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Les biopics de rappeurs racontent-ils vraiment la vérité ?

Les biopics de rappeurs racontent-ils vraiment la vérité ?

Fake news ou pas fake news la vie des emcees au cinéma ?

Entre le rap et le septième art l’idylle ne date pas d’hier.

Textes inspirés par les classiques du genre, rôles de petites frappes face caméra, composition de bandes originales… depuis le départ les deux mondes se font les yeux doux.

C’est donc assez logiquement qu’ont fini par naître des films entièrement dédiés aux parcours des plus gros nom du game, et ce d’autant plus que ce ne sont pas les ingrédients qui manquent pour inspirer des scénarios riches en rebondissements.

Hollywood oblige, entre ce qui s’est passé et ce qui est retranscrit à l’écran, il existe forcément des écarts. Parfois il s’agit de simples facilités ou raccourcis, parfois il s’agit d’inventions pures et dures.

Petite séance de fact checking pour savoir qui a vraiment fait quoi.

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« Straight Outta Comptom », le biopic des N.W.A.

Sorti en 2015, réalisé par F. Gary Gray.

Coproducteurs du film, c’est peu dire qu’Ice Cube et Dr. Dre se sont UN PEU mis en valeur au détriment de leurs petits camarades, et pas seulement au niveau de leurs temps de présence à l’écran.

Certes, Eazy-E a le droit à une scène d’intro des plus badass dans une baraque à crack de Compton (scène qui au demeurant n’a jamais existé que dans la tête des scénaristes), mais il passe ensuite le reste de l’intrigue pour la marionnette de Jerry Heller, avant de finir fauché complet quand bien même son label Ruthless Records tournait à plein régime et qu’il touchait des royautés de Chronic et Doggystyle.

Dre a lui en revanche droit à voir les passages les plus sombres de sa biographie gommés (avec en premier lieu le fait qu’à cette époque il levait régulièrement la main sur ses compagnes) ou réécrits (s’il est retrouvé incarcéré au début de l’histoire ce n’est pas pour avoir défendu son frère handicapé, mais pour ne pas avoir payé ses contraventions).

Tout ce qui entoure le morceau Fuck tha Police a également pas mal été romancé. Si le contrôle de police à la sortie des studios est corroboré par la biographie d’Heller, c’est un autre incident beaucoup moins flatteur qui a provoqué la colère du groupe : en vadrouille dans les rues de Los Angeles, Eazy-E et Dr. Dre s’amusaient à effrayer les passants en mimants des drive-by shooting avec des paintballs.

Et pour ce qui est du concert donné à Detroit à la suite duquel ils ont été arrêtés (non pas à leur sortie de scène, mais une fois arrivés à leurs chambres d’hôtel), le quintet s’était en amont expressément engagé auprès des autorités à ne pas jouer le morceau polémique avant de revenir sur sa parole.

« 8 Mile », le film d’Eminem

Sorti en 2002, réalisé par Curtis Hanson.

Alors oui, le personnage principal s’appelle Jimmy Smith Jr. et pas Marshall Bruce Mathers III, mais toujours est-il qu’il est difficile de ne pas voir ici autre chose que le portrait du rappeur à l’orée de ses années fastes, d’autant plus que le scénario joue à fond de la confusion en s’inspirant d’évènements tirés de sa biographie.

Enfant de Detroit, si Em’ a effectivement grandi en bordure de la 8 Mile Road, enchaîné les battles dans les clubs locaux et bossé en bas de l’échelle pour payer ses factures, pas mal de nuances sont à apporter.

Déjà comme le montrent les pochettes de ses albums The Marshall Mathers LP et The Marshall Mathers LP 2, il n’a pas vécu dans une caravane, mais dans une maisonnette entourée de caravanes.

Ses grandes oreilles lui valaient d’être surnommé « Mickey » par sa famille, et non pas « Rabbit ».

Il travaillait dans les cuisines du Gilbert’s Lodge, un bar/restaurant située en périphérie, et pas du tout dans une usine automobile de la Motor City.

À 20 ans, s’il s’est bien amusé avec ses potes à shooter des billes de peinture au volant d’une voiture, il n’a ni tiré sur la police, ni ensuite réussi à leur échapper : il s’est fait arrêter juste après… avant de voir l’affaire classée.

Oh, et il paraît peu probable qu’il est jamais défendu à coup de freestyle l’un de ses collègues victime d’homophobie lors d’une pause déjeuner.

« Get Rich or Die Tryin’ », le film de 50 Cent

Sorti en 2005, réalisé par Jim Sheridan.

Dans la même veine que son pote Shady, Curtis Jackson y est allé de son biopic-qui-n’en-est-pas-un. Plus centré sa vie criminelle que sur sa vie de rappeur, il serait selon ce dernier « vrai à environ 75 % ».

Si un peu comme avec ces textes on est en droit de douter d’une telle estimation, les 25 % de fiction comprennent tout l’arc narratif au sujet de la quête du père (ce dont 50 ne s’est de son propre aveu jamais soucié), son passage par la case prison (il a en réalité été incarcéré dans un centre correctionnel pour adolescents), ou encore toutes ces histoires de colombiens un peu trop grandiloquentes pour être honnêtes.

Ça, et puis aussi le fait que Tony Yayo et Lloyd Banks soient absents, ou que les paires de Jordan qui sont portées n’étaient pas sorties dans ces coloris au moment des faits.

Rayon vérités (ou quasi vérités), outre la puissance de sa droite (il a commencé la boxe anglaise à 11 ans) et le décès de sa mère Sabrina dans des conditions particulièrement macabres, la fusillade dont il a été victime marque évidemment l’un des temps fort du film.

Quelques différences sont toutefois à noter avec la vraie scène, que ce soit le moment de la journée (la fin de matinée et pas la nuit) ou le nombre de bastos qu’il a effectivement pris dans le buffet – car oui, 20 ans après les faits le doute subsiste.

« Notorious », le biopic de Notorious B.I.G.

Sorti en 2009, réalisé par George Tillman Jr.

Vilipendé par la critique à sa sortie, Notorious se montre pourtant extrêmement fidèle à l’œuvre de Christopher Wallace, et pas seulement pour la prestation plus vraie que nature de l’inconnu Jamal Woolard dans le rôle-titre.

Pour ce qui est des anecdotes rigolotes, le Bad Boy a effectivement répondu un jour à l’un de ses professeurs qui lui avait prédit qu’il finirait éboueur que, si tel est le cas, il se ferait plus d’oseille que lui, ou qu’enfant, sa mère Violetta le surnommait « Chrissy-Pooh » (« Chrissy-Caca »).

Pour ce qui est de sa vie de dealeur, Biggie s’est bien lancé dans le business du crack dès ses 12 ans, il lui est bien arrivé de vendre sa marchandise à une femme enceinte et son pote D’Roc de la Junior Mafia (alias « le renoi le plus droit qui existe » dixit Puff Daddy) est bien tombé à sa place pour une histoire de gun.

Et pour ce qui est des zones d’ombre de sa biographie comme la liaison supposée de 2Pac avec sa femme Faith Evans ou l’identité de son meurtrier, le métrage choisit judicieusement de laisser le flou.

Au final, seule Lil Kim a dénigré lé film, elle qui à sa sortie s’est plainte publiquement des « mensonges » relayés à son encontre.

« All Eyez On Me », le biopic de 2Pac

Sorti en 2017, réalisé par Benny Boom.

Annoncé depuis des lustres mais tourné dans l’urgence pour une question de droits, si de l’avis de tous le film n’est pas la hauteur de son sujet, historiquement il tape plutôt juste (la fusillade dont il a été victime, le portrait de sa mère, Madonna…).

Deux bémols cependant.

Le premier concerne sa relation avec Jada Pinkett. Particulièrement agacée par les inexactitudes à son égard, l’actrice a tweeté sa version des faits« 2Pac ne m’a jamais lu ce poème. Je ne savais d’ailleurs pas que ce poème existait avant ce qu’il soit publié dans ce livre (…) Pac ne m’a jamais dit au revoir avant de quitter L.A., il a dû partir précipitamment et ce n’était pas pour sa carrière (…) Je ne suis jamais allée à l’un de ses concert à sa demande et nous n’avons jamais eu d’engueulades en coulisses »

Plus délicat, le second est en rapport avec l’accusation de viol dont le l’auteur de California Love a fait l’objet. Contrairement à ce qui est dépeint, Ayanna Jackson, qui l’avait à l’époque envoyé en prison avant qu’il ne soit innocenté, a démenti catégoriquement lui avoir fait une fellation dans un club la première fois où ils se sont rencontrés.

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