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The Hate U Give : Ces films qui ont bousculé les mentalités

The Hate U Give : Ces films qui ont bousculé les mentalités

Retour sur ces longs-métrages qui ont éveillé les consciences.

Quand la fiction colle à la réalité

Jackson, Mississippi. Khalil Harris, 16 ans, lycéen dans le quartier populaire de Garden Heights, est au volant de son véhicule avec son amie d’enfance, Starr Carter. L’adolescent est sommé de s’arrêter par un officier de police. Ce qui aurait dû être un contrôle de routine se transforme en une bavure, qui devient malheureusement tout aussi routinière aux Etats-Unis : Khalil Carter, jeune homme noir, est abattu par l’officier de police blanc. Cette scène, fort heureusement fictive ici, mais vue et revue dans l’actualité, est le point de départ de l’histoire du film The Hate U Give – La Haine qu’on donne, adapté du roman du même nom.

L’histoire imaginée par la romancière Angie Thomas se place du point de vue de Starr Carter, la jeune fille qui accompagnait Khalil dans la voiture, seule témoin de la scène. Issue du même quartier populaire que le garçon, mais scolarisée dans un lycée privé huppé de la ville, avec un petit ami issu de la haute société blanche, elle est sans cesse tiraillée entre deux univers, deux catégories sociales, et deux faces de son pays : l’Amérique blanche, et l’Amérique noire, qui s’opposent autant qu’elles se ressemblent. Révoltée par ce qu’elle a vu, et bien décidée à faire éclater la vérité, Starr Carter se retrouve donc prise entre deux feux, et devra composer avec les deux milieux qu’elle côtoie quotidiennement, et ainsi bousculer les mentalités autour d’elle, mais aussi celles des spectateurs.

The Hate U Give – La Haine qu’on donne est en effet typiquement le genre de récit amené à frapper directement le spectateur dans ses convictions les plus profondes

S’inscrivant dans la grande tradition des films traitant de revendications sociales ou de combats face à l’injustice, The Hate U Give – La Haine qu’on donne est en effet typiquement le genre de récit amené à frapper directement le spectateur dans ses convictions les plus profondes, et à se sentir révolté par les évènements, quelle que soit sa couleur, sa condition sociale, ou son positionnement politique. Grand Prix du Festival de Cannes en 2018, BlacKkKlansman, de Spike Lee, possède par exemple de nombreuses similitudes avec le film de George Tillman, Jr : outre le fait qu’il soit adapté d’un livre, il suit également les évènements liés à des tensions raciales, avec un message politique explicite. Avec une action ancrée à la fin des années, et adaptée de faits réels, BlacKkKlansman a été l’un des films les plus discutés l’année dernière, non seulement à cause de son sujet, et de l’importance médiatique de son réalisateur, mais aussi car il relance un sujet qui a régulièrement trouvé écho dans l’actualité ces dernières années : malgré des avancées symboliques majeures et une égalité absolue théoriquement établie pour tous les citoyens américains, la communauté noire aux Etats-Unis est encore victime de bon nombre d’injustices. L’écho du mouvement Black Lives Matter, impulsé en 2013 par le biais des réseaux sociaux, trouve donc un prolongement à l’écran grâce à des réalisateurs engagés, et à un public plutôt réceptif à cette question.

De Spike Lee à Steven Spielberg

Avant BlacKkKlansman, Spike Lee avait déjà maintes fois abordé les thématiques du racisme, des problèmes vécus par la communauté afro-américaine, et de la lutte pour l’égalité des droits et l’évolution des mentalités. On se souvient notamment de l’un de ses plus grands succès critiques, Do the Right Thing, qui était dédié, il y a déjà trente ans, à 6 familles de victimes de bavures policières. Récit construit sur les tensions raciales opposant une famille d’italo-américains à des jeunes afro-américains, aboutissant à la mort de l’un de ces derniers, des mains d’un officier de police. Interrogeant le spectateur sur les deux types de révoltes possibles -la rébellion violente d’un côté, la protestation pacifique de l’autre-, Spike Lee est acclamé pour la qualité de son film, mais doit faire face à de nombreuses polémiques, certains l’accusant de faire l’apologie de la violence et d’inciter la population noire américaine à l’insurrection.

Le réalisateur américain récidive 2 ans plus tard avec son autre grand succès critique, Malcolm X, qui reprend les mêmes thématiques et les replace dans un contexte historique. Véritable biopic de l’une des grandes figures de la cause noire aux Etats-Unis, ce film est resté une référence plus d’un quart de siècle après sa publication, permettant notamment à chaque nouvelle génération de comprendre en trois petites heures les principaux tenants et aboutissants de la lutte menée par Malek el-Shabazz. S’il ne suffit pas, bien entendu, à saisir l’ensemble de la question, il aura constitué une excellente porte d’entrée pour bon nombre de spectateurs, sensibilisés au combat pour les droits civiques menés dans les années 50 et 60.

Spike Lee, Steven Spielberg, ou Alan Parker, traitent également la question du passé sombre de la nation américaine

Mais Spike Lee n’est pas le seul à traiter de la question du racisme dans ses films, et l’Amérique des années 90 semble se préoccuper à la fois de son passé ségrégationniste et de son présent où sévit encore la discrimination raciale. D’autres réalisateurs, comme par exemple Steven Spielberg avec La Couleur Pourpre, ou Alan Parker avec Mississippi Burning, traitent la question du passé sombre de la nation américaine. Les thématiques traitées au cinéma entre la fin des années 80 et le début des années 90 correspond au climat de tensions qui parcourt l’Amérique à cette période : l’affaire Rodney King, automobiliste tabassé par des agents de police après un simple excès de vitesse en 1991, reste l’affaire la plus médiatisée, d’autant que les quatre officiers mis en cause sont relaxés en première instance par un jury composé à 90% de blancs, malgré des preuves accablantes, et notamment une vidéo qui fait le tour du monde -ils seront finalement condamnés en appel. Point culminant de cette tension générale, les émeutes de Los Angeles font alors 53 morts. Moins médiatisée ensuite, la situation semble s’apaiser progressivement au cours des années 90 et 2000. Une accalmie qui n’est en réalité qu’apparente, car les bavures ne cessent pas, et de nouvelles émeutes éclatent par exemple à Oakland ou Cincinnati. Mais le pays a d’autres préoccupations : scandales liés à Bill Clinton, 11 septembre, guerre en Afghanistan, guerre en Irak, fusillade de Columbine… Le cinéma américain délaisse la question de la lutte pour les droits civiques et des violences policières, et se concentre sur des exemples positifs, contant les histoires de Ray Charles, Muhammad Ali, Carl Brashear ou encore Herman Boone, dans des films que l’on retient plus pour leur aspect dramatique ou émotionnel que pour un réel sentiment de révolte envers l’injustice. Au milieu des années 2000, l’élection de Barack Obama, premier président américain non-blanc, parachève les espoirs de certains et laisse croire qu’une page est définitivement tournée au pays de l’Oncle Sam.

« The Hate U Give – La Haine qu’on donne », comme un rappel

Ce climat en apparence apaisé finit naturellement par exploser quelques années plus tard, quand le modèle de tolérance et de respect mutuel vendu par Hollywood se heurte à une réalité toujours aussi dure : au XXIème siècle, les bavures policières dont est victime la communauté afro-américaine sont toujours aussi nombreuses, les sanctions envers les abus des forces de l’ordre sont toujours inexistants, et l’exposition permise par les réseaux sociaux vient changer la donne. Les violences qui passaient inaperçu dans les médias dix ans plus tôt sont désormais visibles par le monde entier, et les citoyens révoltés ont les moyens d’unir leur voix. En marge du mouvement Black Lives Matter, le cinéma américain accompagne donc ce renouveau de la lutte contre les inégalités raciales, et de réaffirmation des droits fondamentaux des afro-américains.

Que ce soit pour rappeler à tous le passé esclavagiste de l’Amérique, et les sévices subis par ses victimes (12 Years a Slave, 2013), pour rendre hommage à la lutte de grandes femmes ayant servi à la fois la cause noire, la science, et l’Amérique entière (Les Figures de l’Ombre, 2016), ou que la question du racisme soit traitée sous un jour nouveau (Get Out, 2017), le cinéma US accompagne à nouveau les combats sociaux et médiatiques menés au quotidien par les activistes. Signe qu’un rappel historique est toujours nécessaire, et que rien n’est jamais acquis dans nos sociétés, le film documentaire I Am Not Your Negro (2016) retrace la longue lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Une oeuvre particulièrement réussie, qui permet au spectateur, quelle que soit son origine, sa couleur, son milieu social, d’appréhender chacune des étapes par lesquels la communauté noire a dû passer pour obtenir des droits et du respect dans son propre pays.

The Hate U Give – La Haine qu’on donne vise avant tout à rappeler aux spectateurs que la question raciale reste malheureusement prégnante aux États-Unis

En 2019, les problématiques traitées par Spike Lee et consorts à la fin des années 80 et au début des années 90 sont donc toujours d’actualité, et l’histoire du jeune Khalil Harris à Jackson, Mississipi, aurait malheureusement pu être racontée, dans le même type de contexte, il y a trente ans. S’il ne peut pas changer le monde, le cinéma américain a eu et continue d’avoir le mérite de documenter son époque et de chercher à faire bouger les lignes. Comme Jungle Fever et Do The Right Thing en leur temps, comme BlacKkklansman ou I Am Not Your Negro ces dernières années, The Hate U Give – La Haine qu’on donne vise avant tout à rappeler aux spectateurs que la question raciale reste malheureusement prégnante aux États-Unis, et que les violences policières ne pourront pas cesser sans une prise de conscience collective et des mesures engagées par le pouvoir.

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