Depuis près de 20 ans, le troisième homme des plus grand combats d’arts martiaux mixtes c’est lui…
L’UFC sera-t-elle un jour la plus grande ligue sportive du monde devant la FIFA ou la NBA ? Si aujourd’hui la question mérite d’être posée, c’est peu dire que le scepticisme était de mise lorsqu’en 2005 Dana White clamait à tue-tête vouloir atteindre cet objectif.
Stratège en chef de l’essor d’une discipline longtemps considérée comme un défouloir bas de gamme, à désormais 49 ans, l’ex « Southie guy » de la banlieue de Boston est non seulement devenu un personnage médiatique à part entière, mais il peut également se targuer de peser en dollars plus que n’importe lequel de ses combattants.
Pas mal pour un type qui a arrêté l’école à 17 ans, avant de se faire chasser de sa ville par la mafia, puis de débarquer à Las Vegas pour y exercer tous les métiers de la terre.
Self made
Né dans la Connecticut le 28 juillet 1969, Dana Frederick White Jr. passe sa petite enfance dans le Massachusetts avant de déménager avec sa mère infirmière et ses sœurs à Vegas. Ado turbulent (bastons et refus de l’autorité), il se fait renvoyer de l’école catholique à deux reprises, ce qui lui vaut d’être envoyé vivre chez ses grands-parents dans le Maine.
Sitôt ses années lycée terminées, il retourne cependant rejoindre sa mère à Boston, non sans avoir décidé auparavant de mettre fin à sa scolarité.
Sur place White se fait engager comme videur dans un club. Viré suite à une bagarre, il se reconvertit dans le bâtiment avant de décrocher un job de porteur de bagages dans un hôtel de luxe, le Boston Harbor Hotel. Très vite, pourtant, cette place plutôt confortable pour son âge ne lui convient pas.
« Un jour, j’étais debout dans le hall à me demander ce que je foutais là… Je me faisais pas mal de blé en plus de ma paye grâce aux pourboires, mais je n’étais pas satisfait. D’un coup, je me suis dirigé vers la porte principale et j’ai dit l’un de mes collègues que c’était fini pour moi. Quand il m’a demandé ‘Mais tu es fou, qu’est-ce que tu vas faire ?’, je lui ai répondu que j’allais me lancer dans les sports de combats. »
White s’en va alors toquer à la porte de l’entraîneur et gloire locale Peter Welch afin de devenir boxeur professionnel. Habitué à voir régulièrement débarquer de nulle part des types qui sollicitent son aide, Welch lui fait passer le test qu’il fait passer à tous les nouveaux venus dès leur premier entraînement afin de ne plus jamais les revoir : se prendre une dérouillée entre les cordes face à un vrai pro.
À sa grande surprise, Dana tient la distance.
Dur au mal et doté d’une bonne gauche, il finit toutefois par abandonner l’idée de passer pro pour ouvrir sa propre salle de fitness dans laquelle il alterne cours particuliers et programmes éducatifs à l’égard des jeunes les plus démunis.
Boston-Vegas, aller simple
Si tout va pour le mieux pendant quelques années, Dana White finissant même par être démarché par les chaînes concurrentes pour donner des cours collectifs, il a un beau jour de 1995 la surprise d’ête interrompu en plein entraînement par deux hommes à la dégaine patibulaire qui se dirigent directement sur lui.
Sommé d’interrompre son cours à la stupeur générale, White se voit faire comprendre qu’il serait bon pour lui de reverser une part de ses revenus à Kevin Weeks, le bras droit du célèbre parrain Whitey Bulger qui règne à l’époque en maître dans les bas-fonds de la ville verte (celui-là même qui a inspiré le rôle tenu par Jack Nicholson dans The Departed de Martin Scorsese).
Bien que White fasse tout d’abord mine d’ignorer cette « requête », quelques jours plus tard, il reçoit chez lui un coup de téléphone. Au bout du fil, une voix lui réclame 2 500 dollars avant la fin de semaine, une somme qu’il n’est absolument pas en mesure de débourser.
Confronté à une situation sans issue, il réserve alors immédiatement un billet d’avion pour Las Vegas et fait le choix de commencer une nouvelle vie en laissant tout derrière lui.
Sur place, celui qui se vante d’avoir pour tout diplôme d’avoir suivi des cours à « l’Université des rue de Boston Sud » trouve un poste de professeur d’aérobic.
Hasard de la vie, lors d’un mariage, il tombe sur l’un de ses anciens camarades de classe, le businessman Lorenzo Fertitta, propriétaire avec son frère Franck des casinos Stations et membre de la prestigieuse commission de boxe du Navada. Les deux hommes commencent à prendre ensemble des cours de jiu-jitsu, ce qui les pousse à s’intéresser plus en détails au MMA, ces tournois où se confrontent les différents styles d’arts martiaux et de sports de combat dans des règles libres.
Hasard de la vie (bis), peu de temps après White se lie d’amitié avec deux combattants Tito Ortiz et Chuck Liddell à qui il donne tout d’abord des conseils en matière de noble art avant de devenir leur manager à plein temps.
« Ma chance ça a toujours été de savoir exactement ce que je voulais faire »
Fort de ses nouvelles fonctions, White apprend fin 2000 que Semaphore Entertainment Group, une société spécialisée dans le pay-per-view, cherche un repreneur pour l’une de ses filiales, l’Ultimate Fighting Championship.
Sentant tout le potentiel d’un sport jusque-là confidentiel ou presque, il contacte les frères Fertitta pour les convaincre de débourser les deux petits millions de dollars demandés. Tombant rapidement d’accord, le trio s’associe pour créer la société Zuffa LLC qui acquiert les droits de l’UFC en janvier 2001. Propriétaire de 9% des parts, White est nommé dans la foulée président de la fédération.
Si avec le recul beaucoup doivent se mordre les doigts d’être passés à côté d’une telle opportunité, c’est peu dire qu’au moment des faits les acheteurs ne se bousculaient pas au portillon.
Créée en novembre 1993, l’UFC n’était en effet qu’une ligue mineure largement déficitaire qui ne se distinguait guère de ce qui se faisait depuis quelques années au Japon (ou en amateur au Brésil depuis des décennies avec le Vale Tudo) et qui en sus était bannie dans la majorité des États d’Amérique.
Sous l’impulsion de White, une dynamique nouvelle est cependant insufflée.
Sa première mesure consiste à complétement revoir les règles afin de rendre acceptable la discipline aux yeux du grand public et des chaînes de télévision : outre l’introduction des rounds et des limites de temps, l’apparition des catégories de poids et la mise en place de tests anti-dopage, les coups les plus brutaux sont prohibés (coup de tête, coup de pied ou de genou au visage lorsque l’adversaire est au sol, coup dans le dos…).
[White ne manque depuis jamais une occasion de rappeler qu’aucune paralysie ou mort n’a jamais été constatée chez les combattants UFC, « a contrario des pom-pom girls ».]
Toujours sur le plan sportif, l’UFC tire les leçons du marasme dans lequel s’enlise trop souvent la boxe anglaise en forçant ses champions à se rencontrer dans la cage dans des délais raisonnables sous peine d’être destitués de leurs ceintures.
La politique marketing enfin se fait dans le même temps beaucoup plus agressive. Campagne de publicité, partenariats, sorties de DVD et de jeux vidéo… le MMA est désormais sur tous les fronts.
Des millions aux milliards
Malgré tous ses efforts, les résultats ne sont toutefois pas immédiats, différents rapport pointant des pertes estimées entre et 35 et 45 millions de dollars en 2005.
White dégaine alors sa carte maîtresse : il s’en va produire l’émission de téléréalité The Ultimate Fighter dans laquelle des combattants en devenir s’affrontent pour décrocher un contrat de plusieurs centaines de milliers de dollars avec l’UFC.
[Présent face caméra dans un rôle à mi-chemin entre celui de présentateur et de sergent instructeur, White accède au passage au statut de personne publique.]
Le succès est instantané avec plus de 2 millions de téléspectateurs chaque semaine répartis dans plus d’une centaine de pays. Dès lors le MMA franchit un cap en matière de popularité (la discipline en tant que telle acquiert une réelle légitimité, les clubs ouvrent à foison), tandis que l’UFC voit ses profits décoller.
L’afflux de liquidités permet ainsi à Zuffa LLC d’avaler son principal concurrent direct, le Pride Fighting Championships qui est racheté en octobre 2007.
En 2010, la société ouvre à hauteur de 60% son capital à quatre principaux actionnaires (dont le groupe d’investissement Flash Entertainment basé à Abou Dabi).
Déjà riches au-delà de leurs rêves, Lorenzo Fertitta, Franck Fertitta et Dan White finissent par toucher le pactole quand en 2016 un consortium d’investisseurs californiens menés par WME-IMG dépense 4,025 milliards de dollars pour devenir actionnaire majoritaire.
Cette transaction est considérée comme la plus grosse de toute l’histoire du sport (pour rappel, quinze ans plus tôt l’UFC valait tout juste DEUX MILLIONS). Toujours propriétaires de 9% des parts, White qui pèse désormais 360 millions de billets verts est reconduit à son poste de président.
Touche finale, la renégociation des droits télévisuels a engendré l’année dernière une lutte acharnée, lutte dont ESPN est sorti victorieux à hauteur de 1,5 milliards de dollars pour les cinq prochaines années.
Jamais rassasié, White, qui estime à sept milliards la valeur de la marque UFC, n’a pas tardé à déclarer en vouloir encore et toujours plus : « Nous n’en sommes encore qu’à la surface des choses. Ce deal va nous permettre de conquérir des millions de gens en dehors des US. Nous allons continuer d’investir des marchés nouveaux, continuer de découvrir de nouveaux talents, continuer de développer ce sport. »
« Cela n’a rien à voir avec la science infuse, il n’y a rien de fou. Nous faisons ce que nous aimons et nous devenons de plus en plus gros. »
À en juger par le nombre « superfights » à venir (à commencer par McGregor contre Khabib ce samedi 6 octobre, puis les retours programmés de Nate Diaz, Brock Lesnar, Jon Jones ou encore Georges St-Pierre), difficile de lui donner tort.
« Je ne dirige pas Microsoft »
Évidemment une telle ascension ne va pas sans une part d’ombre.
D’un tempérament volcanique, le pas très orthodoxe ambassadeur de l’UFC est de ceux qui utilisent le mot « f*ck » comme il respire, quand il ne manie pas l’insulte homophobe pour dénigrer les journalistes qui s’en prennent à lui.
Loin de faire le consensus, il multiplie les clashs, que ce soit avec ses pairs (les promoteurs Bob Arum et Don King) mais aussi avec ses propres combattants (de Randy Couture à Tito Ortiz avec qui il en est un jour venu aux mains à bord d’un avion).
Plus gênant encore, ce supporter de Donald Trump a vu sa propre mère s’en prendre à lui. Dans une biographie non-autorisée publiée en 2011, Dana White, King of MMA, elle le décrit comme « un tyran vindicatif », « égocentrique, autocentré et cruel ».
Rayon ragots, cette dernière révèle également que son fils a longtemps utilisé des stéroïdes, qu’il a couché avec sa belle-sœur, ou encore qu’une fois la célébrité au rendez-vous il a tout bonnement abandonné sa famille.
S’il ne s’est jamais exprimé directement sur le sujet, interrogé sur son côté obscur, Dana White, qui par ailleurs est connu pour multiplier dans le privé les actes de charité, s’était alors contenté de répondre : « Vous savez, on parle du monde des combats, ce n’est pas un endroit où tout le monde est gentil et poli. Je ne dirige pas Microsoft. »
L’American Dream sans excuse.
À LIRE AUSSI
Mayweather a-t-il la moindre chance de battre McGregor en MMA ?