’un featuring d’anthologie avec DJ Quik, le groupe se met en vielle à la suite du départ de Saadiq.
Si D’wayne Wiggins réussit à se faire remarquer en solitaire en 2000, son frangin lui pique rapidement la vedette.
Tout d’abord au sein du supergroupe Lucy Pearl (aux côtés de Dawn Robinson et Ali Shaheed Muhammad des A Tribe Called Quest), puis à son compte avec une flopée de disques indispensables pour tout amoureux de la musique dont le très ancienne école Instant Vintage en 2002, le très blaxploitation Ray Ray en 2004 ou encore le très Motown The Way I See It en 2008 – sans oublier ses collaborations avec Joss Stone (l’album Introducing Joss Stone qu’il a écrit et composé en grande partie), D’Angelo, Erykah Badu, Miguel…
En parallèle Tony! Toni! Toné! répond à l’appel d’Alicia Keys en 2003 pour enregistrer le très doux Diary avant de reprendre la route notamment pour la tournée New Jack Reunion Tour aux côtés des Blackstreet, S.W.V. et After.
Si dès lors les rumeurs de reformation avec Saadiq ressurgissent à échéances régulières, il a fallu attendre la fin de l’année dernière pour que la petite troupe se retrouve au grand complet sur scène pour bouler la boucle avec un concert donné dans leur Bay Area natale.
Ne leur reste donc plus qu’à répondre à la question que tout le monde se pose depuis 30 ans : mais que peut bien signifier leur nom ?
TLC
Tout simplement le girls band américain le plus vendeur de l’histoire de la musique.
Formé en 1990 à l’initiative de Crystal ‘C’ Jones après avoir recruté par petite annonce Tionne ‘T’ Watkins et Lisa ‘L’ Lopes, le groupe s’appelle dans un premier temps les Second Nature.
Repéré par la chanteuse Perri ‘Pebbles’ Reid, cette dernière rebaptise le trio les TLC avant de convaincre son mari Antonio ‘L.A.’ Reid de les auditionner.
Convaincu par le potentiel de Watkins et Lopez, le patron de LaFace Records se montre néanmoins plus sceptique quant à Jones, et ce d’autant plus qu’elle refuse de signer le contrat qui lui est proposé sans qu’il soit relu par un avocat.
Watkins et Lopez prennent alors la décision de s’engager sans elle auprès de la toute nouvelle société de management de Perri Reid, quitte à remplacer Jones par la danseuse Rozonda Thomas.
Les trois filles héritent ainsi chacun d’un nouveau surnom (Tionne ‘T-Boz’ Watkins, Lisa ‘Left Eye’ Lopes et Rozonda ‘Chilli’ Thomas) histoire de garder intact le nom du groupe (TLR ça sonne toute suite moins bien), puis sortent en 1992 leur premier album, Ooooooohhh… On the TLC Tip.
Concocté par Babyface, Dallas Austin (avec qui Chilli était en couple), Jermaine Dupri et Marley Marl, l’opus ne passe pas inaperçu avec 6 millions d’acheteurs à l’international.
Lui succède deux ans plus tard CrazySexyCool qui bien que moins new jack leur vaut de décrocher un disque de diamant, un exploit aujourd’hui encore unique en son genre pour un groupe de filles.
Reste que malgré ces débuts tonitruants, le ciel s’assombrit en deux coups de cuillère à pot.
Entre les déboires conjugaux de Lopez (en couple avec le footballeur US Andre Rison, quelques mois plus tôt elle a au cours d’une dispute mis accidentellement feu à sa baraque et doit désormais rembourser son assurance), les soucis de santé de Watkins (qui comme Prodigy des Mobb Deep souffre de drépanocytose) et ce foutu contrat qu’elles ont accepté de signer, le groupe est endetté à hauteur de 3,5 millions de dollars.
Forcées de se déclare en faillite, les filles finissent par conclure un arrangement avec leur maison de disques avant de se remettre au travail pour un troisième album, FanMail (No Scrubs, Unpretty…), qui accouche dans la douleur.
Outre les prétentions financières nouvelles de Dallas Austin, Left Eye se sent de moins en moins à l’aise avec la direction artistique, allant même jusqu’à déclarer « avoir évolué au stade ne pas pouvoir assumer le projet à 100% ».
Et c’est comme ça qu’elle se lance en solo en 2001 avec Supernova, avant d’aller faire un tour du côté de Death Row sous un nouveau pseudonyme, N.I.N.A. (New Identity Not Applicable).
Son second essai ne verra cependant jamais le jour. Un accident de voiture lui ôte la vie en 2002.
Ses deux comparses utilisent alors ses chutes de studio pour conclure un ultime album, 3D, avant de mettre la clef sous la porte.
En 2013, les TLC reviennent sous les feux de l’actualité à l’occasion du biopic CrazySexyCool: The TLC story que leur dédie la chaine de télévision VH1.
Motivées par ce regain d’intérêt, T-Boz et Chilli décident d’enregistrer un ultime album qu’elles font financer en partie via la plateforme participative Kickstarter (Katy Perry Soulja Boy et Justin Timberlake figurent parmi les donateurs).
Brandy
La petite fiancée du rnb.
Après ses premiers pas en tant qu’actrice à 11 ans dans le narnardesque Arachnophobie en 1991, elle est engagée en tant que choriste pour le groupe Immature – le groupe dont est issu Marques Houston.
Deux ans plus tard et un rôle dans Thea (une sitcom sur la vie d’une mère veuve afro-américaine), ses parents négocient pour elle un deal avec Atlantic Records.
Celle que l’on surnomme très rapidement « The Vocal Bible » pour la capacité tout à fait exceptionnelle de sa voix à s’étendre sur trois octaves et cinq demi-tons propose alors un premier album éponyme qui rallie tous les suffrages : six millions de copies écoulées et une influence certaine auprès de ses pairs, que ce soient Erykah Badu, Rihanna ou le guitariste des Red Hot Chili Peppers John Frusciante qui tous ont ouvertement reconnu l’influence de ce disque sur leur musique.
Propulsée sur le devant de la scène, Brandy enchaine avec le rôle principal de la série Moesha (qui conte six saisons durant les déboires sentimentaux d’une ado de la classe moyenne aisée) et l’album Never Say Never qui dévaste tout sur son passage (16 millions à l’international) notamment grâce à The Boys Is Mine avec Monica (le duo féminin le plus vendu encore à ce jour).
Assise sur le toit du monde (littéralement), la presse lui prête des liaisons avec Wanya Morris des Boyz II Men (« son premier amour »), Ma$e ou encore Kobe Bryant avec qui elle va si bien.
En légère perte de vitesse au début du siècle, enceinte du producteur Robert ‘Big Bert’ Smith elle accepte de tourner un documentaire de télé réalité centré autour de sa grossesse et de son accouchement, Brandy: Special Delivery.
Impliquée en 2006 dans un accident de la route qui a couté la vie à une mère de deux enfants, Brandy est un temps sous le coup d’une enquête avant d’être blanchie, quand bien même elle conclut un accord financier avec le mari de la victime à hauteur de 600 000 dollars.
L’année suivante, son petit frère Ray J avec qui elle chantonne à l’occasion accède à la notoriété en tournant sa fameuse sextape avec Kim Kardashian, ce qui lui vaut de se retrouver au côté de sa sœur au générique de programmes télévision de haut niveau comme For the Love of Ray J (2009) ou Brandy & Ray J: A Family Business (2010).
Question musique, après un aparté rap sur Timbaland Presents Shock Value 2 en 2009 où elle s’est rebaptisée Bran-Nu et des retrouvailles décevantes avec Monica, le décès de son idole Whitney Houston en 2012 la pousse à retourner en studio pour enregistrer Two Eleven, un sixième album dont le titre référence à la fois son anniversaire et le jour de la disparition de Houston. Les critiques sont cette fois excellentes.
S’il s’agit à ce jour de son dernier opus, Brandy est depuis revenue à la comédie sur le petit et grand écran (Zoe Ever After, The Perfect Match…), mais aussi sur les planches (la comédie musicale Chicago en 2015 à Broadway).
Jodeci
Les mauvais garçons du rnb.
Présentés en 1990 par le rappeur Heavy D au grand patron d’Uptown Records, Andre Harrell, les frères Cedric et Joel Hailey (K-Ci et JoJo) et les frères Donald et Dalvin Degrate (alias DeVante Swing et Mr. Dalvin) sont dans premier temps chapeautés par un jeune Puff Daddy tout juste nommé directeur artistique en chef.
Relooké en total cuir et lunettes noires par ce dernier, le quatuor se réorganise alors de la façon suivante : K-Ci et JoJo en voix principales, DeVante et Dalvin aux chœurs, à l’écriture et à la production.
Chanteurs de gospel de formation, ils mettent au point une formule assez inédite pour l’époque, mélange de romantisme très premier degré à de paroles gentiment salaces.
Conquis, le public fait un triomphe à leurs trois premiers albums qui franchissent tous allégrement la barre du million.
En coulisses, l’ambiance n’est cependant pas la fête, drogues et alcool étant désormais consommés en quantité.
Si officiellement ce problème n’en est pas un, les incartades se multiplient (arrestation pour possession d’arme à feu, accusation de viol…), tandis que la relation entre K-Ci et Mary J. Blige prend dans la presse des faux-airs d’Ike et Tina Turner (violences conjugales incluses).
À cela s’ajoutent des tensions de plus en plus vives avec Uptown, au point que le groupe envisage un temps de rejoindre l’écurie Death Row pour qui ils officient déjà comme collaborateurs de luxe (Devante a filé des prod’ aux BO de Murder was the Case et Above the Rim, les frangins Hailey ont featé avec 2Pac sur How Do U Want It et Toss It Up…).
En 1995, les Jodeci annoncent ainsi vouloir prendre une pause. S’il ne s’agit pas d’une séparation, il n’empêche qu’à partir de là chaque fratrie fait bande à part.
Renommés K-Ci & JoJo, K-Ci et JoJo donnent ainsi suite à leurs précédentes escapades hors du groupe avec en 1997 un album en bonne et due forme, Love Always. Porté par l’hymne All My Life, l’opus frôle les 3 millions de ventes.
Chez les Degrate, si Dalvin s’adonne également à l’exercice solo avec Met.A.Mor.Phic en 2000 (sans grand succès), Devante rentre dans les livres d’histoire en découvrant via son label Swing Mob Timbaland, Missy Elliot, Ginuwine, Static Major et Stevie J !
Malheureusement pour lui, son comportement de plus en plus erratique (pour ne pas dire tyrannique si l’on en croit les témoignages des intéressés) provoque la fuite de ce joli petit monde.
Les années 2000 s’apparentent ensuite à un long tunnel et il faudra attendre la décennie suivante pour que le groupe fasse de nouveau parler de lui, quand bien même ce ne soit pas de la manière la plus glorieuse qui soit (en 2010 Devante est filmé au bout de sa vie dans un fast food, en 2011 K-Ci et JoJo mettent en scène leur cure désintox’ sur une chaîne cablée…).
Reste qu’à la surprise générale sort en 2015 un quatrième album intitulé The Past, the Present, the Future, qui, sans être franchement exceptionnel, n’entache cependant en rien l’héritage d’un groupe toujours autant référencé par les jeunes régénérations (Justin Bieber, Drake, Bryson Tiller, Future, Playboi Carti, Hamza…).
Sisqo
Mark Althavan Andrews ou l’homme à la teinture argentée qui a chanté les joies du string comme personne dans Thong Song (« that thong-th-thong thong thong »).
Bon avant cela il n’est pas inutile de rappeler qu’il y a eu Dru Hill, un quatuor teenagers composé de ses potes Jazz, Woody et Nokio. Décalque à peine masqué de Jodeci, leurs deux premiers albums sortis en 1996 et 1998 se sont vendus par millions (mais si souvenez-vous : In My Bed, How Deep Is Your Love, Never Make a Promise…) avant que la belle dynamique se brise en 1999.
Invité par Will Smith sur son tube Wild Wild West, le groupe prend plutôt mal que Sisqo soit autant mis en avant à leur détriment.
Woody claque alors la porte et une pause est annoncée.
Ni une, ni deux Sisqo se lance en solo avec Unleash the Dragon (5 millions de ventes), avant de remettre le couvert en 2001 avec Return of Dragon qui double la mise qui se gamelle dans les charts (1 million de ventes malgré une campagne promo au tractopelle) et sent la fin de cycle.
Et ce ne sont pas ses coupes de cheveux toujours plus délirantes ou le nouvel album de Dru Hill en 2002 qui viennent changer quoi que ce soit.
À partir de là c’est le silence radio, et ce d’autant plus que l’intéressé écope d’une réputation d’ingérable – réputation qu’il justifie par la jalousie d’un milieu qui voit d’un très mauvais œil sa manie de s’entourer au maximum de gens de son entourage au détriment de professionnels de la profession.
Toujours est-il qu’il entame une prolifique carrière dans la télé réalité (Gone Country en 2008 où il s’essaye aux côtés de Bobby Brown à la musique country, le Celebrity Big Brother britannique en 2010, Celebrity Wife Swap en 2013 où il échange sa femme contre celle d’un autre…), au point de faire oublier le retour de Dru Hill en indé’ en 2010 ou son album Last Dragon en 2015.
C’est donc logiquement qu’il retourne à ce qui a fait sa renommée, d’une part en ouvrant en 2016 à Los Angeles The Thong Bong, une boutique spécialisée dans les dessous féminins et les accessoires pour fumer de la marijuana, et de l’autre en réenregistrant Thong Song version 2017 avec le trio norvégien EDM JCY histoire « d’ajouter de nouvelles jantes à [sa] Bugatti ».
Malgré tout n’allez pas croire que Sisqo ne pèse plus rien sur la balance : lors de la fashion week newyorkaise de 2017, un type a réussi à se faire inviter aux défilés de Philipp Plein et Kanye West parce qu’il lui ressemblait !
Ginuwine
Aussi frimeur que talentueux, s’il ne devrait en rester qu’un, serait-ce lui ?
Découvert par Devonte Swing (lire plus haut), Elgin Baylor Lumpkin crève le plafond en 1996 avec Pony dans lequel il invite ces dames à venir le chevaucher sans retenue.
Repris depuis en chœur par les stripteaseurs du monde entier, le morceau est à l’image de ce que va être sa carrière : constamment sur le fil du rasoir entre le bon/très bon et le too much – Pony arrive quand même à le faire passer pour un Casanova alors que le clip le montre en train de danser à moitié à oilp’ devant un parterre de mâles vêtus de cuir…
Produit quasi exclusivement par un Timbaland inconnu au bataillon, son premier album Ginuwine…The Bachelor initie une décennie de tubes incroyables ponctués de pas de danses michaeljacksonesques.
Dans le désordre cela donne So Anxious, Differences, Hell Yeah, In Those Jeans, I Need a Girl Part 2 et quantités d’autre chansons à la gloire du beau sexe et des plaisirs charnels.
La seconde partie des années 2000 lui est toutefois moins favorable question chiffres – en 2009 son sixième album A Man’s Thoughts échoue pour la première fois de sa discographie à être certifié or ou platine.
Ginuwine tente de se relancer avec le projet de super groupe TGT en compagnie de Tank et Tyrese, mais il faut attendre 2013 pour que l’album se concrétise, soit le temps que plus personne n’y prête intérêt.
Un an plus tard, il se sépare de la rappeuse Solé avec qui il était marié depuis 2003 et avec qui il a eu deux de ses neuf enfants (en même temps on parle ici d’un type qui s’assume « sex-a-holic »).
Apparemment sur le point de sortir un nouvel opus intitulé Same Ol’ G…the Bachelor avec Timbaland et Missy Elliott de retour aux manettes, Ginuwine, 50 ans cette année, refuse de se considérer comme le roi du rnb ou quoi que ce soit d’autre.
« Avec la couronne viennent tout un tas de responsabilités. Moi j’ai fait mon truc dans les ninities, ça me va. »
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Eux aussi ont donné envie de faire des bébés (mais l’article était déjà très long comme ça) : Keith Sweat, Donell Jones, Jagged Edge, Xscape, Chanté Moore & Kenny Lattimore, Tamia, Joe, Zhane, Brian McKnight, Montell Jordan, Christopher Williams, les S.W.V., le crew Bad Boy dont on vous reparlera bientôt (Total, 112, Faith Evans, Mario Winans…), la scène UK (Damage, Beverly Knight, Mark Morisson…)…