Bien que très variés, voici 36 ans que leurs destins s’entremêlent…
Qu’écrire sur Scarface qui n’a pas encore été écrit, si ce n’est qu’en 1983 absolument personne ne se serait douté que le portrait de ce gangster réchappé du tiers-monde pour débarquer en terre promise aurait un tel impact ?
Objet de culte pour chaque génération qui a suivi, le film a bénéficié tant devant que derrière la caméra du savoir-faire d’un assemblage de talents dont beaucoup étaient alors au sommet de leur art.
Interprétation, réalisation, production, composition… découvrez qui a fait quoi depuis et qui fait quoi aujourd’hui.
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Al Pacino (Tony Montana)
Déjà star grâce aux chefs d’œuvre Serpico, Un après-midi de chien et bien évidemment au diptyque des Parrain, Alfredo James Pacino est celui qui va pousser l’idée de redonner une seconde jeunesse au Scarface de 1932 réalisé par Howard Hawkes.
À mille lieux du froid et calculateur Michael Corleone, son interprétation hystérique laisse sur le coup la critique quelque peu interloquée.
Visage du gangstérisme au cinéma, il rempile en 1993 avec L’Impasse et en 1997 avec Donnie Brasco (on préfère ne pas trop se souvenir de Dick Tracy), avant de passer du bon côté de la loi chez Michael Mann (l’inspecteur Vincent Hanna dans Heat, le reporter Lowell Bergman dans Révélations).
Oscarisé en 1993 pour Le Temps d’un week-end où il cabotine comme jamais en vétéran du Viêtnam alcoolique et aveugle, maire de New York dans City Hall (1996), Satan en personne dans L’Associé du diable (1997), l’acteur préféré de beaucoup n’en oublie cependant pas de revenir régulièrement à sa passion première : le théâtre et plus particulièrement les pièces de Shakespeare.
Un temps en (légère) perte de vitesse, à 79 ans il est plus en forme que jamais avec un très beau doublé en 2019 : Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino et The Irishman qui le voit être dirigé pour la première fois par Martin Scorsese et partager l’affiche pour la quatrième fois avec Robert De Niro.
Michelle Pfeiffer (Elvira Hancock)
Inoubliable en femme trophée cocaïnomane, Michelle Pfeiffer devient dans la foulée l’une des actrices les plus convoitées d’Hollywood et enchaîne pendant deux décennies les premiers rôles… non sans refuser à la pelle parmi les plus gros succès de l’époque Pretty Woman, Le Silence des agneaux, Thelma & Louise et Basic Instinct !
Elle retrouve en 1991 Al Pacino pour la comédie romantique neuneu Frankie et Johnny, avant de renouer avec les sommets en 1992 en interprétant la meilleure Catwoman ever dans le Batman Returns de Tim Burton.
Non contente d’avoir partagé l’affiche avec les plus grandes stars masculines (Jack Nicholson, Mel Gibson, Georges Clooney, John Malkovich, Homer Simpson…), à l’occasion d’Esprits rebelles en 1995, elle s’offre un face-à-face d’anthologie avec Coolio dans le clip de Gangsta Paradise.
Six fois mentionnée dans la liste des 50 plus belles personnes au monde du magazine People dans les nineties (un record), elle prend une pause dans les années 2000.
Toujours aussi resplendissante à 60 ans passés (et ce n’est pas Bruno Mars et Mark Ronson qui diront le contraire), on a pu la voir en 2012 de retour chez Burton pour la comédie fantastique Dark Shadows ou encore en Guêpe originelle du MCU dans Ant-Man and The Wasp.
Steven Bauer (Manny Ribera)
Difficile de croire que l’homme qui « rêvait d’avoir sa propre marque de blue jeans » tenait là officiellement son tout premier rôle au cinéma. La performance est d’autant plus remarquable qu’il s’est imposé aux essais face à John Travolta.
Marié à l’époque à Melanie Griffith, l’avenir lui semblait alors promis. Sauf que pas vraiment en fait.
Après avoir brièvement retrouvé Brian de Palma un an plus tard le temps d’une scène pour Body Double, il enchaîne séries B sur séries B tandis qu’il se remarie à trois nouvelles reprises et divorce autant de fois.
Il lui arrive néanmoins de se rappeler aux bons souvenirs du grand public, que ce soit dans le Traffic de Steve Soderbergh de 2000, le clip Hold On, We’re Going Home de Drake en 2013, ou plus récemment en Don Eladio, le chef de cartel mexicain des séries Breaking Bad/Better Caul Saul.
Ce personnage sera d’ailleurs pour lui l’occasion pour lui de donner la réplique à un autre acteur de Scarface : Mark Margolis (Héctor Salamanca), alias l’impassible bras droit de Sosa.
Mary Elizabeth Mastrantonio (Gina Montana)
Débutante complète elle aussi, la sœur cadette de Tony choisit ensuite de s’éloigner des plateaux pendant trois ans pour se consacrer pleinement au théâtre.
Elle revient cependant en force en 1986 avec La Couleur de l’argent où sous la direction de Martin Scorsese et aux côtés de Tom Cruise, elle décroche une nomination et aux Oscars et Golden Globes.
La suite de la décennie sera à l’avenant avec notamment Abyss de James Cameron et son rôle de Marianne dans Robin des Bois, prince des voleurs.
En 1990 elle épouse le réalisateur Pat O’Connor pour qui elle avait joué auparavant dans Calendrier meurtrier. Désireuse de consacrer du temps à ses deux enfants, elle se fait plus discrète.
Bien que son tout dernier rôle au cinéma date de 2004, Mary Elizabeth Mastrantonio (et pas Mastroianni hein) continue toutefois d’être active sur le petit écran cf. sa récente apparition la défunte série Marvel x Netflix The Punisher.
Robert Loggia (Frank Lopez)
Au générique d’une vingtaine de films avant Scarface (dont Officier & Gentleman et À la recherche de la panthère rose tous deux sortis l’année précédente), il obtient en 1985 une nomination aux Oscars pour son second rôle dans le thriller À double tranchant.
Alternant grosses productions (Gladiator, Independence Day 1 et 2…) et films plus pointus (Lost Highway de David Lynch, Big avec Tom Hanks…), il se fait également remarquer à la télévision en campant le grand-père de Malcom en 2000 ainsi que l’irascible Feech La Manna quatre épisodes durant dans Les Soprano.
Amis gamers des années 2000, sachez également que sa voix peut-être entendue dans Grand Theft Auto III.
Diagnostiqué de la maladie d’Alzheimer en 2010, Salvatore ‘Robert’ Loggia nous a quittés en décembre 2015, non sans avoir continué de tourner jusqu’au bout.
Paul Shenar (Alex Sosa)
Comédien au théâtre, dans les années 70 il a été vu dans bon nombre de séries télé cultes (Columbo, Kojak, Mannix, Hawaï police d’État…) avant de décrocher son rôle le plus marquant : le très aristocrate roi de la cocaïne Alajandro Sosa.
Éligible au titre de gangster le mieux habillé, il remet ensuite le couvert en tant que mafieux face à Arnold Schwarzenegger dans Le Contrat (1986).
Atteint du virus du SIDA, il décède en 1989 à l’âge de 53 ans.
Sa toute dernière apparition au cinéma se fera cette même année sous l’œil de Luc Besson dans Le Grand bleu.
Martin Bregman, le producteur
Autre disparu, Martin Bregman s’est éteint en 2018 à l’âge de 92 ans.
Après avoir débuté dans le monde du septième art comme manager (Woody Allen, Barbra Streisand, Faye Dunaway, Michael Douglas…), il est celui qui découvre Al Pacino sur les planches à l’orée des seventies.
Il l’aide alors à obtenir son premier rôle d’envergure dans Panique à Needle Park, un métrage se déroulant dans le milieu des héroïnomanes newyorkais et pour lequel De Niro était aussi en lice.
Bregman se lance comme producteur deux ans plus tard avec Serpico, là encore avec Pacino à ses côtés, entamant là une collaboration des plus fructueuses (Un après-midi de chien, Mélodie pour un meurtre, L’Impasse…).
Il n’a toutefois pas toujours eu le nez creux dans sa carrière, lui qui a été aux commandes de cet immense four qu’a été Les Aventures de Pluto Nash en 2002 avec Eddy Murphy dans le rôle-titre (7 millions de recettes pour un budget de 100 millions) ou de cette panouille indigne qu’est la suite de L’Impasse, Carlito’s Way: Rise to Power (2005) dont il avait confié la direction à son propre fils Michael.
Martin Bregman a également entretenu une relation privilégiée avec le réalisateur Alan Alda pour qui il a produit cinq films.
Brian De Palma, le réalisateur
Fer de lance de ce que l’on a appelé le Nouvel Hollywood, soit cette génération de réal’ (Steven Spielberg, Coppola, George Lucas, Scorsese, Michael Cimino…) d’influence européenne désireuse d’assumer le contrôle artistique de ses projets, Brian De Palma peut se targuer en 1983 d’une réputation des plus flatteuses.
À la tête d’une filmographie déjà bien achalandée (le film d’horreur Carrie, les thrillers Pulsions et Blow Out, l’un des cinq films préférés de Quentin Tarantino), il se voit confier la direction de Scarface suite au départ de Sidney Lumet.
Aussi décrié qu’adulé pour sa capacité à se rapproprier les classiques (au point d’être surnommé « le petit Alfred Hitchock »), De Palma alterne tout au long de sa carrière succès public et critique, et revers cuisants.
Face A cela donne les Les Incorruptibles (1987) ou Mission impossible (1996), face B ses adaptations catastrophiques des romans cultes de Tom Wolfe (Le Bûcher des vanités en 1990) et James Ellroy (Le Dahlia noir en 2006).
Un bilan assez contrasté donc, où chacun trouvera à boire et à manger.
Oliver Stone, le scénariste
Plume certifiée (son Oscar pour Midnight Express en 1978, Conan le Barbare), Oliver Stone a de son propre aveu écrit Scarface pour « se venger de la cocaïne ».
Délocalisé à Paris pour se sevrer (né d’une mère française, il parle couramment notre langue), ce vétéran de la guerre du Viêtnam dynamite complètement le classique de Hawks en faisant de Tony un personnage « sans aucune éducation » et « sans aucune limite ».
1986 marque son entrée dans le grand bain des réalisateurs avec Salvador, mais aussi et surtout avec Platoon qui initie sa trilogie de films sur le Viêtnam et qui lui vaut un Oscar – viendront Né un 4 Juillet et la seconde statuette qui va avec, puis Entre ciel et terre.
Dans les années 90 deux films lui valent d’attiser les polémiques : JFK (dans lequel il avance la thèse que Kennedy aurait été assassiné par le complexe militaro-industriel) et Tueurs Nés pris pour cible pour son hyper violence.
En 1999, il retrouve Al Pacino pour l’un des meilleurs films de sport de tous les temps : L’Enfer du dimanche qui dépeint les coulisses de la NFL.
Les années 2000 lui sont moins clémentes (le bide de son biopic d’Alexandre le Grand, la suite très suspecte de Wall Street), Stone s’embourbant en sus dans un militantisme de moins en moins finaud (W. : L’Improbable Président, ses documentaires sur Fidel Castro et Hugo Chavez…).
Giorgio Moroder, le compositeur
Chéri par tout rappeur qui se respecte, la bande originale de Scarface n’en est pas moins dépourvue de la moindre sonorité hip hop – quand bien même de Mobb Deep à Rick Ross, les emcees ont samplé à tire larigot cette oeuvre.
Produite, écrite et composée par l’italien Giorgio Moroder, elle propose des titres résolument disco/pop mâtinés de ces ambiances latines alors très en vogue dans les clubs de Miami à l’époque de la sortie du film.
Déjà responsable de la BO de Midnight Express et pourvoyeur de hits depuis le milieu des années 70 (Call Me de Blondie, Love to Love You Baby et I Feel Love de Donna Summer…), Moroder va poursuivre dans cette voie avec les cartons pleins What A Feeling d’Irene Cara pour Flashdance et Take My Breath Away du groupe Berlin pour Top Gun (sa composition préférée).
Enchaînant également les albums solos, il met toutefois un point final à sa discographie avec son quatorzième album Forever Dancing en 1992 pour se concentrer sur les visuels, le djing et les remix – à l’occasion des 30 ans de Scarface, il remixera d’ailleurs le thème principal du film.
En 2013 son nom revient néanmoins sur toutes les lèvres lorsque les frenchies de Daft Punk collaborent étroitement avec lui sur leur opus Random Access Memories, allant même jusqu’à lui dédier la piste Giorgio by Moroder dans laquelle il revient sous la forme d’interview sur son parcours (« My name is Giovanni Giorgio, but everybody calls me Giorgio »).
Redevenu hype, il sort un tout dernier disque en 2015 intitulé Déjà Vu où les parties chantées sont assurées notamment par Kylie Minogue, Britney Spears, Sia et Charli XCX.
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